Le plan de sauvegarde proposé par le Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, s’il permet d’apporter une nécessaire aide d’urgence aux agriculteurs, manque de perspective. En se limitant à des mesures d’urgence, il oublie le principal : anticiper sur les changements à venir. Pour les écologistes il est urgent, face au réchauffement climatique, de changer en profondeur notre modèle agricole.
Comme chaque année, les mesures annoncées sont les mêmes et n’ont pour seul objectif que de traiter en urgence les difficultés. Ces mesures se comprennent face à des agriculteurs qui se retrouvent « coincés » par des systèmes de production structurellement trop coûteux et spécialisés pour encaisser les aléas climatiques. Ces mesures d’urgence, trop prévisibles, s’assortissent d’une insistance nouvelle : les retenues d’irrigation, revendication récurrente de la FNSEA qui prive la population de ce bien commun qu’est l’eau dans une période où tout le monde en a particulièrement besoin. Ou comment ne jamais remettre en cause notre modèle agricole et se bercer de l’illusion que l’on pourra puiser ou capter indéfiniment les ressources naturelles (pluies, rivières, nappes phréatiques) sans conséquences.
Nous appelons les responsables politiques à prendre la mesure de l’urgence à agir réellement pour la transition agroécologique qui seule ouvre des perspectives durables à moyen terme. Pour cela il est urgent d’agir sur quatre volets.
Il s’agit tout d’abord de mettre en place un appui franc et massif au déploiement de l’agriculture biologique, qui passe par l’abandon total des pesticides et engrais de synthèse, grands pourvoyeurs de gaz à effet de serre et destructeurs de la biodiversité et de la qualité de l’eau.
Il s’agit ensuite d’implanter massivement haies et infrastructures écologiques, corridors de biodiversité, agroforesterie, maintien des prairies… Ces solutions favorisent la résilience de nos cultures alimentaires et le bien-être des animaux en leur offrant des espaces ombragés et rafraîchis. Une nécessité qui s’impose pour toute la population, particulièrement en ces temps de canicules historiques et répétées.
Il s’agit également de développer des variétés locales et endémiques, adaptées au climat du territoire et sélectionnées par les paysan·nes, pour nourrir notre population et non pour favoriser l’export. A l’opposé de l’exemple de la maïsiculture intensive, qui nécessite des arrosages permanents en période de sécheresse. La PAC, outil de cette course à l’hectare et à l’exporte, doit changer.
Enfin, il s’agit d’abandonner urgemment tout projet de nouvelles retenues d’eau, et de penser la répartition de l’accès à l’eau pour toutes et tous. Que se passera-t-il le jour où ces retenues ne pourront plus être remplies faute de ressources suffisantes dans les nappes ou les rivières ? Il faudra alors remobiliser le n+1ème plan d’urgence, et ce de plus en plus fréquemment.
Tous les enjeux actuels sont intimement liés et se cristallisent aujourd’hui au travers des épisodes de sécheresse : santé publique liée aux pesticides, effondrement de la biodiversité, dégradation des sols, changement climatique avec ses canicules et ses tempêtes, crises sanitaires agroalimentaires à répétition, inondations lors des pluies torrentielles…
Plutôt que de subventionner avec de l’argent public un système agricole productiviste qui encourage le gaspillage des ressources naturelles, il est de la responsabilité de l’État de mettre les bouchées doubles pour développer une agriculture écologique contribuant à l’atténuation et à l’adaptation au réchauffement climatique. Il s’agit là de la seule voie pour à la fois aider les paysan-es, créer des emplois et respecter les limites planétaires : qu’attend le gouvernement pour passer enfin des discours aux actes ?
Commission agriculture EELV,
Julien Bayou et Sandra Regol, porte-parole