[Grazia] Karima Delli, Ch’tie, eurodéputée et arme anti-Lepen ?

Temps de lecture  5 minutes

Article de GRAZIA

 

Par  le 18 avril 2014 à 15h38

CO-PORTE-PAROLE NATIONALE DE LA CAMPAGNE EUROPE-ECOLOGIE POUR LES EUROPÉENNES DU 25 MAI PROCHAIN ET CANDIDATE DANS SA RÉGION, KARIMA DELLI ENTEND BIEN EMPORTER TOUS LES SUFFRAGES. MÊME CEUX DU FRONT NATIONAL. UNE INTERVIEW (PRESQUE) SANS LANGUE DE BOIS.

Karima Delli, ch’tie, eurodéputée et arme anti-Le Pen ?

 

Sur l’estrade, devant un drapeau de l’Union Européenne, Marine Le Pen se ronge les ongles, littéralement. Elle jette des regards agacés sur sa droite. L’objet de ces œillades ? Karima Delli, 34 ans, jeune pousse d’Europe Écologie, inconnue du grand public. Il y a cinq ans, la jeune femme est entrée en politique « comme par effraction », selon ses propres mots. Lors des élections européennes de 2009, elle occupait la 4eplace de la liste Europe-Ecologie d’Ile-de-France, derrière Daniel Cohn-Bendit, Eva Joly et Pascal Canfin. Une position qu’elle pensait inéligible. Défiant tous les pronostics, elle a été élue au Parlement européen. Cinq ans plus tard, elle revient sur ses terres. Ce 7 avril, à Arras, Karima Delli, Marine Le Pen et six autres candidats aux élections européennes de la région Nord-Ouest s’affrontent en débat. Tout sourire, Karima Delli cache difficilement son stress : « c’est mon premier débat« , confiait-elle lors d’une interview accordée à Grazia quelques heures avant de monter sur le ring.

Grazia : Pendant la campagne, vous allez affronter Marine Le Pen, vous vous y êtes préparée ?
Karima Delli : Madame Le Pen, c’est un emploi fictif. Elle a passé 10 ans au Parlement et n’a rien fait pour les Français. Mais les indemnités [environ 11 000 euros nets par mois, ndlr], ça elle les a encaissées. Elle détient des records d’absentéisme. Ce soir, je vais pouvoir lui dire : « Ah c’est vous Madame Le Pen, je ne vous avais encore jamais vu, pourtant nous sommes censées siéger toutes deux au Parlement et dans la même Commission des Affaires sociales ».

En même temps, bouder le Parlement semble logique pour une eurosceptique…
Madame Le Pen croit que remettre les frontières va résoudre les problèmes par miracle. Mais c’est faux. C’est nier la réalité. On est dans un monde globalisé, tous ceux qui disent que les solutions sont franco-françaises mentent. On ne réglera pas le dumping social à l’échelle de la France. Madame Le Pen joue sur le déclassement des gens sur la terre du Nord. Ce n’est pas normal de jouer avec les peurs des gens.

Vous-même êtes une enfant du cru – née à Roubaix, famille d’ouvrier-, cela fait-il de vous la meilleure arme anti-FN dans le Nord ?
Je ne suis pas ici pour faire tomber qui que ce soit. Je ne veux pas tomber dans les travers de Mélenchon. Moi, madame Le Pen, ce n’est pas mon obsession. Moi, je veux qu’on parle d’Europe et d’écologie dans cette campagne.

Karima Delli

Justement. Dans votre livre La Politique ne me fait pas perdre le Nordvous parlez d’ »écologie populaire », qu’entendez-vous par là ?
C’est une écologie qui s’adresse en priorité aux classes populaires. Ce n’est pas l’écologie des grandes idées et des grands discours, mais celle du quotidien et des petits gestes simples. Quand je regarde le milieu d’où je viens, on fait déjà de l’écologie, sauf qu’on appelle ça de la débrouille. Fermer les lumières quand on quitte une pièce (expression ch’tie signifiant « éteindre les lumières », ndlr), troquer nos vêtements entre sœurs.

