Pas de fichage morphologique pour nos collégiens

Madame la Présidente, mes chers collègues,

Au détour d’une délibération rappelant que le collège Jean Moulin dans le 5ème arrondissement accueille depuis septembre et jusqu’au mois de juin 350 demi-pensionnaires lycéens du Lycée Saint-Just dont la cantine a été sinistrée, nous sommes invité à établir avec la région une convention pour installer des bornes biométriques pour l’accès à la demi-pension.

L’introduction de la biométrie dans les établissements scolaires n’est pas un événement banal et mérite un débat associant les collectivités publiques et la communauté éducative.

Il convient de remarquer d’abord, et les conditions de son introduction ici en témoignent, que ce type d’équipement est proposé parce qu’il s’agit d’abord de contrôler des flux d’enfants excessivement importants – en temps normal déjà 750 demi-pensionnaires – et que cette taille d’établissement impose de réduire les collégiens à une gestion de leur masse.

Ainsi un investissement très coûteux- plus de 18 000 euros TTC qui nécessite de plus de changer tous les plateaux – se justifierait pour rendre le flux plus rapide ; si l’argument marketing est bien rodé, outre les questions de fond que cela pose et sur lesquelles je reviendrai bien évidemment, il est loin de s’avérer exact selon plusieurs expérimentations. Il faut en effet que chaque collégien tape son code à 4 chiffres, puis après validation pose sa main dont l’empreinte a été préalablement enregistrée en lien avec son code – notons que l’enregistrement des empreintes s’appelle l’enrôlement – ce qui déclenche enfin la réception d’un plateau.

A ce niveau le problème de l’hygiène se pose surtout en période d’épidémie de gastro. Pas de problème, les sociétés ont tout prévu et il convient contre cette objection d’installer un distributeur de gel bactéricide à sec après le lecteur.

Cependant, et même en excluant les dysfonctionnements et bugs de reconnaissance, à l’usage, ces machines se révèlent guère performantes bien que très couteuses, voire occasionnent plus d’attente que la vieille carte à puce au nom de l’élève.

Ces considérations techniques de relative inefficacité du système ne doivent toutefois pas occulter les questions éthiques et sociétales que pose le fait d’habituer l’enfant à être contrôlé en utilisant une partie de son corps. Si on ajoute que les promoteurs insistent sur l’inutilité d’avoir un surveillant à l’entrée des cantines pour justifier le retour sur investissement, après la proposition de vidéosurveillance et avant peut-être la gestion des absences par l’enseignant à l’aide d’un lecteur optique des codes barre des élèves se substituant à leur identité, il convient de réfléchir à l’environnement scolaire qu’on propose aux enfants, environnement qui repose de plus en plus sur des machines plutôt que sur une forte présence humaine et éducative pour gérer la taille excessive de ces établissements.

Les parents d’élèves FCPE du collège se sont prononcés contre au CA de septembre et quand on sait que les parents peuvent s’opposer à la collecte des données biométriques de leur enfant comme à leur stockage fut-ce une année, nous nous étonnons que le CG passe outre l’avis sur un tel sujet de cet acteur essentiel de la communauté éducative. Sans compter qu’on voit mal comment le système gèrera un système mixte puisque la CNIL affirme que le système ne peut être obligatoire.

La technologie n’est pas neutre, pour l’enfant en construction, l’outil de la biométrie opère une modification symbolique de ce qui fait son identité et comment ne pas repérer que le collège devient un lieu d’anonymat adoptant de plus en plus une logique de contention pour ne pas dire plus, univers assez déshumanisant pour de jeunes collégiens.

Voilà qui mérite un vrai débat pour un collège formateur de futurs citoyens responsables, un collège de l’apprentissage du vivre ensemble où les outils technologiques ne se substituent pas à la présence éducative, et où on s’interroge un minimum sur les implications de la mise en place de systèmes d’identification biométriques dans un lieu éducatif.

Comme la FCPE du collège, pour toutes ces raisons, nous nous prononçons contre la modification de l’accès à la demi-pension par l’installation de bornes biométriques et en conséquence contre la signature d’une convention avec la région pour en partager le coût important.

Raymonde Poncet

Remonter