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Réponse d’Eva Joly à la FIDL

Madame, Monsieur,

Je vous remercie de m’avoir fait parvenir votre questionnaire, et vous prie de trouver mes réponses ci-après.

1) Quelle est votre position face à la situation des lycéens sans papier et à leur expulsion ?

C’est une honte pour notre pays. Jusqu’à présent ce qui faisait la grandeur de la France, c’était cette volonté farouche d’offrir à chaque jeune sur son territoire une éducation de qualité, sans prendre en considération son origine. C’est cette France là, celle capable d’accueillir et d’être à la hauteur de ces idéaux que je souhaite défendre.

2) Quelle position adoptez-vous concernant les droits des homosexuels et transsexuels ? (notamment concernant le mariage et l’adoption…) Et qu’envisagez-vous pour faire reculer l’homophobie à l’école ?

La république, c’est la fabrique de l’égalité. Je souhaite garantir l’égalité des droits à chacun des citoyens, quelle que soit son orientation sexuelle : accès au mariage, à l’adoption, aux techniques d’assistance à la procréation, reconnaissance légale des « parents sociaux ». Les lesbiennes et les gays sont les seuls citoyens à avoir officiellement moins de droits que le reste de la population ! Mon premier souhait, c’est de mettre fin à cette véritable homophobie d’Etat.

Je veux aussi que la transphobie devienne enfin un critère légal de non discrimination, comme le sexisme ou l’homophobie, dans tous les textes contre les pratiques discriminatoires. Il est enfin temps de dépsychiatriser le parcours de changement d’état civil.

Des transformations législatives sont nécessaires, mais il faut aussi une transformation dans les têtes ! Tous les champs sociaux doivent être investis par la lutte contre les discriminations, et l’école en premier lieu puisqu’elle joue le premier rôle structurant dans la formation des valeurs de chaque citoyen. Pourquoi est-il si difficile de parler de sexe dans les collèges ou les lycées, alors même que la loi le demande ? Pourquoi et-il si difficile de parler de l’homosexualité ? C’est en brisant les tabous que les professeurs et les élèves lutteront efficacement contre l’homophobie et le mal-être des jeunes gays et des jeunes lesbiennes qui découvrent leur sexualité. Je compte autant sur les enseignants que sur vous pour faire progresser l’égalité.

3) Comment combattriez-vous le racisme et les discriminations ?

Les mesures sont nombreuses, et je vous invite à parcourir mon projet pour vous en rendre compte. Elles vont d’un Ministère pour l’égalité Femmes-Hommes à la lutte contre les contrôles au faciès, en passant par l’accès des enfants handicapés à l’école et la garantie de l’égalité territoriale.

De manière transversale, j’entends restaurer la Haute autorité de lutte contre les discriminations et mettre en place un outil de mesure des discriminations strictement contrôlé. Il se traduira par un bilan annuel présenté au Parlement. En fonction de ce bilan, nous pourrons être amenés à renforcer les mesures de lutte contre le racisme et les discriminations.

4) Que comptez-vous faire pour favoriser la citoyennetéà l’école ?

Je ne veux pas de l’école de la compétition, et je ne veux pas non plus de l’école autoritaire. Je refuse cette école du dressage, celle de Nicolas Sarkozy et de Marine Le Pen, celle où le maître-mot est Autorité. Je ne veux pas faire des lycéens des moutons. Je veux des citoyennes et des citoyens libres, émancipés, avec un fort esprit critique. Car je fais confiance à la jeunesse, je ne veux pas la brider. J’ai besoin de son énergie, de sa créativité, de son imagination. De ses rêves.

Cela passe par une évolution de la pédagogie au lycée, mais aussi par une citoyenneté active DANS le lycée. Les lycéens doivent devenir les acteurs de leur vie scolaire. Par leurs mobilisations, ils ont gagné de nombreux droits et construit des instances démocratiques. Il faut aller plus loin, faciliter les projets collectifs d’entraide, leur permettre de créer plus facilement des associations, etc. L’objectif est toujours d’ouvrir l’école sur la société et sur son environnement.

5) Quelle politique souhaitez-vous mener pour les Zones d’Éducation Prioritaire (ZEP) ?

Ma logique est simple : donner plus à ceux qui ont moins. J’ai déjà proposé d’engager 20.000 enseignants supplémentaires, et de les orienter prioritairement dans les quartiers sensibles. J’ai déjà proposé de modifier le système d’affectation des professeurs pour constituer des équipes stables dans ces quartiers, et n’y envoyer que les professeurs volontaires, bien formés, expérimentés. Ils bénéficieront par ailleurs de décharges horaires de cours pour se former.

Je propose aussi une réforme majeure de la carte scolaire. Je veux faire de la carte scolaire la carte de la cohésion sociale. Pour cela, elle doit être réformée selon le principe simple de mixité sociale maximale. Dans chaque bassin de vie, la carte scolaires sera repensée afin d’assurer le maximum de mixité sociale, en associant dans une même zone des quartiers centraux et périphériques, et le minimum de temps de déplacement pour nos enfants. Dans le public, comme dans le privé.

Enfin, je souhaite encourager et accompagner les innovations pédagogiques. Arrêtons de considérer les enseignants comme les simples répétiteurs d’un programme établi au niveau national. Je veux leur donner plus d’autonomie pour mobiliser les élèves, pour mettre en œuvre des pratiques coopératives, pour inscrire l’école dans son environnement…

6) Prévoyez-vous des mesures pour lutter contre les violences scolaires ? Si oui lesquelles ?

