Exposé des motifs
Depuis samedi 14 novembre 2015, le gouvernement socialiste a décrété l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire au lendemain des attentats à Paris et à Saint-Denis. Cet état d’urgence a été prolongé pour une durée de trois mois à compter du 26 novembre par la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions.
A l’exception de quelques parlementaires, trop peu nombreux, la grande majorité d’entre eux a voté cette prolongation qui s’est traduite par des restrictions inacceptables de nos libertés fondamentales collectives et individuelles.
Pour rappel, la loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions, a été promulguée le 20 novembre 2015. Cette loi permet au ministre de l’intérieur de prononcer une assignation à résidence à toute personne « à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public », avec une possibilité de mise sous surveillance électronique mobile. De plus, la loi prévoit de dissoudre par « décret en conseil des ministres les associations ou groupements qui participent à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public ». L’ensemble de ces mesures sont prises pour cause de menace à l’ordre public et non pour terrorisme.
En effet, la loi sur l’état d’urgence donne aux autorités administratives, des pouvoirs de police exorbitants par rapport au droit commun, elles peuvent sans contrôle judiciaire procéder à des perquisitions, des assignations à résidence, interdictions de circuler, dissolutions d’associations, fermetures d’établissement, interdictions de sites internet et surveillance généralisée des citoyens sur l’Internet dans la droite ligne des récentes lois sur le renseignement. Entre le 14 novembre 2015 et le 7 janvier 2016, le ministère de l’intérieur a déclaré 3 021 perquisitions à domicile de jour et de nuit, 381 assignations à résidence (dont 24 militant-e-s écologistes) avec une obligation de pointer trois fois par jour au commissariat, sans oublier le nombre de manifestations annulées par milliers sur tout le territoire, et ce au moment de la COP21 alors que la mobilisation populaire était plus que nécessaire. Nous devons empêcher que la lutte contre le terrorisme légitime les restrictions importantes de nos libertés fondamentales collectives et individuelles.
L’état d’urgence n’apparait pas efficace pour lutter contre le terrorisme, puisque il y a très peu de dossiers instruits portant sur une mise en examen pour fait de terrorisme. L’état d’urgence n’apporte rien en termes de droit pour prévenir ou réprimer le terrorisme.
Depuis la promulgation de la loi, le gouvernement a fait savoir dans les médias qu’il envisageait de prolonger de 3 mois supplémentaires l’état d’urgence ce qui va reconduire l’ensemble des mesures prises dans ce cadre. Ce qui en fait un état d’urgence permanent ! Accepter l’état d’urgence dans la durée c’est céder aux terroristes, qui veulent mettre en péril notre démocratie, nos droits et nos valeurs. C’est tenter de récupérer politiquement des circonstances terribles sans résultat sur le plan opérationnel, c’est mettre en danger les libertés individuelles et collectives et participer à la criminalisation des mouvements sociaux.
Le gouvernement veut faire passer une réforme constitutionnelle qui banalisera l’état d’urgence au risque de polluer notre droit. Plus grave encore, la réforme du Code de Procédure Pénale, qui reprendrait certaines dispositions législatives et réglementaires de l’état d’urgence. Ainsi, l’intervention des juges dans les procédures serait restreinte.
La réforme constitutionnelle voulue par le gouvernement socialiste ne cherche pas à protéger nos concitoyen-ne-s de la menace terroriste. Elle vise la menace à l’ordre public, notion beaucoup trop vague juridiquement pour éviter les dérapages. De plus, le gouvernement veut déchoir de la nationalité française tout binational condamné pour fait de terrorisme ce qui va constitutionaliser la différence de traitement pénal entre citoyen-ne-s français-es. Cette réforme, si elle est adoptée, sera une mesure discriminatoire.
Motion
C’est pourquoi, le conseil fédéral mandate le Bureau Exécutif pour porter les positions suivantes :
- Notre demande de levée immédiate de l’état d’urgence et notre opposition ferme et résolue à sa constitutionnalisation et à son éventuelle prolongation.
- Notre conviction que cette constitutionnalisation de l’état d’urgence représente un déni des valeurs et du programme portés par la gauche et les écologistes.
- Notre refus de substituer l’urgence sécuritaire à l’urgence sociale et écologique.
- Notre opposition à toute loi, notamment la réforme du Code de Procédure Pénale, qui reprendrait certaines dispositions législatives et réglementaires de l’état d’urgence ou tendant à restreindre l’intervention des juges dans les procédures.
- Notre refus à une justification large de l’assignation à résidence de toutes personnes sur le seul motif de « raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public ».
- Toute constitutionnalisation de l’état d’urgence ne pourrait avoir comme objectif, en tout état de cause, que d’en limiter la portée et d’en augmenter le contrôle démocratique
- L’arrêt des poursuites contre les manifestants, les militants des mouvements sociaux et écologistes, et contre toutes formes de stigmatisation.
- De s’opposer à toute mesure de déchéance de la nationalité ;
- De soutenir les initiatives des partis, syndicats, associations pour la paix, la démocratie, nos libertés publiques et contre le terrorisme et de proposer notre participation au meeting pour la levée de l’état d’urgence le 23 janvier.
Pour : 59 ; contre : 9 ; blancs : 3
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