Des nouvelles du Sápmi
Le 6 février c'était la fête nationale samie, ou comme on dit en Sami du Nord, Sámi álbmotbeaivi. L'occasion de parler un peu du peuple indigène du nord de la Scandinavie.
Sans détailler l'ensemble du processus de colonisation du Sápmi par les scandinaves, il faut savoir qu'aujourd'hui les Sames vivent sur quatre pays : Norvège, Suède, Finlande et Russie, ce qui est déjà problématique en soit pour un peuple vivant traditionnellement de l'élevage de rennes, un animal migrateur.
Le statut des Sames est très variable d'un pays à l'autre. La Convention n°169 de l'OIT, qui définit les normes minimales garantissant les droits des peuples indigènes n'est ratifiée que par la Norvège (la Finlande a annoncé le faire en 2015). Contrairement aux trois autres pays, la Russie n'a pas de Parlement propre aux Sames. Ceci dit, ces parlements sont purement consultatifs et ne permettent pas une réelle représentation politique des Sames. Cela est un réel problème car l'accès à l'éducation en langue same est par exemple extrêmement limité ce qui a pour conséquence que plusieurs des 9 langues sames sont aujourd'hui en grave danger d'extinction voire éteintes.
Bien que la propagande colonialiste qui continue d'exister présente le Sápmi comme une région pauvre ayant grand besoin de l'argent et de l'intervention des scandinaves, force est de constater qu'il n'en est rien. Tout au long de leur histoire, les Sames ont souvent été prospères grâce au commerce de fourrures, de viande de renne et d'artisanat (Tornio était un plus grand port de commerce que Stockholm au XVIIème siècle). Par ailleurs le Sápmi regorge de ressources naturelles: aujourd'hui plus d'un tiers de l'électricité suédoise est produite en Norrland par hydroélectricité. Le bois, l'industrie manufacturière, les mines, permettent au Norrland d'avoir le même PIB par habitant que le reste de la Suède et la commune la plus riche du pays (par habitant) est même Jokkmokk. Le tourisme est également en forte augmentation.
Au delà des atteintes graves aux droits des minorités et de la discrimination, cette fausse image de pauvreté sert de justification à ouvrir en grand la voie aux prospecteurs miniers en tous genres. En effet, les projets de nouvelles mines sont si nombreux qu'il est difficile d'en suivre le compte. Le plus incroyable est que les capitales ne taxent quasiment pas les rentes de ces mines, il n'y a donc que très peu de retombées économiques locales et les bénéfices partent dans des compagnies étrangères qui n'ont aucune obligation de nettoyer après la fermeture de la mine. De nombreux exemples de compagnies faisant faillite pour ne pas avoir à payer les mises aux normes de leurs anciennes mines posent de graves problèmes environnementaux : les eaux sont de plus en plus polluées dans les rivières et la mer Baltique. Cela provoque bien sûr une forte opposition locale, la plus retentissante étant celle de Gallók, dans le comté de Jokkmokk¹. Des manifestations devant le parlement suédois se poursuivent d'ailleurs tous les jeudis (voir ici leur page Facebook). La frénésie est telle qu'un tiers de la ville de Kiruna est en train d'être déplacée pour permettre l'exploitation d'un filon.
Il semblerait heureusement que l'effondrement des prix du minerai de fer calme les ardeurs des prospecteurs et rende un peu de tranquillité aux sames.
Par ailleurs, il faut noter que la question same en Suède ne dépend plus du ministère de l'agriculture et de la pêche mais du ministère de la culture et de la démocratie, dirigé par l'écologiste Alice Bah Kuhnke. Celle-ci s'est rendue deux jours à Jokkmokk, à l'occasion du marché annuel same et a promis plus de moyens financiers pour le parlement same. Espérons qu'elle puisse aller plus loin dans la défense d'un peuple qui attend beaucoup d'elle.
Le problème de la surexploitation du Sápmi, s'inscrit malheureusement dans un problème plus général touchant le grand Nord. Le sénateur français André Gattolin (écolo) s'intéresse beaucoup à la question, vous pouvez retrouver ses articles portant sur la question ici. Le rapport parlementaire qu'il a co-rédigé est ici. Et voici enfin une vidéo d'une interview qui y est dédiée
¹ —Vous pouvez par exemple lire le blog en Français "Keep calm and have a Krisprolls" qui a de nombreux articles sur le sujet. ici
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