Mais, à la veille des élections européennes, vos adversaires semblent vouloir faire porter le débat plus sur la croissance que sur le réchauffement climatique …
Mais ce modèle économique ne marche pas ! La crise en est la preuve. Alors quoi : s’il n’y a pas de croissance que fait-on ? On s’assied et on attend la tombe? Ou on cherche des alternatives ? Je veux croire que la crise peut être une opportunité, la possibilité de changer de modèle. Et de devenir la société de l’entraide, de la convivialité.

 

 

Vous venez de passer 5 ans au Parlement européen, avez-vous l’impression que ce mandat a fait avancer le schmilblick ?
Je n’ai pas à rougir de mon mandat. J’ai fait ce que j’ai dit. J’ai sorti des rapports. J’ai lutté pour la garantie jeunesse. Et puis, pendant mon mandat, j’ai continué à militer, je ne me suis pas laissé transformer en élue déconnectée des réalités.

Vous faites référence à la « méthode Karima » ?
C’est ça (rires), un pied dans la politique et un pied dans le mouvement social. C’est Karima la militante de Jeudi Noir et de Sauvons les riches que Danny (Daniel Cohn-Bendit, ndlr) est venu chercher, il y a 5 ans. Pas question de me renier c’est pourquoi j’ai continué à mener des actions, jusqu’au sein même du Parlement : statue de glace dans le hall, eurodéputées affublées de moustache, T-shirt « Stop Barroso ». Des actions toujours menées avec le sourire.

Sans vouloir vous faire perdre ce sourire, que pensez-vous de l’absence des verts au gouvernement ?
C’est un choix respectable. On a mis les mains dans le cambouis pendant 2 ans. Et pendant 2 ans, aucune des promesses qui nous avaient été faites n’a été tenue. L’exemple qui m’a marquée est celui de Delphine Batho : rien qu’en critiquant son propre budget, elle a été virée.

Ne pensez-vous pas que les choses auraient été différences cette fois, pendant le remaniement, Manuel Valls promettait aux Verts une réduction des réacteurs nucléaires, pas d’OGM, le ministère de l’écologie, etc. ?
Les promesses n’engagent que ceux qui les croient. On peut faire de la politique sans être au gouvernement.

Que pensez-vous du choix de Ségolène Royal à l’Environnement ?
Elle a une sensibilité écolo, c’est tant mieux.

A peine installée dans ses nouvelles fonctions, le 3 avril, Ségolène Royal s’est prononcée en faveur d’une « remise à plat » de l’écotaxe, tout en dénonçant une « écologie punitive« , une sortie jugée « inquiétante » par Nicolas Hulot et carrément « absurde » par l’ex-secrétaire d’Etat Pascal Durand. Et vous, ça vous a fait bondir ?
L’écologie c’est pas des punitions, c’est des solutions. C’est faux de dire que l’écotaxe est une taxe supplémentaire pour les ménages. Ça vise les poids lourds. Je préférerais qu’on insiste sur ce que cette taxe permettrait comme investissements sur le long terme. Il y a 120 projets en France qui attendent cette écotaxe. Après, je suis d’accord sur le fait qu’il faille la mettre à plat : aujourd’hui, telle qu’elle est pensée, l’écotaxe est un scandale d’Etat qui coûte 800 millions d’euros.

Dans votre livre, vous écrivez ne pas vouloir faire de la politique votre métier, vous vous êtes fixé une deadline ?
(Elle hésite) Je repars pour un mandat et après je me poserai sincèrement la question de continuer ou non.

Karima Delli

Retrouver le récit du reportage dans le Nord avec Karima Delli dans le Grazia n°238, en kiosque le 18 avril.

aujourd'hui
Revue de presse

Répondre