Au Brésil, les masques tombent. Des écoutes téléphoniques déjà anciennes viennent de dévoiler bien tardivement les manœuvres qui ont précédé la procédure de destitution de Dilma Rousseff, la présidente brésilienne. On y apprend que l’une des motivations des parlementaires était d’échapper aux procès pour corruption qui les menaçaient.
Ces révélations confortent les manifestants, majoritairement des milieux populaires, artistiques, intellectuels qui, à travers tout le pays, se mobilisent contre ce qui apparaît bien comme un « coup d’État constitutionnel ».
EELV souligne que la procédure d’« impeachment », censée s’appliquer pour des crimes ou délits graves, a été instrumentalisée par des parlementaires qui l’ont engagée pour un simple problème de conformité dans la présentation d’un budget.
EELV rappelle que la présidente suspendue n’est pas mise en cause dans les innombrables affaires de corruption qui touchent toute la classe politique, en particulier avec la société pétrolière Petrobras. Ce qui n’est pas le cas du président intérimaire, déjà mis en examen, comme nombre des ministres qu’il vient de nommer et dont l’un a déjà dû démissionner.
EELV s’inquiète des prises de position des médias brésiliens, tous propriété de grands groupes financiers (les mêmes que lors du coup d’état militaire de 1964), qui ont mené une campagne extrêmement violente en faveur de la destitution ; et s’inquiète aussi des arguments d’ordre religieux, familial, économique, invoqués par nombre de parlementaires pour justifier leur vote. Ces signes montrent une volonté de reprise en main de classes dominantes qui n’ont supporté ni les années Lula ni la réélection de Dilma Rousseff. Le gouvernement pourtant intérimaire (la procédure dure six mois avant une destitution définitive) a d’ailleurs déjà annoncé des mesures anti-sociales visant à détricoter la politique menée depuis 13 années en faveur des couches populaires. Beaucoup de précipitation pour des partis de droite qui ne pouvaient attendre les élections, pourtant prévues en 2018, tant ils ont peur de les perdre à nouveau.
EELV ne défend pas l’intégralité de la politique suivie par le gouvernement brésilien, fort peu écologique*, mais reconnaît la forte diminution de la pauvreté (20%), et l’amélioration du niveau de vie d’une nouvelle classe moyenne.
Pour EELV, les problèmes que traverse l’économie brésilienne soulignent aussi les limites des politiques productivistes restées dépendantes des exportations de matières premières. Une économie redistributrice en services sociaux, mais non soutenable (manque d’eau catastrophique, écosystèmes menacés, production inquiétante de gaz à effet de serre). Cette politique est encore moins tenable dans un contexte de crise sur fond de guerre économique mondialisée.
EELV soutient les mobilisations de protestations contre cette destitution, mobilisations qui portent aussi des revendications visant à améliorer la politique gouvernementale suivie jusqu’alors.
EELV espère que la Cour suprême fédérale, qui ne s’est pas encore prononcée, condamnera le détournement de la procédure « d’impeachment ».
Après des décennies de dictatures dans cette région du monde, après le Honduras et le Paraguay, EELV dénonce ce troisième coup d’État constitutionnel et demande à la communauté internationale de le condamner. Il serait grave pour tout le sous-continent que le plus grand pays d’Amérique latine s’enfonce dans une instabilité sociale, économique et politique.
Julien Bayou et Sandrine Rousseau, porte-parole nationaux
* Agriculture industrielle, cultures OGM, grands travaux destructeurs comme des barrages, en particulier en Amazonie, économie privilégiant les exportations de matières premières, etc.