Des sénateurs de droite se défoulent sur la parité en séance

« Obsession sexuelle », « potiches », « gadget » : des sénateurs de droite se sont défoulés, jeudi 17 janvier, contre le scrutin paritaire dans les départements prévu par un projet de loi examiné par le Sénat, provoquant une réaction scandalisée de sénatrices et un débat survolté.

Dans le cadre d’un projet de loi dont l’examen a débuté mardi au Sénat et porté par le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, le gouvernement propose en effet un mode de scrutin décrit comme unique au monde, et qui prévoit l’élection d’un binôme homme-femme de conseillers généraux dans chaque canton.

La droite UMP et centriste UDI-UC a vilipendé ce scrutin qui implique une division par deux du nombre de cantons et donc leur découpage. Les sénateurs communistes, qui souhaitent la proportionnelle, y sont également opposés, tandis que le RDSE (à majorité radicaux de gauche) est sceptique.

« BEAUCOUP DE FEMMES RISQUENT DE SE RETROUVER DANS LE RÔLE DE POTICHES »

Les élus de droite – tous des hommes – sont montés au créneau pour dénoncer un système « baroque », « loufoque », « invivable », jugeant qu’il défavorise les territoires ruraux, mais leurs arguments ont vite dérapé sur la question de la parité accusée de « n’être qu’un prétexte ».

Eric Doligé (UMP) a ainsi affirmé que « faciliter la mixité, ce n’est pas passer de 13 % à 100 % d’un coup ! Ce sera très difficile à faire ». Le centriste Hervé Maurey a renchéri, qualifiant ce scrutin de « totalement baroque », de « gadget », et assurant que « beaucoup de femmes risquent de se retrouver dans le rôle de potiches ». « De grâce pas d’obsession sexuelle collective. La parité doit-elle être absolue compte tenu de tout ce qu’on entend sur la théorie du genre, le mariage pour tous », a lancé pour sa part Christophe Béchu (UMP). « C’est humiliant pour les femmes », a même affirmé Bruno Sido (UMP), qui propose de laisser ce binôme juste pour une mandature. Ainsi, les femmes « auront eu le temps de faire leurs preuves ».

UN DÉBAT « TERRIBLEMENT RÉGRESSIF »

Piquées au vif, les sénatrices ont alors répliqué, s’inscrivant en rafale dans la discussion, d’abord à gauche puis à droite. « C’est inadmissible, scandaleux, accepteriez-vous messieurs qu’ils soient tenus sur vous par des femmes. Nous ne sommes pas des gadgets, a protesté Hélène Lipietz (écologiste). Vous êtes contre tout simplement parce que ce système supprime la moitié des cantons et la moitié des hommes élus. »

Laurence Rossignol (PS) a ensuite tiré à boulets rouges contre un débat « terriblement régressif », s’en prenant au sénateur UMP Bruno Sido. « Vous pouvez répéter tout haut, vous venez de dire : ‘C’est qui cette nana ?’ M. Sido, vous avez gagné la palme de la misogynie beauf de cette assemblée. »

« Eh oui ! Encore une nana qui prend la parole, a enchaîné ensuite Catherine Tasca (PS). Des mesures transitoires en attendant que les femmes développent leurs compétences ? Et si on proposait aux hommes des examens pour vérifier leurs compétences. »

« MALADRESSES »

Isabelle Debré et Sophie Primas (UMP) ont pour leur part avoué qu’elles avaient voté contre la loi sur la parité, mais que sans cette loi elles ne seraient pas parlementaires. Elles pestent contre les « maladresses » de leurs collègues tout en critiquant le scrutin binominal, qualifiée d’« abracadabrantesque » par Mme Debré.

Ce nouveau mode de scrutin, principal volet du projet de loi, doit être mis en Å“uvre pour la première fois à l’occasion des prochaines élections cantonales, reportées d’une année à 2015, en même temps que les régionales. Elles étaient prévues initialement en 2014, année électorale chargée avec également les municipales, les européennes et les sénatoriales.

Compte rendu de la séance au Sénat du 17 janvier

Article publié dans Le Monde.fr avec AFP, is à jour le

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