> tribune publiée dans Mediapart
« Le projet de loi sur les modes de scrutin au niveau des départements, qui est examiné au Sénat cette semaine, progresse (…) mais ne fait que la moitié du chemin : on nous promet la parité, mais sans la diversité politique », regrettent Marie Blandin, Ronan Dantec, Hélène Lipietz, Jean-Vincent Placé et l’ensemble des sénateurs du groupe écologiste, qui plaident pour un minimum de proportionnelle.
S’il est un point sur lequel beaucoup s’accordent à gauche, c’est que le mode de scrutin des élections locales mérite d’être révisé. Il n’est pas excessif de parler de fracture citoyenne lorsque les électeurs et électrices estiment que celles et ceux qui les défendent ne sont plus à leur image. Pourquoi ? Trop d’hommes, trop souvent blancs, trop rarement jeunes, appartenant trop fréquemment aux deux partis majoritaires et trop peu représentatifs des diverses catégories sociales : nous ne retisserons pas la confiance entre le citoyen et l’élu si le premier a le sentiment que le second lui est totalement étranger, qu’il ne comprend pas son monde, son époque, son quotidien et, a fortiori, s’il n’aspire pas à porter le même projet de société.
Forts de ce constat, les écologistes et les socialistes ont décidé de répondre à cette crise de la représentativité dans leur accord parlementaire et se sont engagés à«défendre le principe de la proportionnelle aux élections locales pour garantir la parité et la diversité». Le scrutin proportionnel a en effet l’avantage, outre l’évidente justesse de la représentation des opinions exprimées, de garantir la parité, comme le montrent les hémicycles régionaux, a contrario des conseils généraux. Une démocratie élective ne devient représentative que lorsqu’elle se fonde sur un mode de scrutin juste et lisible, donc légitime.
Le projet de loi sur les modes de scrutin au niveau des départements, qui est examiné au Sénat cette semaine, progresse en ce sens, mais ne fait que la moitié du chemin : on nous promet la parité, mais sans la diversité politique. Le scrutin binominal – fait de remplacer le scrutin uninominal par un tandem femme-homme – qui devrait bientôt faire son entrée dans le Code électoral ne va pas jusqu’au bout du chemin. Il conforte le bipartisme et condamne les partis qui ne figurent pas dans les deux premiers du podium électoral à établir des accords pré-électoraux pas toujours bien compris, sous peine de disparaître des arènes du pouvoir avec les bulletins qui avaient fait le choix de leurs idées.
Faisons l’ultime effort qui nous mènera à une démocratie moderne et efficace, par exemple en transposant le mode de scrutin des élections régionales à l’échelon départemental. La prime majoritaire est déjà une garantie sérieuse de gouvernabilité. Faut-il aller jusqu’à cultiver des hégémonies pour se rassurer sur une prétendue stabilité, qui est souvent davantage un conservatisme allergique à tout changement susceptible de jouer en faveur du leader du pôle adverse ?
Ce combat, on le comprend, est celui du pot de fer contre le pot de terre : quel intérêt les majoritaires, détenteurs du pouvoir, auraient-ils à se défaire de cette prodigieuse influence ? Mais droite et gauche ne sont pas des partis. La diversité des opinions politiques compte. Autant que la parité, la diversité sociale, d’origine, d’âge… Les grands paradigmes politiques, les grands projets de société, doivent être représentés. A minima, intégrer une dose de proportionnelle, sur le principe de celle attendue pour les élections législatives, serait un signal positif en faveur de cette carence de représentativité.
Que penser du volet sur les élections des représentants aux intercommunalités ? Là encore, les avancées existent, mais sans aller jusqu’au bout. Le déficit de lisibilité de la représentation de ces regroupements intercommunaux devrait s’atténuer puisque les prétendants aux sièges de l’intercommunalité seront identifiés sur les listes municipales. Mais la réforme, audacieuse, qu’il faut engager est plus radicale : en faisant le choix du scrutin direct à la proportionnelle, nous pouvons engager de véritables débats sur le rôle, les compétences, les projets des intercommunalités et développer un sentiment d’appartenance à ces territoires plus tangible. Le gouvernement sait notre attachement à ce point ; la balle est dans son camp.
Si les délais sont courts pour une modification en profondeur avant les élections municipales de 2014, il serait en tout état de cause incompréhensible que le renforcement des agglomérations dans la prochaine loi n’aille pas de pair avec un mode de scrutin direct. Le renforcement des pouvoirs des élus communautaires doit s’accompagner du renforcement de la démocratie d’agglomération. En aucun cas ces aspects n’épuisent le débat sur la grande réforme territoriale à venir, au cours de laquelle nous défendrons dans les semaines qui viennent notre vision d’un Acte III ambitieux de la Décentralisation. Nous défendrons des territoires plus forts, plus efficaces, plus autonomes. Mais rien ne saurait remplacer le ciment démocratique que constitue la confiance entre un peuple et ses représentants.
Leila Aichi, Kalliopi Ango Ela, Aline Archimbaud, Esther Benbassa, Marie Blandin, Corinne Bouchoux, Ronan Dantec, Jean Desessard, André Gattolin, Joël Labbé, Hélène Lipietz, Jean-Vincent Placé.