Lillenium : la politique du caddie et du pot d’échappement
Les deux enquêtes publiques du mois de juin 2012 marquent des pas de plus dans l’avancée de ce projet d’hypermarché contre lequel le groupe local d’Europe écologie Les Verts de Lille est mobilisé…
Vous trouverez ci-dessous notre contribution à l’enquête publique sur le Permis de Construire de Lillenium et celle concernant les projets de voirie.
à lire également :
- l’article de la Voix du Nord : « Projet commercial Lillenium à Lille-Sud : les Verts veulent trouver la faille juridique«
- l’article de Nord Eclair : « Lillenium : les Verts ne se résignent pas«
Notre contribution à l’enquête publique sur le permis de construire de Lillenium – Lille le 4 juin 2012
Europe Ecologie Les Verts de Lille rappelle son opposition au projet Lillénium, antagoniste avec un développement soutenable : la localisation en centre ville plutôt qu’en périphérie, ne diminue en rien le caractère insoutenable du modèle de la grande distribution, surtout dans l’organisation en amont des filières. EELV Lille s’est déjà manifesté dans ce sens et a regretté l’absence de débat public en amont du projet, puis autour des procédures (modifications ou révisions du PLU) rendues nécessaires par le projet.
Aujourd’hui le permis de construire de Lillénium fait l’objet d’une enquête publique : on n’en est donc plus à une phase de dénonciation du projet en ce qu’il porte de néfaste pour la ville, ses habitants et son économie, mais à vérifier que sa coquille rentre bien dans les petites cases des règles, au premier rang desquelles, celles fixées par le Plan Local d’Urbanisme.
A cet égard, nous regrettons l’absence d’un document synthétique permettant de mettre en vis à vis les 14 règles de la zone du PLU dans laquelle est situé Lillénium et les caractéristiques du projet afin d’en démontrer simplement le respect. A ce stade, soulignons la « connivence » entre le pouvoir politique qui délivre le permis de construire (après avoir opéré moult changements dans le PLU) et les promoteurs du projet.
Nous constatons que le dossier comporte encore des énormités non démontrées visant à en louer les bienfaits, y compris environnementaux ! Par exemple, le dossier stipule que l’impact sur la qualité de l’air, s’il est négatif (accroissement de circulation) au niveau local (ce qui est étayé par des analyses), est globalement positif à une échelle plus vaste car la création d’un hypermarché à Lille sud éviterait aux habitants de prendre leur voiture pour aller faire leurs courses à l’extérieur. Cet argument relève de la pensée magique, sans démonstration, comme si la grande distribution et la présence d’hypermarché était l’alpha et l’oméga du ravitaillement des habitants. Or c’est bien ce modèle que nous récusons.
Les promoteurs du projet semblent volontairement ignorer l’aire de chalandise véritable de Lillénium qui va bien au-delà du quartier. Ce nouvel hypermarché sera en compétition avec les hypermarchés existants de Wattignies (déjà économiquement fragile), de Faches-Thumesnil et d’Englos. En détournant ces clientèles, l’hypermarché de Lille-sud ne diminuera donc pas les flux motorisés mais simplement les inversera de la périphérie vers le centre. De plus en se rapprochant des centres urbains denses, Lillénium sera encore plus directement en concurrence avec les commerces indépendants de proximité de Lille, Loos, Faches-Thumesnil et Ronchin.
Sans vouloir nous positionner sur la couleur d’un projet que nous contestons sur le fond, nous constatons que le volet « insertion dans son environnement » n’est en fait qu’une compilation de vues avant/après tendant à montrer qu’un bâtiment moderne est bien plus beau… qu’une friche ! Mais même pour arriver à ce résultat, il a fallu que les vues avant/après n’aient pas tout à fait le même angle ni le même champ… Plus sérieusement ce volet n’interroge même pas l’effet d’une entrée de quartier constituée -autour d’un carrefour aux caractéristiques routières renforcées- du commissariat central d’un côté et d’un complexe commercial de l’autre! Les rapports entre le bâtiment neuf à la volumétrie hors de proportion, et le bâti environnant ne sont pas le moins du monde explorés.
Notre contribution à l’enquête publique sur les travaux de voirie – Lille le 9 juin 2012
Europe Ecologie Les Verts de Lille rappelle son opposition au projet Lillénium, antagoniste avec un développement soutenable : la localisation en centre ville plutôt qu’en périphérie, ne diminue en rien le caractère insoutenable du modèle de la grande distribution, surtout dans l’organisation en amont des filières. EELV Lille s’est déjà manifesté dans ce sens et a regretté l’absence de débat public en amont du projet, puis autour des procédures (modifications ou révisions du PLU) rendues nécessaires par le projet.
