Le programme prioritaire de recherche lancé par le gouvernement fait l’impasse sur la recherche sur les coûts cachés des pesticides et ne remplira pas sa promesse d’une agriculture zéro pesticide à l’horizon 2030-2040.
La connaissance des impacts des pesticides sur la santé des êtres humains et de la nature, et la mesure de leurs coûts pour la société sont des leviers indispensables pour la transition agricole vers d’autres modes de production et le respect du principe pollueur – payeur. En particulier, les pesticides multiplient les coûts cachés environnementaux (perte de biodiversité, diminution de la pollinisation), sanitaires (multiples maladies professionnelles des agriculteurs induites par l’usage des pesticides), réglementaires (surcoûts des traitements de l’eau dus à la présence de pesticides), sociaux (désertification des campagnes induite par l’agriculture intensive alors que l’agriculture biologique est beaucoup plus pourvoyeuse d’emplois) mais faute d’études sur le sujet, ces coûts sont rarement exposés et discutés.
Alors que l’industrie des pesticides dirige nombre d’études sur les soi disants bienfaits de ses produits, elle fait évidemment l’impasse sur ces coûts cachés. Dès lors, il faudrait pouvoir compter sur les financements public mais là encore ce volet de la recherche semble tabou.
Excluant volontairement les recherches à ce sujet, le programme de recherche « cultiver et protéger autrement » doté de 30 millions d’euros lancé par le gouvernement se prive sciemment d’un puissant levier pour effectuer une véritable transition agricole alors que mi-mai, 260 scientifiques du CNRS, de l’INRA, du Muséum d’Histoire Naturelle, de l’INSERM et de nombreux autres organismes et universités alertaient sur la nécessité d’une programmation scientifique plus ambitieuse, qui finance des recherches sur les impacts des pesticides sur la santé et l’environnement ainsi que leurs coûts pour la société.
Pour les écologistes, il s’agit d’un choix politique : en refusant de comparer les coûts pour la société de l’agriculture intensive avec les bénéfices économiques positifs pour la société de l’agriculture biologique, le gouvernement préfère prolonger la rente de quelque uns plutôt que de se doter d’un outil pouvant améliorer la santé de toutes et tous.
En effet, les données scientifiques fiables sont nécessaires pour s’opposer efficacement aux discours puissants et bien huilés des lobbies de l’agrochimie et de l’agriculture intensive. Alors que des solutions alternatives comme l’agriculture biologique ont fait leurs preuves, la politique agricole doit arrêter le soutien massif à l’agriculture chimique à grande échelle qui s’attaque à la santé des agriculteurs et des citoyens et au fonctionnement des écosystèmes. Au contraire, il faut faire payer les effets négatifs qu’ils induisent aux producteurs, aux vendeurs et aux utilisateurs de pesticides.
Julien Bayou et Sandra Regol, porte-parole nationaux