| Actualités | Conseil Fédéral des 17 et 18 novembre 2012

Pour l’interdiction du bisphénol A : ne pas céder au lobby pro-industrie

Exposé des motifs :

Ne pas céder au lobby pro-industrie.

I – Le bisphénol A (BPA) est un composé chimique dont le nom indique qu’il est issu de la réaction entre deux équivalents de phénol et un équivalent d’acétone. Il est utilisé pour la fabrication industrielle par polymérisation de plastiques de type polycarbonate et de résines époxy ; comme antioxydant dans les plastifiants et le PVC et comme inhibiteur de polymérisation dans le PVC.

Il est notamment utilisé par les industriels dans les emballages alimentaires et les dispositifs médicaux.

Le BPA est également présent sous forme libre dans un grand nombre de reçus de caisse ou de cartes de crédit, dans les papiers thermiques, dans de nombreux produits de consommation courants depuis les lunettes de soleil jusqu’au CD – DVD, en passant par les contenants destinés aux liquides (bouteilles, boîtes…) et la nourriture.

Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que la contamination humaine se fait essentiellement par ingestion, mais aussi par passage par les voies respiratoires et à travers la peau.

II – D’ailleurs, 95% des 700 études scientifiques portant sur les effets du BPA sur l’homme et l’animal publiées à ce jour attestent de sa toxicité et de ses effets en tant que perturbateur endocrinien (substance perturbant et modifiant le système hormonal). Les enfants en bas âge, en plein développement hormonal, sont particulièrement vulnérables. C’est pourquoi il a été primordial de protéger les nourrissons de l’exposition à cette substance (cf. loi de 2010 exposée plus bas). Mais il faut aller plus loin encore, tant les enjeux sanitaires sont graves et de première importance.

Depuis 2011, les études concordent pour montrer que le BPA entraîne aussi des troubles des systèmes cardio-vasculaire, comportemental et reproductif, tels que des maladies métaboliques ou cardio-vasculaires, mais aussi des cancers hormono-dépendants, des cancers du sein, des perturbations anatomo-fonctionnelles, des troubles du comportement, de la fertilité et de la reproduction, qu’il favorise l’obésité, etc.

Plus gravement, les effets du BPA sur le système hormonal induisent des altérations épi-génétiques, susceptibles d’entraîner les mêmes pathologies chez la descendance. En d’autres termes, en exposant nos concitoyens au BPA de manière inconsidérée, nous avons déjà pris le risque de soumettre au danger puisque le BPA influe sur l’expression des gènes et participe aux modifications génétiques transmissibles d’une génération à l’autre. Ainsi, une année de plus pour retarder l’interdiction du BPA met inutilement en danger 830.000 enfants à naître, dont on sait déjà que 400 garçons auront des problèmes hormonaux avérés à l’âge adulte.

III – Nous avons une responsabilité, et nous devons contrer l’argumentation des lobbies industriels qui n’ont de cesse de privilégier l’intérêt économique à court terme sur l’intérêt général à long terme qui est notre santé. Notre santé ne doit pas être considérée comme une variable d’ajustement mais doit rester au cœur de notre politique et des valeurs que nous, écologistes, portons. L’un des arguments majeurs avancés par le lobby des industriels en faveur du report de son interdiction, repose sur le laps de temps acceptable pour eux, nécessaire à leur adaptation à de nouveaux procédés de fabrication des nouveaux matériaux et des contenants alimentaires.

Pourtant, les alternatives au BPA existent déjà en large partie, et pour l’ensemble de ses utilisations liées à l’alimentation. La recherche, notamment française, a beaucoup avancé en matière de substituts. L’ANSES et les associations en ont fait le recensement, ce qui est une donnée incontestable.

L’argumentation des lobbies industriels ne résiste donc pas à l’analyse.

C’est ainsi que plusieurs grands groupes ont développé des offres sans BPA et qu’il existe – par exemple – des modèles alternatifs sans BPA de conserverie en carton, adaptés aux légumes cuisinés et secs, aux soupes, sauces, compotes… supportant la mise sous autoclave.

Ce type d’emballage est déjà proposé par 110 grandes marques aux consommateurs et clients dans 40 pays (Japon, Suède, Italie…).

En Italie, il représente 18 % du conditionnement de légumes secs et 10 % des légumes.

La marque COOP, à l’instar de Nestlé ou de Heinz, a intégralement remplacé la boîte en métal et son revêtement intérieur avec BPA au profit de la conserve carton. Et 96 % des clients en sont satisfaits.

En Suède ce sont 23 % des légumes secs, 24 % des tomates et 7 % du Pet Food (nourriture pour les animaux domestiques) qui sont ainsi conditionnés.

En France, deux unités de recherche ont relevé le défi des produits innovants sans BPA.

Trois millions deux cent mille emballages pourraient potentiellement être fabriqués en carton ; sans parler des conséquences positives en termes de création d’emplois.

Nous économiserions l’émission de 12 000 tonnes de CO2 par an.

Un seul exemple : pour un emballage en carton de 400 ml, l’émission de gaz à effet de serre est de 81 grammes, alors qu’il est de 126 grammes pour un contenant en métal[1].

Dans le prolongement, même Monsieur Draulette, patron du syndicat national des fabricants de boîtes, emballages et bouchardes métalliques, indique que le nouveau vernis sans BPA sera au point en 2013.

IV. La position du législateur.

Après proposition du Sénat en mars 2010, dans le cadre du projet de loi Grenelle 2, le BPA a été interdit dans la fabrication des biberons le 23 juin 2010.

Mardi 9 octobre 2012, le Sénat a adopté une proposition de loi visant la suspension de la fabrication, de l’importation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire comportant du BPA au 1er juillet 2015.

À l’Assemblée nationale, on ne peut que se féliciter de la proposition de loi votée le 12 octobre 2011. Celle-ci propose la suppression au 1er janvier 2013 de tous les contenants destinés aux enfants en bas âge.

Cela fait donc déjà 12 mois que les industriels sont avertis de cette proposition. Le délai supplémentaire de 18 mois qui vient d’être proposé par le Sénat – c’est-à-dire une interdiction au 1er juillet 2015 – n’est donc pas fondé, les industriels étant en mesure de s’adapter à leurs nouvelles normes de fabrication.

En conclusion.

Au regard du présent texte et des dernières études, ce ne sont donc pas seulement les nourrissons et les très jeunes enfants qui sont exposés, mais aussi les femmes enceintes et les femmes allaitantes, avec des conséquences potentielles très graves, parfois irréversibles sur leur descendance. Plus encore, nous l’aurons compris, c’est l’ensemble de la population qu’il faut soustraire à ces dangers dans les meilleurs délais possibles.

Motion :

Avec le monde scientifique, le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts reconnaît la toxicité et la dangerosité du bisphénol A sur l’ensemble de la population française, et prend acte de l’urgence à l’y soustraire au nom de l’impératif de santé publique.

Le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts prend en compte les alternatives industrielles au bisphénol A déjà mises en œuvre tant en France que dans de nombreux pays.

De ce qui précède, le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts demande l’interdiction du  bisphénol A dans les contenants alimentaires dans les meilleurs délais.

Unanimité pour

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