Opposé à l’hypermarché Lillénium et à son modèle de société, Europe écologie Les Verts de Lille contestent les projets de réaménagements des voiries soumis à l’enquête principalement dans :
- leur objectif d’augmentation de capacité des différents carrefours obligeant à la reprise d’aménagements récents (ex place de Verdun)
- leur calendrier imposé par le projet commercial, alors que leur financement par Lille Métropole, non acquis à ce jour, imposera le report de projets de voirie plus attendus par les habitants.
1/ Les réaménagements des voiries assurant la desserte de l’hypermarché n’est pas compatible avec le Plan de Déplacements Urbains 2010 2020.
Le PDU, adopté par le Conseil de Communauté de Lille Métropole en avril 2011, fixe des objectifs très précis de réduction de la part modale de la voiture : celle-ci doit passer en 2020 à 34% contre 56% en 2006. La mise en œuvre de ce scénario volontariste doit aboutir à une réduction moyenne de 24% du trafic routier métropolitain en 2020. Cela nécessitera notamment« des contraintes fortes pour l’automobile » (PDU 2010 2020, Les objectifs et les actions, page 25).
Le projet de voiries accompagnant l’implantation de Lillénium est en contradiction avec cet objectif puisque, au contraire, les capacités d’écoulement du trafic automobile des carrefours réaménagés sont partout augmentées pour accueillir une clientèle extérieure au quartier. Le vendredi-soir, heure de pointe commerciale, ce sont jusqu’à 1790 véhicules/heure qui sont prévus rue du Faubourg des Postes, soit une augmentation de 72% du trafic.
Ces flux automobiles seront donc facilités au détriment des autres modes de déplacements plus écologiques privilégiés par le PDU. Ce sera notamment le cas du nouveau carrefour de la Place de Verdun annoncé comme surcapacitaire de 30% au trafic prévu. Loin d’assurer la fluidité du trafic espérée, ces capacités routières nouvelles seront perçues par les habitants comme un encouragement à utiliser plus fréquemment et depuis plus loin leur voiture.
L’augmentation de la circulation ainsi provoquée participera à l’encombrement du réseau routier du secteur, avec un risque particulier de diminution de l’accessibilité du Centre Hospitalier Régional.
2/ Les réaménagements des voiries ne réduisent pas la coupure urbaine entre Lille sud et le reste de la ville.
Contrairement à ce qu’ont pu laisser entendre à plusieurs reprises les promoteurs du projet lors des différentes réunions publiques, la nouvelle passerelle piéton vélo prévue dans le cadre de la requalification urbaine du secteur n’est pas intégrée au projet. Les investissements publics sont utilisés prioritairement pour faciliter et renforcer la circulation automobile, principale cause de l’effet de coupure du secteur. Piétons et cyclistes ne retireront aucune amélioration dans leurs déplacements nord-sud.
3/ L’élargissement de la branche d’insertion sur l’anneau du giratoire de la place Barthélémy Dorez depuis la rue du Faubourg des Postes augmente les risques d’accident pour les piétons et les cyclistes.
Le giratoire de la place Barthélémy Dorez est actuellement le principale obstacle des habitants de Lille-sud souhaitant se rendre à pied ou à vélo à Lille. Ses caractéristiques autoroutières et son sur-dimensionnement en font le principal « point noir » à Lille pour les déplacements actifs. La dangerosité de la place Barthélémy Dorez a d’ailleurs été dénoncée récemment par l’Association Droit Au Vélo, association d’usagers cyclistes du Nord Pas-de-Calais, lors d’une manifestation organisée le 10 septembre 2011.
Or le projet de réaménagement des voiries accompagnant Lillénium augmente encore les risques d’accidents pour les piétons et les cyclistes de la place Barthélémy Dorez. Afin d’augmenter un peu plus les capacités routières, la branche d’insertion sur l’anneau du giratoire de la place Barthélémy Dorez doit être élargie d’une à deux voies de circulation. La largeur de la chaussée et son évasement n’incitent pas les automobilistes à ralentir à l’approche du giratoire. De plus les personnes engagées sur le passage piéton sont moins visibles des automobilistes en manœuvre de doublement. Les piétons sont mis en danger car ils sont masqués par la file de véhicules. Ce phénomène de « masque à la visibilité » concerne aussi les cyclistes circulant dans l’anneau du giratoire et longeant le passage piéton. Cette configuration est donc très dangereuse pour les piétons et les cyclistes. C’est pour ces raisons de sécurité que le CERTU (Centre d’études et de Recherche sur les Transports Urbains) recommande de limiter à une seule voie la largeur des branches d’insertion dans les giratoires.
Europe écologie les Verts de Lille dénonce cet aménagement dont le seul objectif est d’assurer la fluidité du trafic du centre commercial au mépris de la sécurité des piétons et des cyclistes.
