Le mardi 18 juillet EELV Hauts-de-France a adressé un courrier à Monsieur le Premier Ministre, Edouard Philippe, ainsi qu’à Monsieur Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, au sujet du projet du Canal Seine Nord Europe. Ce courrier a également été envoyé en copie à Madame Elisabeth Borne, ministre en charge des Transports, Madame Barbara Pompili, députée de la 2ème circonscription de la Somme et à Monsieur François Ruffin, député de la 1ère circonscription de la Somme.
Voici ci-dessous le courrier et téléchargeable en PDF ci-contre : courrier à Monsieur Edouard Philippe
Monsieur Edouard Philippe
Premier Ministre
Hôtel Matignon
57, rue de Varenne
75007 PARIS
EELV Hauts-de-France
Maison de l’Écologie Régionale
30, rue des Meuniers
59000 LILLE
Objet : Projet de canal Seine Nord Europe (CSNE)
Lille, le 18 juillet 2017,
Monsieur le Premier Ministre,
Dans le cadre de la présentation du Plan Climat de votre gouvernement le jeudi 8 juillet 2017, le Ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot a dit vouloir « faire une pause et voir au cas par cas » les grands projets de transport et notamment le canal Seine-Nord Europe (CSNE).
Contrairement à un grand nombre de responsables politiques régionaux, au premier rang desquels le président du Conseil régional des Hauts-de-France Xavier Bertrand, EELV Hauts-de-France accueille avec intérêt cette temporisation qui nous semble bienvenue et qui doit être selon nous l’occasion d’interroger le dimensionnement de ce grand projet dans un sens moins « pharaonique » et plus écologique.
En l’état actuel, le projet de canal Seine-Nord Europe nous semble en effet disproportionné, au vu de :
– son énorme coût financier de plus de 4,5 milliards d’euros (au détriment du financement d’autres infrastructures ou de leur rénovation),
– son impact limité sur le transfert modal de marchandises (lequel pénaliserait essentiellement le ferroviaire sans désengorger les routes. L’objectif actuel du projet ne vise que le captage des 2/3 d’un trafic prévisionnel supplémentaire),
– son impact plus probable sur la ressource en eau et la biodiversité des zones humides (20 millions de m³ prélevés pour le remplir puis des dizaines de millions de m3 pour l’alimentation continue, avec un impact inévitable sur les zones humides),
– son impact en terme de pollution, notamment sur la portion de l’actuel canal de Condé Pommeroeul, où un creusement du CSNE pourrait engendrer une pollution aux métaux lourds de grande ampleur,
– ses hypothèses irréalistes de trafic, de recettes et de création d’emplois directs et indirects,
– son risque de marginalisation des ports français au bénéfice de ceux de la Belgique et des Pays-Bas,
– son grand gabarit de 4400 tonnes, alors qu’en amont et en aval ce gabarit ne peut pas circuler.
EELV Hauts-de-France est bien sûr favorable au report modal vers le transport fluvial et le fret ferroviaire. Nous souhaitons le développement de modes de transports moins polluants, limitant le transport routier, et pouvant s’inscrire dans une trajectoire de relocalisation des activités sur le territoire. Le redimensionnement de ce projet de canal Seine-Nord Europe doit donc se faire dans ce cadre, en s’assurant :
– de préserver les espaces traversés, qui sont des réserves écologiques indispensables,
– de garantir l’alimentation en eau du canal en préservant les ressources pour l’ensemble des usages,
– de requalifier et d’entretenir le réseau fluvial secondaire essentiel au succès et à l’utilité du canal Seine Nord,
– de travailler sur la complémentarité des plateformes multimodales en bord de canal le long du parcours,
– de mettre en valeur les ports intérieurs et ainsi la logistique urbaine,
– d’améliorer l’accessibilité ferroviaire du port de Dunkerque notamment avec un embranchement direct vers la Belgique,
– d’articuler ce canal avec des axes de fret ferroviaire revitalisés (en planchant sur un plan de relance de toute la filière du fret ferroviaire et également sur l’étude d’une rocade ferroviaire Nord de Paris Le Havre-Amiens-Tergnier-Reims) et le développement des ports du Havre, de Dunkerque et Calais,
– de relancer une « culture du fluvial » en France par le développement d’une cale française et soutien à la batellerie artisanale, soutien à une politique de promotion et de formation des métiers de la batellerie, mise en place d’une filière complète : chantiers de construction, réparation, voire de démantèlement naval, soudage, services aux bateliers…
– et d’assurer un réel transfert modal de l’autoroute vers le fluvial. Corollairement, il doit être garanti et conditionné à des mesures réglementaires, fiscales et tarifaires, telles que la taxe carbone et la mise en place d’une taxe (eurovignette) pour les poids lourds. Ces mesures devront optimiser l’utilisation du canal et faire baisser le trafic, les dépenses et les externalités de la route.
Par ailleurs, sur le plan social, ce chantier d’envergure devra être exemplaire en matière de lutte contre le dumping social, et d’instauration de conditions de travail respectueuses des salariés qui y travailleront.
Ce sont là quelques conditions pour que ce CSNE soit un outil de développement économique des territoires, intégré dans une stratégie territoriale et de transition écologique construite collectivement entre l’Etat, les collectivités territoriales, la CCI autour d’un schéma de développement des 20 ou 30 prochaines années, visant à inscrire le canal en cohérence avec le potentiel portuaire maritime et intérieur et visant à définir une stratégie globale de développement des plates-formes multimodales dans les Régions concernées.
Les engagements de votre gouvernement pour respecter les objectifs climat, stabiliser les investissements et diminuer l’utilisation des moteurs thermiques montrent que vous assumez un nouveau discours cohérent sur le canal. Dans le cadre d’un nouveau calendrier réaliste, EELV Hauts-de-France se tient disponible pour apporter des éléments constructifs à l’éventuelle redéfinition du projet de canal Seine-Nord Europe que souhaiterait engager votre gouvernement.
Nous adressons copie de la présente pour information au Ministre de la Transition écologique et solidaire, Monsieur Nicolas Hulot, à la Ministre auprès du Ministre de la Transition écologique et solidaire, chargée des Transports, Madame Élisabeth Borne et aux députés de la 1ère et 2ème circonscription de la Somme, François Ruffin et Barbara Pompili.
Veuillez agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de nos salutations distinguées,
Sandrine Rousseau, secrétaire nationale adjointe d’EELV
Karima Delli, députée européenne EELV
Jérémie Crépel et Gil Mettai, secrétaires régionaux EELV Nord Pas-de-Calais et Picardie