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Débat / Mariage pour tous

Débat Mariage pour tous : par toutes les couleurs de l’arc en ciel.

L’homoparentalité est une réalité que vivent aujourd’hui 40 à 300 000 enfants en France et les familles homoparentales n‘ont à ce jour pas de reconnaissance sociale ni de statut juridique viable. Elles sont ainsi contraintes à une clandestinité inacceptable. Les questions qu’elles traversent ne peuvent plus rester sans réponse. (Quid du statut légal des parents d’adoption qui, bien que n’étant pas géniteurs, élèvent des/leurs enfants ? Quels droits sur les enfants pour le parent dont le conjoint/géniteur décède ? etc). Il me semble que ce premier constat ne fasse pas véritablement débat et que la majorité de nos concitoyens s’accordent, peu ou prou, sur le fait que la République doive protéger tous ses enfants en encadrant juridiquement ces familles.

Mais si débat il y a, c’est que le projet de loi « mariage pour tous » va bien au delà de la simple réponse à ces premières questions en proposant de nouveaux modes de filiations pour des couples d’hommes et de femmes qui ont des désirs d’enfants et en sont « naturellement » privés. C’est d’ailleurs ce « naturellement » qui est devenu inégalitaire. C’est donc sur la base de cette construction d’« inégalité » entre couples féconds et non-féconds que le gouvernement fonde sa légitimité pour réparer ce qui serait devenu une sorte d’« anomalie naturelle ».

Préalable à tout débat de société : quel sens et quelle valeur donnons nous à la Loi ? Celle-ci doit-elle avoir une visée régulatrice et/ou normative ? Point fondamental et première accroche, la loi doit-elle accompagner quelqu’évolution de société et/ou, au contraire, s’ériger en valeur normative ? Préalable fondamental, tous les débats de société (peine de mort, IVG, politique des drogues, PACS, prostitution, etc) s’y heurtent. Le débat sur le « mariage pour tous » n’y échappe pas avec cette particularité d’un biais relativement insidieux qui parasitera la sérénité des débats.  En effet, s’appuyant sur le fait que l’expression homophobe est illégale, les personnes favorables à ce projet n’ont eu de cesse de faire passer chacun de leurs potentiels contradicteurs pour de vulgaires homophobes. Ce syllogisme (opposition = homophobie) + (homophobie = interdit)   opposition interdite) n’a trompé personne mais a certainement parasité une certaine forme de questionnement qui aurait permis à chacun de faire le chemin nécessaire pour traverser une question qui n’est, avouons-le, pas évidente. Ainsi, seuls les plus décidés (pour ou contre) auront su se positionner publiquement et l’immense majorité des hétéros, d’habitude s’y prompt à s’afficher « gay friendly », se sera cantonnée dans des positions relativement interdites.

L’incomplétude du projet sème la discorde.

Certes autoriser le mariage homosexuel et l’adoption n’est pas un challenge facile. Pour autant, le gouvernement a semble-t-il commis plusieurs imprudences tant dans son positionnement que dans la manière de ne pas poser clairement les termes du débat.

Le candidat Hollande, sans doute peu convaincu lui même du bien fondé de sa proposition, a sous estimé la portée sociétale de l’enjeu et s’attendait peut être à ce que l’engagement 31 tombe dans l’oreille de la communauté des sourds et des malentendants ? Le président « normal » en se montrant si compréhensif vis à vis des maires réticents à célébrer ces mariages pourtant si « normaux » n’a fait qu’enfoncer un peu plus le projet dans un bourbier presque aussi profond que les marécages de Notre Dame des Landes. Encore, l’incapacité du gouvernement à se positionner sur la question de la PMA me semble un élément de plus de l’immaturité du projet. Car à ne pas appeler un chat un chat, à faire comme si ces questions relevaient de l’évidence, le gouvernement tente de se tromper lui-même mais semble avoir du mal à faire illusion en refusant de se positionner sur la seule question qui vaille : celle des enfants. Car en effet, à suivre la logique de la réparation de l’inégalité comme valeur moteur du changement, lorsque les lesbiennes auront obtenu la PMA (Procréation Médicalement Assistée), les gays pourront alors se prévaloir, au nom de cette même « égalité », de la GPA (Gestation Pour Autrui). Est ce le changement que nous voulons ? Considérons nous avec Pierre Bergé qu’il n’y a pas de différence « entre louer son bras pour l’usine et son ventre pour autrui » ?

De même, la PMA sans « traçabilité » du donneur de sperme ne risque-t-elle pas d’engendrer les mêmes souffrances chez ces enfants nés de PMA que ceux aujourd’hui nés sous X et qui recherchent désespérément d’où viennent ce nez ou ses oreilles qui les caractérise tant ? Enfin, n’y a-t-il pas de différence entre « être reconnu parent de celui que l’on élève déjà », comme l’on fait les suisses très récemment, et faire adopter un enfant par un couple de même sexe ? Si l’orientation sexuelle ne présume évidemment pas des qualités d’éducateurs d’une personne et si les couples de même sexe n’ont, bien entendu, aucune raison de mentir à leurs enfants sur leurs origines biologiques, la double référence masculine-féminine est-elle pour autant si accessoire à la construction psychique d’un enfant ? Enfin l’adoption doit-elle « donner un enfant à une famille » frappé d’inégalité ou au contraire l’adoption doit-elle « donner une famille à un enfant » traversant une situation inégalitaire ? Mais je sens déjà que je touche là une limite dont il faudrait décidemment débattre.

Enfin, la surprise viendra du positionnement parfois en surenchère des écologistes dans ce débat. En effet, d’ordinaire inflexibles sur le respect des processus naturel de création, ces derniers auront vite oublier leurs principes cardinaux au nom d’une très légitime lutte contre l’homophobie. Mais la fin justifie-t-elle les moyens ? Une réflexion sur notre rapport au progrès et aux évolutions post-humanistes que notre société aborde semble donc nécessaire. Les lois bioéthiques seront la prochaine étape de cette mandature. Souhaitons nous du courage.

Jean-Baptiste Selleret

selleretjb@yahoo.fr