Réponse d’Eva Joly à l’interpellation du FAIR

Madame, Monsieur,

Votre interpellation sur la nécessité de changer les indicateurs de richesse a retenu toute mon attention. Comme vous le savez, il s’agit d’un sujet cher aux écologistes et sur lequel nous travaillons depuis de nombreuses années. En effet, les indicateurs de richesse actuelle ignorent le coût écologique de la production. De plus, les évolutions de la richesse monétaire et du bien-être sont de plus en plus décorrélées. Dès lors, juger l’action publique à l’aune de l’évolution du PIB est aberrant.

Je m’engage donc à ce que des indicateurs sociaux, sociétaux et environnementaux soient publiés de manière simultanée et obligatoire à la publication annuelle des comptes de la nation. Il est incompréhensible qu’il soit aujourd’hui impossible de juger de l’effet des politiques publiques en matière de pauvreté, d’inégalités sociales ou encore d’environnement faute de données récentes disponibles. Les organismes statistiques de l’Etat doivent voir leur indépendance et leurs moyens renforcés pour remplir ces nouvelles obligations.

Je m’engage également à obliger l’ensemble des grandes entreprises à évaluer la contribution et l’impact social, sociétal et environnemental de leurs activités. Cette information devra être publique et faire l’objet d’un audit légal qui garantira la qualité des informations publiées. Les dirigeants d’entreprise seront personnellement tenus pour responsables de la sincérité des informations publiées.

Concernant les indicateurs de risque financier systémique et d’endettement public, le montant de la dette publique rapporté au PIB est un indicateur parmi d’autre. L’exemple Irlandais ou Espagnol montre que cet indicateur est trop restrictif pour assurer la stabilité de la zone euro. L’endettement privé doit également faire l’objet d’un examen attentif. La part des capitaux étrangers dans le financement de la dette doit aussi être prise en compte. Au final, la gouvernance économique de la zone euro doit s’appuyer sur un faisceau d’indicateur et une analyse qualitative.

La définition des indicateurs clés doit se faire de manière démocratique. Je proposerai la mise en place d’une conférence citoyenne regroupant personnalités qualifiées et citoyens pour définir les indicateurs prioritaires. A l’image de la Cour des comptes, un corps administratif indépendant sera en charge d’étudier et d’évaluer l’évolution de ces indicateurs au regard des politiques publiques menées.

Je m’engagerai ensuite à ce que ces indicateurs soient utilisés au niveau européen, notamment afin de pouvoir évaluer la réalisation des objectifs en matière sociale et environnementale fixés dans le cadre de la stratégie Europe 2020. Force est de constater que la Commission européenne prompte à sanctionner les dérapages des finances publiques, ne fait pas preuve du même zèle quand il s’agit de constater les manquements aux objectifs sociaux et environnementaux des Etats-membres.

La qualité du débat démocratique implique de disposer d’outils d’évaluation réguliers et impartiaux de l’action publique. C’est au nom de cette exigence démocratique que j’apporte mon soutien au développement et à la publication d’indicateurs sociaux, sociétaux et environnementaux permettant de mesurer les progrès de notre société sur les grands enjeux sociaux et environnementaux.

Au cas où vous solliciteriez de plus amples éclaircissements sur ces questions, mon conseiller sur les questions économiques et sociales, Pascal Canfin, est disponible pour vous rencontrer.

En espérant avoir répondu à vos interrogations, je vous prie d’agréer mes sincères salutations.

Eva Joly

http://evajoly2012.fr

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