Exposé des motifs :
Pauvreté paysanne, ressentiment politique et instabilité sont étroitement liées en Afrique de l’Ouest comme l’affirment dans un article publié par le Monde le 17 mai, dans une initiative technique et citoyenne, l’ancien président du Comité des programmes de la FAO et successeur de René Dumont à l’AgroParisTech, Marcel Mazoyer, le Rapporteur spécial des Nations Unies pour le Droit à l’alimentation, Olivier de Schutter, et le Président de la Coordination nationale des organisations paysannes du Mali (CNOP) et Vice-président du Réseau des organisations paysannes et de producteurs d’Afrique de l’Ouest (ROPPA), Ibrahima Coulibaly. ( 1 )
Depuis plusieurs décennies, en raison de la libéralisation croissante des échanges agricoles internationaux, les paysans et les paysannes (tout aussi nombreuses) de ces pays, généralement parmi les moins bien équipés du monde, sont livré-es sans grande protection et sans grand appui à la concurrence internationale des agriculteurs les plus compétitifs, par ailleurs soutenus d’une manière ou d’une autre par des politiques d’intervention publique.
Dans ces conditions, aggravées par une crise budgétaire générale qui assèche les fonds dédiés à la solidarité internationale et nationale, les actions conventionnelles d’aide au développement et d’aide aux revenus montrent leurs impasses, comme s’en alarme encore récemment le rapport du Sénat sur le Mali. Elles s’avèrent incapables de réduire la faim, l’exode, le chômage, l’émigration et le ressentiment politique qui en résultent, incapables de réduire les déficits alimentaires et les déficits commerciaux et budgétaires de ces pays.
Une autre voie existe. Elle n’est pas nouvelle mais n’a jamais été aussi opportune, pratiquable, cohérente. Instaurer un ensemble de droits de douane aux frontières de la sous-région ouest-africaine sur les principaux produits agricoles et alimentaires importés suffirait pour que les prix des productions paysannes locales soient suffisamment rémunérateurs, élevés et stables. Non seulement cela leur permettrait de vivre dignement de leur travail, d’investir et de progresser, pour mieux se nourrir, nourrir les villes et employer encore la grande majorité de la population, mais aussi de préserver les ressources naturelles de l’Afrique de l’Ouest. Ces droits de douane sont aujourd’hui insignifiants, en tout cas très inférieurs à ceux appliqués par les Etats-Unis, l’Union européenne, la Chine ou le Japon. (On se rapportera à l’article référencé, qui montre l’opportunité et la faisabilité de cette mesure).
Ce doit être le fruit d’une initiative diplomatique d’envergure, que la France, si elle veut « gagner la paix », devrait conduire avec l’appui de ses alliés. La France, par son intervention, a une responsabilité particulière dans la région et l’a retenue comme prioritaire pour sa politique de coopération au développement car s’y trouvent notamment les pays les plus pauvres de la planète.
Le mouvement écologiste – à travers ses projets politiques et l’accord passé avec le parti Socialiste – n’a cessé de demander les régulations publiques nécessaires à des échanges planétaires responsables et équitables qui permettent aux populations du monde de vivre sur leur territoire, dignement et durablement, de leurs biens communs. Nos militant-es, les organisations des paysan-nes africain-es surexposées à une mondialisation sans règles, les plus grands spécialistes, la plupart des acteurs du développement, de la solidarité et de l’égalité femmes-hommes, des ONG, des mouvements sociaux et de la coopération décentralisée placent désormais cette régulation publique au premier rang de leurs priorités. Il est donc indispensable que nous apportions notre soutien à cette initiative qui constitue une réponse à l’urgence et aux enjeux que nous savons considérables pour notre avenir à tous et toutes. Un large éventail politique en France, allant bien au-delà de la présente majorité, perçoit cette nécessité et serait prêt à soutenir une telle initiative. Notre action politique, notre éthique visent une autre mondialisation. Cette proposition stratégique, pragmatique, en fait partie. Il y faut ambition et force politiques.
Dans « l’écologie des solutions » dont nous nous prévalons, c’est notre responsabilité d’écologistes, d’élu-es, de militant-es, aujourd’hui au pouvoir dans toutes les collectivités publiques, de donner une issue politique d’envergure aux constat et propositions d’une force d’expertise et d’un mouvement social rassemblés, nord et sud.
Motion :
Le Conseil Fédéral réuni le 25 et 26 mai :
Considérant que la stratégie agricole et alimentaire proposée dans l’initiative Mazoyer-De Schutter-Coulibaly (1) est une priorité stratégique majeure, enfin novatrice, contre la pauvreté paysanne et l’instabilité au Mali, au Sahel, en Afrique de l’Ouest, fondée sur la capacité de leurs populations, majoritairement paysannes, à vivre dignement de leur activité pour peu que des régulations le leur permettent :
• s’associe pleinement à l’initiative contre la pauvreté paysanne et l’instabilité en Afrique de l’Ouest présentée dans l’article paru dans Le Monde le 17 mai 2013 (1), pour que soit entreprise une politique de développement des agricultures paysannes fondée sur un relèvement adapté des tarifs douaniers appliqués aux produits agricoles et alimentaires importés dans cette région,
• appelle l’ensemble du mouvement, militant-es, élu-es, responsables, à soutenir l’initiative par tous moyens (y compris la signature de l’appel : initiative.paysanneries.ao@gmail.com et à participer à l’année internationale de l’agriculture familiale en 2014.
• demande à nos élu-es locaux, nationaux et internationaux de défendre publiquement, au niveau national et international adéquat (France, UE, institutions internationales et leurs partenaires), cette stratégie prioritaire de réduction de la pauvreté, de développement économique et de retour à la sécurité de l’Afrique de l’Ouest.
• Sans oublier de s’opposer a la stratégie de la commission européenne concernant les APE (accords de partenariats économiques).
Contre 0 blanc : 0 pour unanimité
Les titre choisis par la rédaction du journal sont réducteurs ; l’ article était intitulé « Pauvreté paysanne et instabilité politique en Afrique de l’Ouest ». Appel signé notamment par l’ancien président du Comité des programmes de la FAO et successeur de René Dumont à l’AgroParisTech, Marcel Mazoyer ; le Rapporteur spécial des Nations Unies pour le Droit à l’alimentation, Olivier de Schutter, et le Président de la Coordination nationale des organisations paysannes du Mali (CNOP) et Vice-président du Réseau des organisations paysannes et de producteurs d’Afrique de l’Ouest (ROPPA), Ibrahima Coulibaly.
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