L’Euro-Région Pyrénées Méditerranée retient son souffle

onesta  Le GECT (Groupement Européen de Coopération Territoriale) « Pyrénées Méditerranée » vient de vivre l’année de tous les dangers.

 

Durant la présidence tournante qu’il revenait à Midi Pyrénées d’exercer durant cette redoutable période, je peux apporter témoignage – en ma qualité de Président Délégué – que cette structure innovante a failli maintes fois disparaître. Pourquoi ?

 

Le problème ne vient pas des « attentes de terrain », car tous les acteurs de la société civile des quatre régions (Catalogne, Baléares, Languedoc-Roussillon, Midi Pyrénées) ont toujours plébiscité son action, aussi limitée soit elle. Ainsi, les entreprises ont salué la mise en réseau de leurs pépinières via le programme Creamed ou encore l’échange de savoirs au travers de « Erasmus Jeunes Entrepreneurs », les associations culturelles ou environnementales ont postulé comme jamais aux appels d’offres transrégionaux, les universitaires se sont félicités de la montée en puissance l’Eurocampus qui, en fédérant toutes nos universités, classe ce réseau parmi les premiers au monde…

 

Le problème ne vient pas non plus des instances bruxelloises qui nous ont décerné à l’unanimité (Parlement, Commission, Conseil et Comité des Régions) le prix du meilleur GECT européen pour sa démarche innovante et ses projets aboutis.

 

Le problème ne vient pas non plus de son personnel, certes réduit (8 personnes) mais totalement dévoué à la tâche.

 

Alors quoi ?

 

Notre Euro-région a failli être terrassée par des maux plus profonds : la crise des finances publiques et l’inconséquence politique.

 

Durant près de deux ans, la Catalogne, qui était soumise à une dégradation de situation budgétaire sans précédent, n’a plus versé ses contributions. Ceci nous a obligé à décaler certains projets et vivre « au jour le jour » en limitant hélas nos propres appels d’offres auprès de la Commission Européenne (car l’Europe finance à condition que l’on amorce la pompe…). Ce fut un grand écart quotidien entre les légitimes attentes des porteurs de projets ou de Bruxelles… et la réalité comptable (compliquée par une administration française qui avait des exigences aberrantes, comme de faire figurer la CSG sur les fiches de paye espagnoles (!), ou traduire en plusieurs langues des factures de transport). Côté français, le Languedoc n’a pas été non plus très allant, et Midi Pyrénées a vraiment porté à bout de bras et sur ses seuls deniers certaines actions (comme le diagnostic euro-régional sur les filières innovantes qui a permis de déceler des sources de développement dans la santé ou dans la protection de l’eau). En toute honnêteté politique, je me dois d’ailleurs de souligner que Martin Malvy a toujours été facilitateur dans cette passe difficile.

 

Et ce marasme financier fut concomitant avec une quasi désertion politique du terrain euro régional. Feu le Président languedocien n’a assisté à aucune réunion durant les trois années écoulées, les Baléares ne venaient que pour demander des rabais de cotisation, quant à la Catalogne, il a fallu que j’impose une réunion de crise au sommet (entre les Présidents Malvy et Mas) – sous la menace d’un dépôt de bilan – pour que Barcelone comprenne enfin qu’elle ne pouvait prétendre être à la tête d’un État « catalan » et « européen » en négligeant à ce point ses relations avec la Catalogne Nord et en détruisant le seul outil d’intégration territoriale européen en vigueur.

 

À la fin de la présidence midi pyrénéenne, nous avons réussi le tour de force de rétablir les finances du GECT, de lancer un mécanisme de reconstitution de la réserve budgétaire stratégique (celle qui permet de pré-financer les projets européens), de refonder les statuts pour impliquer des commissions thématiques d’élu(e)s (et non plus les seuls services), à redéfinir le rôle d’animation sur le terrain du Secrétariat Général (avec renouvellement du poste), à modifier les règles budgétaires pour garantir les entrées de cotisation (malgré les différences de règlements d’assemblées entre France et Espagne) à lancer de nouveaux appels d’offres (« Life + » pour la réutilisation des eaux usées, on encore un programme sur la « télé dentisterie »…)… et même à faire de l’Occitan la quatrième langue officielle de l’Euro région (!). Ouf.

 

Mais tout cela reste fragile.

 

Alors que le GECT s’apprête à souffler les bougies de son dixième anniversaire, il reste à espérer que tous ces engagements ne resteront pas lettre morte. Et il faut maintenant affronter (avec un peu d’appréhension et pas mal de gourmandise) les changements institutionnels en cours, de part et d’autre de nos montagnes pyrénéennes. La fusion entre Languedoc Roussillon et Midi Pyrénées redessinerait en effet un rapport de force nord/sud inédit, surtout avec l’arrivée annoncée de nouvelles compétences pour les régions françaises, tandis que la Catalogne Nord (française) deviendrait  un « territoire lien » encore plus stratégique. Quant au « référendum » catalan du 9 novembre prochain (illégal selon Madrid, mais légitime pour tout observateur serein) il va – à l’évidence – ouvrir une nouvelle phase historique dont nous serons les plus proches « spectateurs/acteurs ».

 

Après avoir sauvé sa peau sous la présidence de Midi Pyrénées, notre euro-région retient désormais son souffle…

 

Gérard ONESTA

Vice-Président du Conseil Régional de Midi Pyrénées

en charge des affaires européennes, des relations internationales, de l’aide au développement et de la réflexion sur l’avenir des Régions.

 

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