Exposé des motifs :
Nous assistons à la mise en lumière d’un phénomène lent, à l’échelle européenne, commencé avec la révolution industrielle et son corollaire, l’exode rural. En modifiant la répartition territoriale des populations avec un différentiel de densité en perpétuel augmentation, cette nouvelle géographie humaine a modifié durablement les flux des denrées alimentaires et son corollaire le flux des reliefs de la consommation alimentaire humaine *.
Le compostage des bio-déchets pour un retour fertilisant à la terre a été une activité traditionnelle. Pendant des décennies, le cycle a continué en « circuit court » entre la ville et les tenues maraîchères péri-urbaines, pour autant que les déchets urbains aient été, surtout dans les quartiers populaires, exclusivement composés de reliefs alimentaires.
Avec la naissance de la consommation de masse par la grande distribution et le développement de l’industrie agroalimentaire, l’alimentation est devenue un objet de marketing. Les exigences de l’hygiène et la logique publicitaire ont concouru à l’explosion des emballages, suremballages et gadgets publicitaires .
Dans ces conditions le recyclage direct des reliefs alimentaires devenus minoritaires dans le mélange, s’est avéré rapidement une impasse, le produit résultant du compostage étant impropre à tout usage agronomique. Dès lors les déchets sont devenus l’objet d’une industrie.
Parallèlement la politique d’urbanisation des banlieues a eu pour effet de détruire les tenues maraîchères périphériques proches, interrompant aussi les canaux du flux de retour aux terres agricoles.
En ce qui concerne la France, le choix politique d’un traitement industriel des déchets en mélange a conduit pendant 2 décennies à une alternative en forme de double impasse écologique : l’incinération Et l’enfouissement. Dans les deux cas, les reliefs alimentaires, ignorés en tant que tels, sont totalement gaspillés, soit calcinés en incinérateurs, soit définitivement pollués après dégradation dans les alvéoles des centres d’enfouissement.
Il résulte de cette rupture un appauvrissement en humus des terres agricoles qui ne peut que concourir à une dégradation de la qualité des produits issus de ces terres. Son effet est accru du fait de la disparition des fermes paysannes qui combinaient élevage et production végétale au bénéfices d’exploitations spécialisées en mono activité d’élevage (avec pollution par les lisiers en excédents structurels) ou la culture intensive avec appauvrissement des sols, le maintien de la fertilité des sols étant obtenu par augmentation des intrants artificiels.
L’arrêté du 21 août 2007 rend obligatoire l’application de la norme française « Amendements organiques – dénomination, spécifications et marquage » NF U 44-051 pour les composts de bio-déchets et d’ordures ménagères résiduelles.
La norme précise qu’elle n’a pas pour objet de fixer des critères de qualité, mais se propose trois objectifs : « elle définit les dénominations des amendements organiques, fixe les caractéristiques et les éléments de marquage complémentaires spécifiques en vue de faciliter la communication et les échanges »
Cette norme passoire qui permet des saturations de certains éléments traces métalliques en 25 ans d’épandage et qui autorise 2,7 kg de plastiques par m3 de compost par exemple , n’oblige à aucune efficacité agronomique du compost produit. Elle n’est pas apte à assurer correctement un retour qualitatif des matières organiques sur les terres arables.
Il s’agit pour les écologistes de définir, enfin, les lignes d’une politique d’économie circulaire de l’alimentation humaine qui prenne en compte le cycle dans sa globalité et qui résolve de manière pérenne chaque étape du recyclage des reliefs de consommation alimentaire en direction des terres arables. Cette ligne rejoint le travail réalisé par European Compost Network depuis des années et celui de France Nature environnement. Elle est mise en œuvre localement, avec succès, en France. il s’agit désormais de la généraliser.
Le décret de Août 2011 qui rend obligatoire la collecte sélective des bio-déchets des « gros producteurs » est un premier pas législatif qu’il s’agit d’étendre à tous les bio-déchets, liés à une consommation réelle.
En effet, il ne s’agit en aucune façon d’accepter le gaspillage de denrées, lié à une offre surdimensionnée par rapport à la demande tombant sous le couperet des dates administratives de péremption. Les écologistes seront vigilants à ce qui le recyclage des bio-déchets ne masque pas cette gabegie.
