3 questions à David Drui, responsable de la Commission Energie
Les orientations données dans les discours d’Hollande et d’Ayrault sont-elles satisfaisantes ?
Les deux discours démontrent que les socialistes ont évolué sur la stratégie énergétique, sûrement grâce à notre participation au gouvernement. Il y a une rupture : Hollande a reconnu que nos objectifs devaient être réalisés dans le cadre d’une réduction de 50% de notre consommation d’énergie à l’horizon 2050. Il axe donc la transition énergétique sur la sobriété et l’efficacité, seuls moyens d’être en accord avec nos objectifs climatiques : c’est en phase avec la vision d’EELV. Cependant, les objectifs de réduction et d’efficacité touchent surtout les énergies fossiles et ne garantissent absolument pas la fermeture de centrales nucléaires supplémentaires d’ici 2025. Le risque est que la diminution de la part du nucléaire à 50% dans le mix électrique ne soit que mécanique, et traduite par un recours accru à l’électricité dans notre consommation d’énergie…alors même que la filière des renouvelables est exsangue. C’est incohérent.
La contribution climat-énergie est un des leviers du financement de la transition énergétique. Est-elle suffisante ?
La contribution climat-énergie (CCE) est une véritable opportunité pour pénaliser les comportements irresponsables et excessifs. Elle permet une redistribution vers ceux qui sont les plus démunis face à la dépendance à la voiture et au renchérissement des énergies fossiles, contrairement à la taxe carbone que proposait Nicolas Sarkozy. Notre enthousiasme pour la CCE dépendra avant tout de l’usage fait de ces nouvelles recettes fiscales. Il y a aussi un gros bémol, pour ne pas dire une imposture socialiste : le kérosène est la seule énergie fossile non concernée par la CCE. C’est pourtant l’énergie du luxe, du superflu, dont profite majoritairement la classe aisée pour ses loisirs et le monde des affaires pour des déplacements qui pourraient être remplacés par la vidéoconférence. On ne peut accepter un tel manque de solidarité, d’autant plus que le kérosène est la seule énergie non taxée (ni TICPE, ni TVA). Il y a des milliards à récupérer sans contraindre les plus démunis, et sans se mettre l’opinion publique à dos.
Que penser de l’annonce selon laquelle le nucléaire contribuerait au financement de la transition énergétique à la hauteur des gains qu’il génère ?
Cette annonce a été une véritable surprise pour les écologistes mais elle doit nous laisser sceptiques pour différentes raisons. Premièrement car ce financement dépend des gains et non d’une rente supposée sur le prix du kilowattheure. Vu qu’EDF va devoir investir massivement pour mettre les centrales aux normes post-Fukushima, les gains ne sont pas assurés. Par ailleurs, le fait de mobiliser une « rente » incite à vouloir la pérenniser. Et pérenniser la « rente » nucléaire, c’est forcément allonger la durée de vie des centrales, au péril de la sûreté de notre parc. La priorité des écologistes doit donc être de faire enfin payer au nucléaire les externalités de cette industrie (déchets, démantèlement, assurance). L’internalisation des coûts cachés mènera au renchérissement du prix du nucléaire et montrera qu’il n’est pas compétitif avec les énergies renouvelables.