Projet de ligne nouvelle à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Ferrand (POCL) – Appui à la motion de l’association TGV Grand Centre Auvergne pour le choix du tracé définitif

Nous sommes conviés aujourd’hui, à arbitrer entre deux tracés d’une Ligne Grande Vitesse classée en priorité 2 par la Commission Mobilité 21,  soit une hypothétique réalisation après 2030 et pour autant que soit prouvée la future saturation de la ligne Paris-Lyon.

Les études complémentaires souhaitées comme les motions proposées, il y a 8 jours au Conseil Général de la Nièvre pour soutenir le tracé médian, aujourd’hui ici pour soutenir le tracé Ouest, s’apparentent à des produits de substitution offerts aux élus locaux peinant à s’engager dans une cure de désintoxication au modèle de la grande vitesse ferroviaire porté, pour reprendre le titre du rapport de la Cour des Comptes, « au-delà de sa pertinence ».

Bien que, je suppose, les élus aient parcouru le rapport de la Cour des Comptes pour donner un avis éclairé sur cette délibération, je veux en rappeler quelques constats que les écologistes partagent même s’ils proposent d’autres solutions que de promouvoir les modes de transport longues distances routiers :

Premier constat partagé aussi par la commission Mobilité 21 : l’investissement très lourd qui a été consenti pour le « Tout TGV » s’est fait au détriment de l’entretien du réseau classique, le « ferroviaire du quotidien ».

En 2013, 57 % du budget de l’agence de financement des infrastructures concernent les nouvelles lignes grande vitesse.

En ces périodes d’argent public rare et d’endettement du Réseau Ferré de France dont la dette en 2013 s’est alourdie, atteignant 34 milliards d’euros, la Cour des Comptes rappelle que « les ressources affectées au réseau classique sont en concurrence directe avec le réseau grande vitesse », que « les lignes grande vitesse en cours de construction ne sont pas financées » d’autant que le gouvernement a reporté sine die la taxe Poids lourds pourtant votée à l’unanimité, que l’état du réseau et du matériel roulant nécessitera des investissements lourds pendant au moins dix ans, et donc un renversement des priorités.

Deuxième enseignement : la Cour des Comptes relativise le postulat selon lequel le gain de temps surdétermine les autres critères de choix. Les déplacements professionnels sont relativement faibles sur les LGV par rapport aux déplacements pour des motifs privés (visites à parents et amis, vacances, loisirs, résidence secondaires) d’usagers appartenant aux déciles de revenus les plus élevés.

Il convient peut-être de s’intéresser de nouveau en priorité aux millions d’usagers du quotidien qui ont vu leurs conditions de déplacements se détériorer par ce choix de modèle.

Pour des villes moyennes comme par exemple Roanne, le TGV, ce sera 3 arrêts jour à des prix élevés. Les écologistes pensent au contraire que les « usagers ne privilégient pas la vitesse mais le temps de parcours global qui combine fréquence et amplitude et le tarif de déplacement ».

 

En ce qui concerne le développement économique et l’aménagement du territoire, « les exemples d’activités qui se développent autour des infrastructures ferroviaires nouvelles correspondent plus à des déplacements qu’à des créations nettes ». Le TGV « accentue la polarisation autour des plus grandes métropoles », la concentration et la mise en concurrence des territoires.

Ainsi ce modèle privilégiant le TGV  sur le reste de l’offre ferroviaire est en phase avec le modèle de développement économique dominant, et ce n’est pas étonnant que les écologistes qui promeuvent un modèle de transition propre à relocaliser l’économie sur chaque territoire et à favoriser leur coopération, aient été les premiers à contester cette dérive de la politique des transports.

Concernant l’impact sur l’environnement : tant en fonctionnement pour certains taux d’occupation qu’en investissement, le bilan CO2 de la poursuite de construction de nouvelles lignes GV reliant les grandes métropoles est désormais à réinterroger en regard d’un bilan beaucoup plus favorable de solutions ferroviaires alternatives.

A ces constats d’un organisme national, je veux ajouter ceux de la contre-expertise obtenue par la Coordination des associations du Beaujolais et versée à la consultation publique ; sur la ligne en discussion aujourd’hui, l’expert conclut :

  • A une surestimation manifeste des trafics à l’horizon 2025, d’autant plus qu’à cette date ni le projet reformaté de la LGV PACA ni la ligne Lyon – Turin ne seront en service ;
  • A une absence de prise en compte des réserves de capacité pour retarder voire éviter la saturation de la ligne.
  • A un mauvais diagnostic des causes des irrégularités du trafic actuel, dont l’essentiel des retards est pris sur le réseau classique emprunté par beaucoup de TGV circulant sur la Ligne GV Paris Lyon. Ce sont ces tronçons qui mériteraient des investissements prioritaires alors que le doublement de la liste n’améliorera pas la régularité de la première.

Pour toutes ces raisons, le bilan socio-économique de cette ligne en regard de son coût est nettement dégradé.

Comme la Commission Mobilité 21, les écologistes redonne  » la priorité aux transports du quotidien » et  proposent depuis des années de compléter la grande vitesse avec un projet de Train à Haut Niveau de Service privilégiant la desserte fine des villes moyennes du cœur de la France, à une fréquence élevée grâce au cadencement, un haut niveau de confort avec un matériel d’un nouveau type entre TGV et TER lors du renouvellement des Corail, des temps de parcours attractifs et des prix modérés au minimum 30 % moins chers que ceux du TGV.  Pour cela, les élus régionaux des 6 régions traversées ont travaillé avec des experts pour une proposition alternative que je tiens à votre disposition et qui passe par « le développement des liaisons ferroviaires entre Lyon et la façade atlantique ».

Un projet qui maximalise le service rendu à une majorité d’usagers en regard du coût, des priorités d’assurer urgemment la maintenance et la rénovation des réseaux existants.

C’est ce type d’offre qui permettra de faire préférer le train à la voiture ou à l’avion.

En conclusion, la prise en compte de l’intérêt général qui n’est pas la somme des intérêts fut-ce d’une grande coalition d’élus, nous conduit à repousser cette motion qui disserte sur le choix d’un tracé d’une ligne dont nous contestons l’opportunité. En nous étonnant d’ailleurs que la délibération nous invite à soutenir sans aucun recul critique le scénario qui retient sans état d’âme le tracé le plus cher (14 à 15 milliards) et en ne versant pas à notre débat les deux cartes sur l’impact environnemental des tracés qui établissent l’impact encore plus fort du scénario Ouest sur les milieux humain, physique et naturels.

Enfin, contrairement à ce qu’affirme cette motion, « l’enveloppe de crédits de 2 milliards d’euros n’est pas réservée pour engager des opérations sur la ligne POCL » mais est affectée à un ensemble de projets de priorité 2 dont fait partie le Contournement Ferroviaire de l’Agglomération Lyonnaise qui nous semble plus stratégique d’appuyer, pour autant que l’enveloppe existe un jour puisqu’en partie conditionnée à la taxe poids lourds.

A tous points de vue, il convient donc de rejeter cette motion qui relève de l’obstination déraisonnable.

Raymonde Poncet

 

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