(*) on appelle reliefs de la consommation alimentaire humaine, l’ensemble des bio-déchets sous différentes formes : reliefs de repas, épluchures, denrées périssables non consommées, déchets fermentescibles des industries agro-alimentaires, etc
Motion :
Les écologistes affirment l’importance de retisser les fils d’une économie circulaire de l’alimentation humaine en s’attachant aux 4 étapes du cycle qualité : denrées alimentaires /déchets à composter / process de transformation/ compost et débouché agricole/ denrées alimentaire, etc. qui s’enchainent en boucle continue.
La qualité des denrées alimentaires est tributaire pour partie, de la qualité des intrants apportés aux sols agricoles et en particulier à la qualité des composts issus de la consommation alimentaire humaine. Par conséquent, l’ensemble des déchets issus de la consommation alimentaire humaine doit être considérée d’abord comme une ressource à préserver et à valoriser. Cela implique un non-mélange des bio-déchets avec les autres déchets tout au long du cycle afin qu’ils ne soient pas contaminés par contact.
La recherche de la meilleure qualité agronomique doit être le soucis majeur de la filière et suppose de poursuivre et de mutualiser la connaissance et la diffusion de protocoles de fabrication sûrs. Pour recréer une économie pérenne des composts il faut retrouver la confiance des agriculteurs dans la qualité de l’amendement organique qui leur est proposé . Les écologistes visent à la associer en amont aux projets qui s’implantent en relation avec leur territoire, afin d’assurer des débouchés de proximité correspondant à leurs besoins et à l’évolution de la demande vers des denrées alimentaires qualités, et non pas à mendier leur acceptation aléatoire d’un déchet urbain sans valeur.
Valorisation énergétique :
L’économie circulaire de l’alimentation humaine peut intégrer une valorisation énergétique des bio-déchets au cours du cycle de traitement. Celle ci peut être réalisée par l’obtention d’un bio-gaz issu d’une phase de fermentation anaérobie avant le compostage complet. Elle est parfaitement compatible avec l’objectif final d’un amendement organique de haute valeur agronomique. Les seuils inférieurs de production étant faibles (de l’ordre de 1000 t/an de matière entrante), elle peut être localisée au plus près de la ressource.
Cette valorisation énergétique des bio-déchets est un enjeu majeur pour la concrétisation de la transition énergétique que nous défendons, puisqu’elle s’inscrit dans la part d’énergie devant être produite par les bio-masses en général (entre 30 et 40 % de nos besoins en énergie dans quelques décennies selon les scénarios).
La méthanisation et la valorisation des produits issus de cette méthanisation doivent donc être pleinement intégrées dans les processus des traitements des déchets sous réserve que les conditions techniques du processus s’inscrivent dans la réalisation d’un produit final de haute qualité agronomique.
Sécurisation et normalisation de la qualité :
La meilleure sécurisation de la régularité de la qualité se trouve, d’une part, dans le contrôle à priori des denrées entrant dans la composition du substrat compostable et d’autre part dans la non pollution de ces denrées durant le temps de leur collectes, de leur transport et de leur traitement.
Concernant la qualité des boues urbaines le contrôle doit s’accompagner le cas échéant d’une
Recherche active des sources de pollution et leur éradication.
Concernant les déchets verts urbains, ils doivent entrer pour une part dans la composition du substrat et concourir à la qualité finale dans les mêmes conditions de collecte et de contrôle que ceux issus de la consommation alimentaire
Il en résulte que les écologistes se prononcent pour la généralisation des traitements dédiés des bio-déchets, soit par collectes sélectives, soit par apport individuel ou collectif volontaire, limitant ainsi les risques de pollution et pour un contrôle systématique de chaque ressource.
La norme NFU 44-051 réglementant actuellement la qualité des composts est beaucoup trop
permissive pour assurer une qualité agronomique, notamment par la tolérance qu’elle institue sur les éléments traces métalliques, les verres et les plastiques.
Il en résulte que les écologistes se prononcent contre la pollution diffuse des sols tolérée par la norme actuelle et pour la création rapide d’une norme de qualité agronomique publique européenne, limitant drastiquement les polluants pour hisser la fabrication des composts au niveau des exigences de l’agriculture biologique.