4/ Les réaménagements des voiries ne sont pas conformes au Code de la Route et à l’article L228-2 du Code de l’Environnement
La circulation des voitures étant privilégiée sur tous les autres modes de déplacement, les cyclistes sont séparés de la chaussée sur des pistes cyclables bidirectionnelles en site propre. Dans la majorités des intersections du périmètres du projet (place de Verdun, faubourg des Postes/ Marquillies, etc.), ces pistes cyclables disparaissent à l’approche des carrefours. Les cyclistes circulent alors sur les trottoirs qualifiés abusivement par l’aménageur d’ « aires piétonnes ». Cette configuration est pourtant strictement interdite par le Code de la Route. L’aire piétonne est définie comme « une section ou un ensemble de section de voies en agglomération affectée à la circulation des piétons » (art. R. 110-21 du Code de la Route). Dans une aire piétonne, les piétons doivent pouvoir circuler sur toute la largeur de l’espace public, « de façade à façade ». règlementairement, une aire piétonne ne peut donc pas être longée par une chaussée. Seul le trottoir peut être aménagé au bord de la chaussée pour les piétons et la circulation des cyclistes y est interdite par le Code de la Route.
Europe Ecologie Les Verts de Lille dénonce ces « aires piétonnes » non règlementaires et in-sécurisantes pour les piétons et rappelle que la responsabilité du gestionnaire de la voirie pourrait être engagée en cas d’accident s’il peut être prouvé que ces aménagements non conformes sont cause de l’accident.
De plus en interrompant brutalement les pistes cyclables à l’approche des carrefours, l’aménageur ne respectent pas l’article L228-2 du Code de l’Environnement : « A l’occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l’exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d’aménagements sous forme de pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants, en fonction des besoins et contraintes de la circulation. »
Trois jurisprudences ont depuis précisé le champ d’application de cet article du Code de l’Environnement, en confirmant l’obligation pour l’aménageur de réaliser des aménagements cyclables et le caractère nécessairement continu d’un itinéraire cyclable.
Europe Ecologie Les Verts de Lille dénonce l’absence illégale d’aménagements cyclables dans les carrefours réaménagés.
5/ Les réaménagements de voiries augmentent le risque d’inondation à Lille sud.
Le projet Lillénium est prévu à l’une des extrémités de la rue de Marquillies. Lors d’événement hélas régulier de forte précipitation, les eaux de ruissellement provenant de Faches-Thumesnil, voire de Wattignies et bien sûr du quartier de Lille sud convergent vers le point bas que constitue la rue de Marquillies provoquant de graves inondations. Le projet Lillénium et les voiries consécutives constituent une imperméabilisation complémentaire augmentant ce risque et la gravité des inondations futures. En matière de politique de gestion pluviale seul un plan de prévention par des techniques alternatives s’inscrivant dans le long terme est une réponse durable au plan technique, économique et social. Dans le cas présent, aucun plan de prévention des inondations de ce type n’existe sur le secteur, et les projets coûteux curatifs (bassin de rétention) envisagés par LMCU ne sont plus à l’ordre du jour en raison des contraintes budgétaires communautaires.
Europe Ecologie les Verts de Lille s’inquiète sur la non prise en compte globale de ce risque augmenté par le projet Lillénium et les voiries liées et alerte sur les inondations futures et leurs impacts humains, économiques et environnementaux.
6/ Un manque d’ambition en matière de réduction des risques sanitaires liés à la dégradation de l’environnement
Nous souhaitons souligner ici le manque de vision que constitue l’amoncellement de procédures ponctuelles sur des objets précis et ponctuels. Ils aboutissent à la fourniture de dossiers techniques parcellaires au regard étroit au vu des enjeux de notre ville. Ainsi l’étude d’impact ne fait que justifier de la non aggravation de la situation sur l’environnement (air, bruit etc…). Cette approche limitative ne saurait nous aider à relever le défis de l’amélioration de notre environnement, indispensable à la diminution des risques sanitaires liés à l’environnement.
Par ailleurs, cette vision étroite aboutit à des énoncés étranges. Par exemple l’étude d’impact de ce dossier de voirie comporte en son sein des incohérences sur les conséquences des travaux :
- dans le paragraphe qui traite de l’impact sur la pollution de l’air, l’étude d’impact conclue à une non dégradation de la situation. Le raisonnement est le suivant : puisque les travaux consistent simplement à des travaux sur l’existant, il n’y a pas de création de circulation supplémentaire donc pas de pollution supplémentaire.
- le paragraphe qui traite de l’impact sur la circulation conclue quant à lui à l’augmentation de la circulation sur les voiries rendues plus fluides.
En conclusion :
Imposés par l’implantation d’un centre commercial, ces projets de réaménagements des voiries sont donc incompatibles avec le Plan de Déplacements Urbains, dangereux pour les habitants, non conformes au Code de la Route et au Code de l’environnement et augmentent les risques d’inondation.