« Egalité pour les locuteurs de langues régionales en Europe » par Catherine Grèze

Au mois de janvier dernier, j’ai interpellé la Commission européenne au sujet de “l’Arrangement administratif de 2006 ” conclu entre la Commission et l’Espagne. Ce texte ouvrait la possibilité aux citoyens espagnols de s’adresser à l’institution (par écrit) dans l’une des langues définies comme officielles sur le territoire espagnol. J’ai donc souhaité m’assurer dans un premier temps que cet arrangement incluait aussi l’Occitan, qui en 2010 est devenu langue officielle de la Catalogne, et donc de l’Espagne, conformément à l’article 3, alinéa 2 de la Constitution espagnole. J’ai par ailleurs cherché à savoir si ce texte était aussi valable en France où les langues catalane, basque et occitane sont aussi traditionnellement parlées.

La réponse reçue il y a peu de la part de la Commission est décevante : si la confirmation que l’Arrangement s’applique également à l’Occitan est rassurante, l’égalité de traitement entre les locuteurs européens de langues régionales est loin d’être assurée. Et pour cause, tant que ces langues régionales ne seront pas officialisées en France, il sera impossible aux Français de les employer pour communiquer avec les institutions européennes.

Face à cette discrimination évidente, j’ai décidé d’interpeller une seconde fois la Commission européenne en me basant notamment sur l’interdiction de « toute discrimination fondée sur la nationalité » inscrite dans l’article 21-2 de la Charte européenne des droits fondamentaux.

Vous trouverez ci-dessous le texte de cette interpellation. Je ne manquerai pas de vous tenir informés de la réponse obtenue.

Catherine Grèze

 

Protection des droits des bascophones, catalanophones et occitanophones de France

Selon un Arrangement administratif de 2006 (JO 2006/C 73/06 du 25 mars 2006) se fondant sur les conclusions du Conseil du 13 juin 2005 relatives à l’emploi officiel de langues additionnelles au sein des institutions européennes, les citoyens espagnols peuvent utiliser, dans leur communication écrite avec la Commission, les langues officielles de l’État espagnol autres que le castillan, et notamment le basque, le catalan et l’occitan. Ces trois langues sont également traditionnellement parlées en France.

Vous ayant interrogé pour savoir si cet arrangement s’appliquait également aux citoyens français de langue catalane, basque ou occitane, vous m’avez répondu le 27 février dernier que ce n’était pas le cas, que cet arrangement s’appliquait uniquement « aux citoyens espagnols ou toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège en Espagne ».

Je dois bien avouer que si cette réponse ne m’a pas surprise, elle m’a choquée. Comment pouvez-vous justifier cette discrimination vis-à-vis des citoyens français appartenant à une minorité linguistique ? En effet, selon la Charte européenne des droits fondamentaux, « toute discrimination fondée sur la nationalité est interdite » (article 21, paragraphe 2) de même qu’est interdite « toute discrimination fondée (…) sur (…) la langue [ou] l’appartenance à une minorité nationale » (article 21, paragraphe 1). Ce qui est confirmé par l’article 2 du Traité sur l’Union Européenne, qui affirme : « L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités ».

J’aurais donc voulu savoir ce que compte faire la Commission pour mettre fin à cette discrimination dont sont victimes les citoyens français appartenant à une minorité linguistique ? Si un citoyen français écrivait à la commission en anglais ou en allemand, refuseriez-vous de lui répondre au motif que ces langues ne sont pas officielles en France ? J’imagine que non. Je vous serais donc reconnaissante de me faire état des démarches et des initiatives que, en tant que garante des traités européens, vous comptez mettre en œuvre pour que les locuteurs de langues régionales en France bénéficient des mêmes droits que les locuteurs de langues régionales en Espagne.

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