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Réponse d’Eva Joly à la FEDH

Madame, Monsieur,

Je vous remercie pour votre courrier et tiens en préambule à vous assurer de ma détermination à faire de la lutte contre les violences faites aux femmes un des axes principaux de ma politique en matière d’égalité femmes-hommes. L’échec du gouvernement sortant sur ce sujet est patent. Malgré la grande cause nationale, malgré la loi de 2010, la diminution des subventions allouées aux associations qui accompagnent et soutiennent les femmes victimes de violences souligne crûment le manque de volonté politique pour que cessent les violences sexistes.

Le projet présidentiel que je porte comprend la proposition, dès 2012, au Parlement un projet de loi-cadre contre les violences faites aux femmes afin de suppléer aux insuffisances de la loi de 2010. La procédure parlementaire sera engagée en parallèle de la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique.

Cette loi-cadre permettra d’adopter une vision transversale sur ce fléau qui ne révèle que trop dramatiquement l’ampleur des inégalités persistantes entre les femmes et les hommes dans notre pays. Cette loi-cadre, je la souhaite co-construite avec les actrices et les acteurs de terrain. Mais certains éléments fondamentaux peuvent d’ores et déjà être dévoilés.

Je ne ferai pas l’économie de la prévention. Les campagnes de sensibilisation sont essentielles, nous les élargirons. Mais elles restent insuffisantes pour lutter avec efficacité contre les violences faites aux femmes. C’est pourquoi j’engagerai parallèlement un large plan pour une éducation non-sexiste, à tous les âges. Je développerai également la prise en charge des auteurs de violences par l’ouverture de centres d’accueil spécifiques avec un accompagnement adapté, afin de mettre en place des dispositifs pour enrayer la violence dès que celle-ci est identifiée.

Le deuxième axe de la loi-cadre portera sur l’amélioration de l’accompagnement des femmes victimes de violences, qui passe d’abord comme vous le précisez dans votre courrier par la mise en place d’un guichet unique et multidisciplinaires pour les victimes de violences sexistes et sexuelles, comme il en existe au Royaume-Uni par exemple.

Comment tolérer dans notre pays que des femmes puissent avoir à payer les soins rendus nécessaires par des violences dont elles ont été victimes ? L’ensemble de ces soins, y compris psychothérapeutiques, sera donc pris en charge à 100 % par l’assurance maladie. J’y vois une condition de la justice sociale.

Un meilleur accompagnement des femmes victimes de violences se construit par ailleurs nécessairement par l’augmentation de la dotation publique aux associations qui assument cette mission au quotidien. L’accroissement de cette dotation doit poursuivre au moins deux objectifs : d’une part renforcer la qualité des emplois dans les associations concernées et d’autre part de multiplier par quatre le nombre de logements d’urgence pour les femmes victimes de violence. Les besoins en la matière sont très mal identifiés et il s’agit ici de passer de l’action militante à la mise en œuvre d’une véritable politique publique co-construite. Il s’agit donc :

– De multiplier par quatre dès 2012 le nombre de structrures d’hébergement pour les femmes victimes de violences et d’installer également en 2012 l’Observatoire national des violences faites aux femmes prévu par la loi de 2012 mais qui n’a toujours pas été installé, afin d’affiner les besoins en termes de nombre de places (hébergement d’urgence et logement temporaire) et d’y répondre ;

– De débloquer dès 2012, comme vous le soulignez, les moyens nécessaires à la mise en place effective de l’ordonnance de protection prévue par la loi de 2010 que nous élargirons au-delà des violences conjugales aux autres formes de violences sexistes, notamment les violences psychologiques dont le spectre juridique sera élargie au-delà du seul conjoint auteur ;

Comme vous le mentionnez dans votre courrier, les femmes victimes de violences doivent enfin avoir en face d’elles des professionnel-le-s formé-e-s aux spécificités des violences sexistes. Cet impératif sera intégré au plan d’éducation non-sexiste par la rénovation des formations développées dans le cadre de la formation initiale et continue des professionnel-le-s de l’éducation, de la médecine, du paramédical, du travail social, de la magistrature, des services de police et de gendarmerie, de l’animation et des loisirs.

Enfin, un travail sera engagé sur les conséquences, notamment psychologique, des violences conjugales sur les enfants vivant dans le foyer concerné. Ces travaux devront aboutir à réviser les modalités de prise en compte des violences domestiques dans l’attribution de la garde des enfants.

Meilleures salutations,

Eva Joly

 


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