Pour lutter contre les violences scolaires, nous aurons besoin de l’implication de l’ensemble des acteurs de la vie scolaire. C’est pourquoi je souhaite que les élèves, les parents d’élèves, le personnel enseignant et le personnel encadrant définissent ensemble le règlement intérieur de leur établissement et que chacun participe à l’application de ce règlement. La réponse à la violence doit résider dans plus de coopération et plus de responsabilité.

7) En matière d’emploi, de service civique et de stage pour la jeunesse ; quelle(s) solution(s) comptez-vous apporter ?

Il faut mettre un terme à cette situation où tant de jeunes sortent de l’école sans projet, sans solution, et se retrouvent relégués sur le bord de la route. J’entends pour cela faire bénéficier chaque jeune d’un revenu d’autonomie, avec l’objectif d’offrir conjointement à chacun d’entre eux – par un partenariat fort entre l’Etat, les collectivités et les associations – un projet leur permettant de tirer le meilleur de leurs parcours : formation professionnelle, service civique, reprise d’études, insertion…

Pour mettre fin à l’inacceptable précarisation de l’emploi des jeunes et redonner aux stages la fonction qui doit être la leur, celle d’une étape vers un emploi stable, je souhaite qu’ils soient mieux régulés par le droit du travail, qu’ils ouvrent aux bénéfices de la protection sociale, et que la rémunération des stagiaires soit portée au minimum à 50% du SMIC.

Enfin, pour ce qui est de l’emploi, il nous faut apporter deux types de réponses à ce problème. Tout d’abord des réponses sectorielles : soutenir l’apprentissage, valoriser l’engagement associatif, assurer une meilleure relation entre l’enseignement supérieur et les entreprises, notamment avec les PME. Enfin, il faut soutenir et développer les nouveaux emplois verts issus de la conversion écologique de nos économies : le potentiel est de plus de 120.000 emplois créés chaque année !

8) Quelles sont vos propositions pour revaloriser lenseignement technologique et professionnel ?

Les voies technologiques et professionnelles sont à l’heure actuelle peu harmonisées avec les années d’étude du primaire et du collège : l’école, avant 15-16 ans, demeure le lieu d’un enseignement « général » où savoirs manuels et technologiques n’ont qu’une place mineure.

Les écologistes demandent que le socle commun inclue, pour tous et suffisamment tôt dans la scolarité, les savoirs manuels ainsi qu’un véritable contact avec le monde professionnel, dans l’esprit de la « découverte professionnelle » de 6 heures hebdomadaires instituée malheureusement pour les seuls élèves en difficulté. C’est à cette condition qu’une orientation après seize ans vers une formation professionnelle se fera en connaissance de cause et aura une chance de ne plus être perçue comme un échec.

9) Quelles sont vos solutions pour favoriser l’accèà lenseignement supérieur et améliorer l’orientation ?

Pour favoriser l’accès à l’enseignement supérieur, je veux garantir l’accès de tous à de bonnes conditions d’étude et le droit inaliénable à reprendre des études.

Donner des moyens financiers aux étudiants passe par une allocation d’autonomie. Cela a un double avantage: créer plus de justice et permettre l’indépendance des jeunes. Vous le savez, les jeunes français sont parmi les plus stressés du monde. Ce stress est liéà l’élitisme, à l’hyper-sélection et à l’absence de droit à l’erreur. Je veux donner le droit à l’erreur, le droit de rater, le droit de recommencer, de partir, de travailler et de revenir. C’est pourquoi, coupléà l’allocation d’autonomie, je veux octroyer à chacun un crédit formation de 8 années, utilisable tout au long de la vie.

Évidemment, un accès de tous aux études supérieures ne peut se concevoir que dans un système d’enseignement supérieur gratuit. Mais l’accès à tous signifie aussi une réforme en profondeur des méthodes pédagogiques pour lutter contre l’échec en première année de licence. Nous devons adapter les méthodes pédagogiques à tous les publics. Ce n’est en effet pas qu’aux étudiants de s’adapter au système d’enseignement mais au système de prendre en compte la diversité de ses publics. Compléter les cours magistraux, développer le travail en équipe, le monitorat, le tutorat… Les pistes sont nombreuses. Cela passe par une révision des taux d’encadrement, par une harmonisation et un rapprochement entre grandes écoles et universités.

10) Que feriez vous face au manque de moyens dans l’Éducation Nationale, particulièrement au sujet des suppressions de postes ?

Je veux arrêter cette politique destructrice du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Ensuite nous créerons 20 000 postes dans l’éducation (professeurs et personnels encadrant) pour permettre à l’école de mener au mieux sa mission émancipatrice.

Enfin, pourriez-vous donner aux jeunes une bonne raison de voter pour vous ?

Votre génération est celle qui devra solder les comptes de l’ancien système et inventer le monde nouveau. Les écologistes sont à l’heure actuelle les seuls à poser les bases de ce nouveau monde plus juste, plus sobre et plus solidaire. Cependant l’écologie ne peut se payer de mots, c’est pourquoi nous aurons besoin de chacun d’entre vous d’abord dans les urnes pour forcer l’ancienne génération à ouvrir les yeux et après l’élection pour engager la transformation.

Amitiés écologiques pour la jeunesse engagée et pleine d’espoirs de changements,

Eva Joly


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