Bureau International du Travail : la dimension économique du travail forcé 🗓

Le Bureau International du Travail a publié ce jour le rapport « Profits et pauvreté : la dimension économique du travail forcé » qui se penche sur les quelques 20,9 millions de personnes maintenues en situation de travail forcé, dans des conditions analogues à l’esclavage.

Les conditions du travail forcé sont définies par l’élément de consentement libre et éclairé tout au long de la relation de travail et l’élément de coercition (la « menace de peine »), qui le distingue de la notion d’exploitation au travail. C’est suivant ces critères qu’ont été dégagés les statistiques à l’échelle mondiale. Le travail forcé est considéré comme un crime suivant les protocoles internationaux, les profits ainsi générés sont donc par définition illégaux.

Sur les 20,9 millions de victimes, 22% sont victimes d’exploitation sexuelle (générant les deux tiers des profits) et 68% sont réparties dans l’agriculture, la construction, le travail domestique et le secteur manufacturier. Sont à ce jour exclus du calcul du profit pour des questions de fiabilité des données les personnes en situation de travail imposé par l’état, comme les enfants soldats par exemple, qui représentent tout de même 2,2 millions de victimes annuelles.

150 milliards de dollars , c’est ce que représente ce « marché » par an dans le monde. On ne peut que s’accorder avec le constat du Bureau International du Travail selon lequel la dissuasion, notamment économique, est totalement insuffisante… L’étude des corrélations significatives proposée par le rapport est édifiante. Sont davantage exposés à la probabilité du travail forcé :

– les ménages dont les revenus subissent une baisse brutale. Ils ont alors recours à l’emprunt pour maintenir leur niveau de consommation et se retrouvent dans une situation de dépendance totale à l’égard des créanciers et des recruteurs.
– les populations non éduquées ou illetrées, qui ne peuvent pas choisir les conditions de leur emploi ou comprendre leur contrat de travail.
– les migrants : 44% des victimes avaient migré avant de se trouver en situation de travail forcé.

Le genre en revanche est plus contextuel. Si, comme l’on peut s’y attendre, les femmes et les filles sont majoritaires dans les situations d’exploitation sexuelle, ce sont par ailleurs souvent les chefs de famille, hommes donc (!), qui empruntent aux créanciers et gagent leur force de travail en retour. Ce qui aboutit à un taux de 55% de travailleuses forcées, pas davantage.

Les préconisations du rapport se portent sur plusieurs volets

1) La standardisation du recueil de données
2) La dissuasion économique
3) Le renforcement législatif : inspections du travail, protection des victimes, sanctions criminelles, soutien à la syndicalisation…
4) Les mesures préventives : protection sociale, accès à l’éducation, promotion de l’inclusion sociale, lutte contre la discrimination des femmes.

La synthèse en français, très claire, est à lire ici  et le rapport complet, contenant le détail des données statistiques et réglementaires, est disponible (en anglais uniquement) ici . Des données fort utiles pour construire des propositions sur l’égalité au travail, les droits de migrants et l’égalité femmes-hommes, entre autres…

JH

 

A suivre

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