Chaque année, la présentation du rapport sur l’état du mal-logement de la Fondation Abbé Pierre suscite le même sentiment de colère.
Colère face à des chiffres qui ne cessent de croître : désormais 3,5 millions de personnes sont mal-logées. Et au total, 10 millions de personnes sont touchées par la crise du logement, sans oublier les 11 millions de personnes en précarité énergétique.
Colère face aux profiteurs en tout genre, et notamment les marchands de sommeil sans scrupules qui s’enrichissent en faisant peu de cas de la dignité humaine, de ceux qui profitent de la misère et de la détresse pour louer des taudis à prix d’or.
Colère face à l’action publique qui n’est pas assez forte tant la situation française est alarmante. Si l’Etat a pris des mesures d’importance ces dernières années, avec des résultats parfois marquants, on est encore loin d’apporter des réponses institutionnelles à la hauteur des enjeux.
Cette colère est légitime car le mal logement n’est pas une fatalité ! La France est un pays développé qui a les outils juridiques et les moyens financiers nécessaires pour y mettre un terme.
Par l’humain. Il est temps d’en finir avec ces opérations immobilières dont raffolent les grands groupes qui font des ventes à la découpe, pour qui tel ou tel immeuble ne correspond pas à des personnes humaines mais à des ratios d’investissements qui se recoupent dans un tableau excel.
Par le respect de la loi. Les préfets doivent agir réellement pour faire respecter la loi de la République et interpellent fermement les municipalités qui bloquent la construction de logements sociaux ou privés.
Par une inversion des priorités. L’investissement locatif privé, qui dope la construction sans l’encadrer, à coup de rabais fiscaux, coûte très cher à l’Etat. Aujourd’hui, le dispositif Pinel permet d’obtenir jusqu’à 63000 euros pour un logement, quand l’Etat ne verse que quelques milliers d’euros pour un logement social. Pourtant, l’investissement public dans le logement social permet à la fois de loger les familles les plus modestes et de garder le logement dans le giron de l’Etat pour au moins 50 ans.
Par le volontarisme politique. Remis en cause sous la pression du lobby de l’immobilier, l’encadrement des loyers doit être au plus vite généralisé dans permanenceballain permanenceballaintoutes les agglomérations concernées pour protéger les locataires d’une spéculation immobilière. Réguler le marché immobilier est nécessaire pour stopper cette inflation constante des loyers, qui ont plus que doublé en dix ans.
Le logement n’est pas un bien comme les autres. C’est un bien commun, absolument vital pour permettre l’épanouissement personnel et la construction d’un projet de société. Il est possible d’inverser la situation et de résoudre à terme la crise du logement en France. Mais pour cela, loin des bonnes paroles et déclarations senties, ce sont des moyens financiers pérennes, un Etat fort face aux égoïsmes locaux et une certaine constance face au poids des lobbys.
C’est urgent et c’est possible, encore faut-il que cela soit mis au cœur de l’agenda politique.
Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale EELV