Évolution des outils de traitement actuels :
Certains systèmes, présentées comme des alternatives à l’incinération sur ordures brutes ou à la mise en décharge directe, impliquent un tri durant le processus de compostage. C’est notamment le cas des systèmes dits « traitement mécano-biologique » (TMB), qui isolent la fraction fermentescibles des ordures brutes, sans tri préalable, et qui peuvent associer une phase de méthanisation. Ces systèmes soumettent la fabrication des composts aux aléas d’une pollution diffuse incontrôlée émanant des déchets non compostables, ce qui conduit à considérer qu’ils ne peuvent pas constituer une alternative viable au traitement en filière dédiée à partir d’une collecte séparative contrôlée.
Les écologistes considèrent qu’il est impératif d’organiser une véritable économie circulaire des denrées alimentaires et que cela passe par la mise en place des collectes sélectives des bio-déchets en amont de ces outils industriels, avec un développement systématique en parallèle de la méthanisation de ces bio-déchets. Le tri que les systèmes de TMB peuvent opérer parmi le déchets résiduels reste néanmoins intéressant en ce qu’il permet de maximiser les recyclages de matières et d’assurer l’inertage des déchets ultimes qui comportent encore des déchets organiques afin de les rendre stockables.
Les écologistes considèrent que les installations de TMB, fonctionnant sur ordure brutes, ne peuvent être que des solutions transitoires avant une généralisation des collectes sélectives des biodéchets. Mais elles devront répondre à un certain nombre de prescriptions :
1) – Inscription technique et financière des installations de TMB existantes dans un objectif de montée en puissance progressive des chaînes de tri dédiées aux seuls déchets issus des collectes sélectives et suppression progressive des chaînes sur ordure brutes, afin de garantir un produit de sortie compatible avec un économie circulaire.
2) – Organisation d’un contrôle rigoureux des déchets entrants et des composts sortants selon les normes les plus strictes en vigueur compatible avec l’agriculture biologique pour la filière dédiée. Concernant les produits sortant actuellement des systèmes mélangeant les bio-déchets aux ordures résiduelles et répondant ou non à la norme NFU 44-051 l’incertitude sur leur degré de pollution et la faiblesse de leur qualité agronomique rend leur épandage potentiellement dangereux. Ils doivent donc restés soumis aux plans d’épandage agricoles sous contrôle et en aucun cas être commercialisés librement hors déchets.
3) – Intégration systématique d’une étape de méthanisation dans la chaîne de traitement
4) – Surveillance publique de la qualité des sols recevant ces épandages par analyses annuelles de prélèvements.
Organisation des flux de retour :
La phase de retour de l’économie circulaire des composts vers les terres arables ne peut se faire sans l’implication des structures agricoles , chambre consulaire et syndicats.
Dès aujourd’hui les écologistes collaboreront suivant leur responsabilité, avec les agriculteurs pour obtenir des contrôles avant épandage, réalisés par des organismes indépendants capables de garantir la transparence des analyses. Ils veilleront, le cas échéant à ce que le droit de refus des agriculteurs soit respecté.
Ils assureront la promotion des composts de qualité issus des filières dédiées auprès des agriculteurs en prenant appui sur les expériences réussies.
Ils travailleront ensemble à la mise au point et à l’obtention d’une norme européenne, exigeante et réaliste qui permette aux agriculteurs, par la qualité agronomique du produit, de baisser la quantité d’intrants artificiels épandus sur les sols sans perte de rendement.
Ils s’opposent à l’introduction récente, sous la pression de la France, des déchets organiques extrait des ordures ménagères en mélange, dans la liste positive des produits de la future directive européenne « end of waste », pouvant conduire à des composts bénéficiant du statut de produit, donc commercialisable en tant que tel, sans plan d’épandage, et susceptible de passer les frontières.
Ils demandent à leurs parlementaires d’intervenir pour obtenir le retrait de cette introduction, et s’associer ainsi aux exigences de sécurisation des compost souhaitées par les autres pays européens.
Pour : beaucoup ; contre : 1 ; Abstention : 5
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