Karima Delli, députée européenne EELV et membre de la commission législative de l’Emploi et des affaires sociales, explique son agréable surprise face à la tonalité des mesures proposées aujourd’hui par la Commission européenne.
« Sur un certain nombre de sujets, il semble que la Commission ait tout simplement tiré les leçons des erreurs passées. Ainsi, je constate les frémissements d’un glissement idéologique, avec la mise en avant de solutions de type keynésien (attention portée à la demande et non plus uniquement à l’offre…), voire écologistes (emplois verts, taxes environnementales et foncières, réduction du temps de travail…). Face à l’explosion du chômage, il est grand temps que la Commission prenne le chemin de la transition écologique et sociale de l’économie.
Après des années de déni, la Commission reconnaît enfin explicitement que l’emploi seul ne suffit pas à sortir de la pauvreté, puisque 8 % des travailleurs européens vivent sous le seuil de pauvreté. Elle propose avec raison de créer des dispositifs de salaire minimaux en Europe, là où ils n’existent pas encore, notamment dans les pays où les salaires ont stagné ces dernières années. L’Allemagne est donc prise pour cible, puisqu’elle a choisi de bloquer les salaires de ses travailleurs, s’engageant dans une logique de compétitivité non-coopérative vis-à-vis de ses partenaires européens, et en en faisant payer le prix à ses millions de travailleurs pauvres.
Malheureusement, la Commission indique que les niveaux des salaires minimum doivent évoluer de manière flexible, sans se soucier prioritairement du niveau de vie décent qu’il convient de garantir à chaque européen. Elle postule par ailleurs que des salaires minimaux sectoriels seraient utiles afin de soutenir les créations d’emploi, ce qui pour nous n’est pas démontré, alors que le risque d’une mise en concurrence supplémentaire entre les travailleurs est lui bien réel.
Nous les écologistes, pensons que le salaire minimum ne suffit pas. Il faut mettre en place un bouclier social européen, en commençant par un revenu minimum partout en Europe. Il faut aussi intégrer des critères sociaux contraignants parallèles aux règles budgétaires.
Enfin, la Commission annonce une proposition de charte de qualité pour les stages, ainsi qu’une « garantie pour la jeunesse » (une proposition d’emploi, de stage ou de formation six mois maximum après la fin des études) pour 2012. Si elles vont dans le bon sens, il faut espérer que ces nouvelles dispositions seront mis en place de manière effective dans chacun des Etats membres.
Je suis convaincue que la solution à la sortie de la crise sera européenne. Il faut sortir des « mesurettes », et mettre en place un Bruxelles de l’emploi afin de faire émerger des propositions majeures. Il faut aussi secouer le logiciel idéologique dominant en Europe en remettant en cause le libre-échange généralisé. Au sein de l’UE, il faut harmoniser les droits sociaux et les conditions de travail vers le haut pour en finir avec le dumping social. A l’extérieur, l’UE doit profiter des négociations commerciales pour tirer vers le haut les standards sociaux chez ses partenaires : salaires, protection sociale, travail décent… »