Intervention d’Emmanuelle Cosse au Conseil régional d’Ile-de-France lundi 16 novembre
Le lundi 16 novembre, le conseil régional a tenu une session extraordinaire suite aux attentas du 13 novembre. Voici l’intervention d’Emmanuelle Cosse à cette occasion.
Attentats de Paris –
Intervention E. Cosse CRIDF – 16 novembre 2015
Monsieur le président, chers collègues,
Vendredi soir, la terreur a frappé au coeur de notre région. Elle ciblait la liberté, la tolérance, la jeunesse, la culture. Elle a tué et blessé de façon indifférenciée des dizaines de femmes et d’hommes, simplement parce qu’ils étaient là, simplement parce qu’ils vivaient leur vie. Beaucoup de ces victimes étaient originaires d’Ile-de-France, d’autres venaient à Paris pour y passer un week-end ou quelques heures de bon temps.
C’est à toutes ces victimes, à leurs familles et à leurs proches que je pense d’abord aujourd’hui, et que je veux redire, au nom de tous les écologistes, notre soutien face à l’horreur et notre profonde solidarité. Je redis ici également, parce qu’on ne le fera jamais assez, notre admiration et nos remerciements envers les forces de l’ordre et tous les services de secours.
A eux comme à tous nos concitoyen-nes, nous devons le réconfort dans la peine, la cohésion face aux menaces, la mesure et la dignité dans nos réactions. J’ai redit hier au Président de la République notre soutien plein et entier. Dans ce moment terrible que nous connaissons, l’unité nationale est nécessaire, vitale. Et elle doit exister sans ambiguïté, sans conditions.
Elus et responsables politiques, représentants démocratiques d’un peuple attaqué dans sa diversité et pour ses valeurs, notre responsabilité est d’apporter des réponses et des perspectives d’avenir. En ces heures d’immense émotion, notre devoir est de ne rien céder à la panique simpliste, aux pulsions vengeresses ou à l’illusoire désignation de boucs émissaires. Le courage, la fidélité à nos principes, les enseignements de l’histoire récente exigent plus que jamais de notre part sang-froid et discernement.
Cette lucidité est nécessaire car c’est bien un piège qui nous est tendu. Oui, Daesh mène contre la France, comme contre les peuples du Moyen-Orient, une entreprise de destruction. Elle utilise pour cela des armes de guerres, mais aussi des armes psychologiques et politiques.
Son objectif est d’implanter dans nos sociétés les graines de la haine et de la division. Son objectif, pour se développer, n’est rien d’autre que la guerre civile dans les sociétés occidentales, pour entretenir dans un cercle vicieux des logiques d’exclusion et préparer le terrain à leur propagande mortifère.
Aussi, et je le dis ici avec force, alors que des groupes fascistes répandent déjà leur haine dans plusieurs villes de France, taguent, ratonnent des personnes pour leur couleur de peau… Notre réponse se doit d’être ferme mais fidèle à ce que nous sommes et à notre démocratie.
Nous gagnerons si nous restons nous-mêmes, si nous continuons à vivre, si nous ne nous dénaturons pas et respectons l’héritage des Lumières, le droit, les principes d’ouverture et de tolérance.
Un certains nombres de personnalités politiques de premier plan ont d’ores et déjà proposé de sortir du droit. Je leur rappelle une chose : sortir du droit, sortir du judiciaire, c’est sortir de la République. L’émotion et l’effroi ne doivent pas nous empêcher d’agir. Mais ils ne peuvent conduire à de la surréaction qui abolirait les fondements de notre démocratie et de notre République.
C’est donc uniquement dans le cadre républicain et de l’Etat de droit, et uniquement dans ce cadre, que nous devons penser nos réponses au défi qui est lancé à notre société.
1/ La première réponse, la plus immédiate, est évidemment de prendre les mesures nécessaires à la sécurité de nos concitoyens contre la menace terroriste.
Cela signifie renforcer en particulier nos capacités de renseignement, d’analyse et de contrôle de façon ciblée sur les menaces réelles et identifiées, plutôt que d’épuiser nos moyens et nos capacités dans une surveillance généralisée ou une restriction des libertés illusoires et inefficaces.
2/ La deuxième réponse est bien-sûr de s’attaquer aux racines du problèmes, et donc de couper les vivres, les ressources humaines et financières à Daesh et aux organisations terroristes qui ont leur base au Moyen-Orient.
Dès aujourd’hui au G20, nous devons obtenir une implication beaucoup plus grande de tous les acteurs et pays de la région, y compris de la Turquie, et nous appuyer plus fortement sur les mouvements progressistes et laïcs qui se développent dans le pourtour méditerranéen.
Nous devons aussi apprendre de nos erreurs passées. A chaque fois qu’une armée occidentale s’est lancée dans une guerre contre le terrorisme sans vision de long terme, cela a échoué. Daesh en est l’expression même, paradant sur les chars américains envoyés las bas après une autre attaque terroriste, celle du 11 septembre. Oui à une action coordonnée et forte, non à une intervention armée sans cadre international ni plan de sortie politique.
D’ailleurs, rien ne pourra être fait de manière efficace sans une Europe plus forte et plus intégrée.
Face à ces attaques internationale, nous avons besoin d’une véritable police européenne et d’un parquet européen.
3/ Enfin, rien ne sera efficace sans action de long terme visant à combler les fractures sociales dans lesquelles le terrorisme s’engouffre.
Il s’agit bien sûr de s’attaquer beaucoup plus fortement, avec beaucoup plus de constance aux fractures qui parcourent notre société, plus encore que d’autres en Europe. Celles qui expliquent qu’un quart des jeunes Européens partis rejoindre Daesh en Syrie et en Irak sont Français. Combattre la radicalisation est une nécessité, mais cela ne pourra se faire que si nous coupons toutes les racines qui la nourrissent.
Mais pour l’heure et pour toujours, notre réponse collective à l’horreur meurtrière réside dans la solidarité et la cohésion admirables que les Françaises et les Français ont montré depuis vendredi soir ; dans notre capacité à vivre, à danser, et, dans le respect des différences, à partager en toute liberté. Dans notre capacité à se souvenir de celles et ceux qui sont partis, ont été touchés dans leur chair.
Notre Région doit être solidaire avec eux, les accompagner autant que possible.
Notre région doit s’appuyer sur cette jeunesse, notre jeunesse qui a été prise pour cible.
Nous sommes en deuil. Restons dignes, restons unis, restons solidaires, restons soudés face à la haine, ça sera notre meilleure réponse face à l’horreur.
Je vous remercie.
Emmanuelle Cosse