Le très bon papier de Joseph Confavreux dans Mediapart Exhibit B de Brett Bailey sur l’exposition Exhibit B qui défraie la chronique nous engage à aimer la complexité. Il pose les enjeux politiques de cette performance artistique avec clarté, sans pudeur, mais avec précision.

Sans méconnaitre l’œuvre proposée, il comprend que la polémique en cours la dépasse très largement et parle plus volontiers de notre société.Confavreux nous met face à des difficultés politiques et intellectuelles qu’on ne peut pas résoudre en 2 minutes de polémique à la télévision. Il nous interroge sur les fractures mémorielles françaises qui sont autant d’impasses de l’universalisme républicain. Il nous encourage à réinventer un espace commun, qui ne soit pas un lac tiède de consensus, mais une chambre d’écho partagée pour nos colères et nos ambitions. Il questionne aussi sans ménagement, mais sans populisme, certains dispositifs de l’art contemporain.

Soyons clairs, la situation de tensions autour d’Exhibit B n’oppose pas fondamentalement les antiracistes et les partisans de la liberté d’expression. Elle fracture chaque camp et fait voler en éclats beaucoup de certitudes. La demande d’interdiction de l’exposition est soutenue par une frange de plus en plus mince des opposants, et les défenseurs de principe de l’œuvre Brett Bailey ne peuvent qu’entendre cette émotion de la rue. La polémique reflète en réalité l’incapacité de la gauche (et pas que du PS) à penser et construire une société au-delà d’un universalisme de façade, celui qui a exclu une partie de la société (les femmes, les noirs…) et souvent parlé à la place des intéressés. Exhibit B, que la majorité de ses détracteurs n’a pas vu, prend place dans une société bloquée dont les représentations politiques et culturelles ne rendent pas grâce à la diversité ni au dynamisme réel du corps social. Si Brett Bailey, le TGP ou le 104 ne sont pas exempts de critiques, ils ne sont pas non plus -et de loin- les plus mauvais sujets en la matière. Qu’en est-il de cette diversité et du respect des paroles autonomes au Parlement, sur les couvertures des magazines féminins, dans les journaux de 20h, parmi les patrons du CAC 40 ? Que font ces institutions très blanches pour progresser ?

Très modestement, avec mon collègue Adji Ahoudian (PS), en tant qu’élus du 19e, nous travaillons à favoriser l’émergence d’un espace de dialogue et de confrontation dans notre arrondissement autour de l’exposition-performance Exhibit B. La volonté de la direction du 104, José-Manuel Gonçalvès en tête, est d’accueillir un débat dans la semaine du 7 au 14 décembre. A Saint-Denis, le 28 novembre, le débat a été annulé, sur pression des manifestants, pour d’évidentes raisons de sécurité. J’espère que chacun pourra trouver la conviction de voir cette exposition-performance au 104, d’en respecter la liberté d’expression puis de porter ses discordances au pot commun.

Ne refermons pas cette séquence de réflexion salutaire.

Ici, parler c’est déjà agir.

Eric Thébault
Adjoint au Maire du 19e arrondissement de Paris, chargé de la culture