CÉCILE DUFLOT ET PASCAL CANFIN: inscrire la lutte contre le dérèglement climatique dans la Constitution
Ce 14 juillet 2015 est particulier, puisque la France accueille dans quelques mois la COP 21, le sommet international sur le climat, et qu’à cette occasion les yeux du monde seront braqués sur notre pays. La France doit ouvrir la voie. Aussi, monsieur le président de la République, nous vous demandons d’inscrire dans la Constitution le respect des objectifs fixés par la communauté scientifique internationale.
La lutte contre le dérèglement climatique est un objectif vital pour nos sociétés. C’est un combat qui va engager le destin de notre siècle et la France doit y prendre sa part. Elle pourrait être cette année l’un des premiers pays au monde, et le seul de son rang, à inscrire le respect des objectifs climat dans sa Constitution. Cette avancée n’aurait pas qu’une portée symbolique mais bel et bien une visée normative, offrant ainsi un point d’appui juridique conséquent à la volonté d’agir pour préserver le climat. Nous demandons une seconde modification, qui touche aux principes qui nous réunissent. Nous proposons d’affirmer dans notre Constitution que notre pays est une République «indivisible, laïque, démocratique, sociale» et désormais… écologique. Il s’agit là de signifier que le souci de l’écologie n’est pas une mode ou une simple conjoncture, mais bel et bien au XXIe siècle une condition indépassable du projet républicain et de notre vivre ensemble dans un monde en paix. La République n’est pas achevée une fois pour toutes : elle est mouvement permanent. De telle sorte que notre République est ancienne déjà, mais que son projet se régénère chaque fois qu’on y intègre des droits nouveaux. Notre Constitution est vivante. Ses rédacteurs ne pouvaient pas imaginer la crise dans laquelle est notre planète. Nous sommes la première génération à ne plus pouvoir l’ignorer et il est donc de notre responsabilité de l’inscrire dans le plus beau texte de notre République.
L’eau, l’air et la terre sont des biens communs inaliénables. Chacun a droit de les voir défendus, préservés et protégés. Au XXIe siècle, la République doit donc nécessairement intégrer la question des droits des générations futures et celle de notre solidarité indissoluble dans et avec les écosystèmes, pour être fidèle à sa promesse. L’horizon écologique, parce qu’il reformule l’intérêt général, est bien la jouvence du combat républicain. En somme, l’actualité de la République est écologique, comme l’avenir de l’écologie est républicain. Il est donc grand temps que la protection de la nature, le souci des écosystèmes et le droit des générations actuelles et futures àun environnement sain rentrent dans notre Constitution. Des conservateurs des deux rives ne manqueront pas de crier au loup pour plaider l’immobilisme mais nous ne doutons pas un instant que le plus grand nombre adhérera à cette idée.
Car, à la vérité, elle n’appartient ni à la droite ni à la gauche, ni même aux seuls écologistes, mais au peuple de notre pays. Et si nous connaissons les antagonismes, les oppositions et les conflits qui émaillent notre vie démocratique, nous voulons ici rappeler que l’urgence climatique s’impose à tous. Elle impacte tous les domaines de l’activité humaine, mêlant questions économiques environnementales et sociales, puisque comme le dit si justement la responsable de l’organisation qui rassemble les syndicats du monde entier : «Il n’y a pas d’emplois sur une planète morte.»
Monsieur le Président, le temps presse. Vous pouvez, en cette année historique de conférence sur le climat adapter notre Constitution à un enjeu majeur du XXIe siècle. Le débat que nous ouvrons ici n’appartient pas qu’aux politiques et aux constitutionnalistes. Les citoyennes et les citoyens doivent pouvoir s’en emparer et, pourquoi pas, être amenés à se prononcer par voie de référendum. Ce serait une belle occasion de faire progresser à la fois la pédagogie de l’écologie dans les têtes et la passion de la République dans les cœurs, en revivifiant notre pacte commun.