Monseigneur Marc STENGER est Evêque de Troyes et Président de Pax Christi France. En vue du débat public qui s’est déroulé en 2013 – 2014, il a animé les réflexions d’un comité éthique à propos du projet CIGEO de stockage des déchets nucléaires. Un débat autour des enjeux éthiques de ce projet s’est tenu le 19 novembre au Val d’Esnoms (Haute-Marne) le 19 novembre dernier. A l’issue du débat il a bien voulu répondre à trois questions.
Pourquoi et comment avoir initié ce travail d’approche éthique sur CIGEO ? comment est venue cette idée ?
Etant évêque du diocèse de Troyes, un diocèse qui a sur son territoire des sites de stockage des déchets nucléaires de l’ANDRA, étant géographiquement dans la proximité de Bure, et connu pour être chargé des questions d’environnement à la Conférence des Evêques de France, j’ai été interpellé par des militants sur la position de l’Eglise par rapport au projet CIGEO. Le rôle de l’Eglise n’étant pas d’émettre des théories scientifiques, mais de développer un questionnement éthique et d’offrir des opportunités et des espaces de dialogue à tous ceux qui voudraient partager une réflexion sur un sujet aussi grave, j’ai proposé la constitution d’un groupe de travail pour une approche éthique sur CIGEO. Ce groupe s’est réuni pendant deux ans et a produit un document qui peut servir de repère à ceux qui cherchent à s’informer et veulent munir leur réflexion.
Quelles principales conclusions tirez-vous de votre groupe de travail ? ont-elles été entendues ?
Le travail que nous avons fait nous a permis de relever de nombreuses questions d’ordre éthique, liées à ce projet. J’en énumère quelques-unes : justesse et exhaustivité de l’information, création d’un espace de débat où les principes démocratiques sont respectés, prééminence d’une approche scientifique et d’une solution sur tout autre point de vue, mise entre parenthèses du principe de précaution, etc.
Sommes-nous entendus ? Nous avons organisé un certain nombre de réunions d’information avec les habitants, et j’ai l’impression qu’ils prenaient au sérieux les questions que nous soulevions. Or tel était notre but : faire émerger des questions avant toute décision.
Nous avons aussi pu organiser des conversations avec les acteurs institutionnels du nucléaire, conversations qui ont donné matière à une contribution au débat public. Nous aimerions engager enfin un dialogue avec les élus qui seront les décideurs ultimes. Je ne sais pas si nous serons entendus. Mais jusqu’ici, nous l’impression d’avoir été écoutés.
L’enfouissement n’est-il justement pas un projet éthique au sens ou il débarrasse les générations futures du problème des déchets nucléaires ?
C’est l’argumentation de certains de dire que l’enfouissement est un projet éthique, puisqu’il permet de ne pas se décharger du problème des déchets sur les générations futures. Pour ma part, je considère qu’il y a le risque de faire peser de nouveaux dangers sur les générations futures, ce qui n’est pas précisément un projet éthique. C’est aussi manquer de confiance dans les capacités de ces générations de découvrir des solutions nouvelles et meilleures pour résoudre un problème que nous n’avons pas su résoudre de manière satisfaisante.
En savoir plus
La présentation du Comité éthique de suivi du projet CIGEO par Mgr StengerÂ
La synthèse des travaux du Comité éthique de suivi du projet CIGEO Â
Le rapport complet des travaux du Comité éthique de suivi du projet CIGEO Â
Le débat du 19 novembre vu par le Journal de la Haute-MarneÂ