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Pour une légalisation du partage non marchand sur Internet

DADVSI, LOPPSI, HADOPI, ACTA : derrière ces acronymes, dix années de gouvernement de droite dans le domaine du numérique. Ces évolutions pourraient difficilement être plus éloignées de la vision que je me fais de l’Internet en 2012.

 

Sous le prétexte de protéger les droits d’auteur, Nicolas Sarkozy n’a eu de cesse depuis cinq ans de pratiquer une politique répressive à l’égard du partage sur Internet, à travers la loiHADOPI et sa riposte graduée arbitraire. Parallèlement, la promesse d’encourager l’offre légale à travers des tarifs accessibles à tous est restée sans suite, tout en justifiant une politique de concentration des principaux diffuseurs de contenu, qui profitent majoritairement de ce statu quo.

 

Cette politique est aujourd’hui dénoncée par tous comme un échec. Il faut maintenant définir les contours d’un véritable projet culturel à la hauteur des révolutions que l’usage d’Internetimpulse à notre société. Je veux organiser le soutien à la création avec l’idée qu’entre partage et confiscation, il faudra toujours privilégier le choix du plus large accès à tous. Pour ces raisons, je souhaite que la France soit la première à franchir le pas, et qu’à la manière des plus grands combats qu’elle a pu mener tout au long de son histoire, elle devienne le fer de lance d’une société tournée vers la confiance de chacun, le partage entre tous et l’innovation par tous.

 

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En réalité, je pense qu’HADOPI était, dès le départ, la mauvaise réponse à une mauvaise question. L’erreur initiale, encore trop courante aujourd’hui, fut d’estimer que ceux qui échangeaient des fichiers sur Internet étaient des pirates. Suivant la pensée écologiste, il est impossible pour moi d’admettre que prêter un livre ou partager de la musique soit considéré comme un acte de piraterie.

 

Après cinq années de faux débats, sans solution ni bénéfice pour les artistes, il est urgent de changer les termes de la discussion : ne plus opposer une « riposte graduée » à de prétenduspirates du partage, mais soutenir la création en libérant les internautes. Je souhaite poser les termes d’un nouveau contrat social qui confère des droits et des devoirs et repose sur deux mesures politiques précises : la légalisation du partage entre individus, associée à l’instauration d’une contribution à la création.

 

L’idée d’une légalisation n’est pas nouvelle : dès les élections européennes de 2009, les Verts européens proposaient une reconnaissance du partage non marchand. Aujourd’hui encore, je suis la seule candidate dans cette élection à promouvoir un changement réel à travers cette proposition.

 

Le Parti socialiste, par les interventions de ses différents responsables, trace bien le chemin vers une abrogation rapide d’HADOPI. Mais il ne semble pas remettre en question la volonté sarkozyste de maintenir en vie un système pourtant à bout de souffle. Les propositions du candidat socialiste se contentent de peu : développer l’offre légale, apprendre aux enfants que « télécharger, c’est mal », et fermer les yeux sur les millions d’internautes qui partagent des fichiers quotidiennement.

 

Une telle vision est faussée, car elle propose ouvertement de maintenir dans l’illégalité de nombreux internautes, plutôt que d’adapter une loi hors d’âge. En somme, un système construit autour d’une désobéissance assumée, qui abandonne l’usager à une situation d’insécurité juridique face aux plaintes des ayant-droits.

 

Le partage n’est pas une pratique marginale et conjoncturelle. Il fait partie des usages contemporains de l’Internet et continuera d’en faire partie. Il s’agit dès lors de dépasser les idées préconçues pour proposer un nouveau système, un véritable changement de paradigme grâce à la légalisation du partage non marchand.

 

Cette reconnaissance du partage s’accompagnera de l’instauration d’un système durable de rétribution des créateurs, établi dans la concertation. Loin d’un processus figé, la vision que je porte correspond au contraire à un arbitrage entre différentes solutions possibles : le mécénat global, la contribution créative, ou encore certaines des propositions émises par Richard Stallman, que j’avais rencontré en décembre dernier, concernant la répartition du financement.

 

Ce système permettra de redistribuer chaque année un milliard d’euros, de quoi soutenir significativement la création aux côtés des artistes, notamment les plus précaires. Cette contribution devra nécessairement établir une distinction relative au revenu des usagers, afin de ne pas imposer une participation supplémentaire à des internautes n’en ayant pas les moyens financiers.

 

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En 2012, envisager le partage sur Internet selon un modèle purement répressif, c’est l’envisager selon une vision faussée. Mais c’est aussi, et surtout, la sinistre promesse d’entraver l’innovation pour les années à venir. Car au-delà du partage, de la création et de la culture, c’est l’innovation et l’accès aux biens communs immatériels qui sont en jeu. Ces questions se retrouvent dans le combat que je mène contre ACTA, dont les dangers sont une preuve supplémentaire de la nécessité d’organiser le numérique à l’avantage de tous, et non au bénéfice de quelques uns seulement.

 

Le numérique revêt une importance cruciale dans mon projet présidentiel, parce qu’il concerne plus largement la question des biens communs. La liberté sur Internet et l’accès à la culture font partie de ces biens communs. Je ferai tout pour les préserver, au même titre que je souhaite protéger l’environnement, la biodiversité ou les patrimoines culturels. Car je suis convaincue que le partage n’est pas un problème, mais une solution.

 

Eva Joly, candidate écologiste à l’élection présidentielle

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