Le contexte
Que l’on soit pour ou contre le nucléaire, 300 réacteurs dans le monde sont à démanteler sur les vingt-cinq années à venir. Un marché potentiel de 220 milliards d’euros.
Le démantèlement nucléaire comprend la destruction de tous les composants, y compris les réacteurs nucléaires. Il signifie l’arrêt total et définitif de l’exploitation, et implique la destruction des bâtiments et le traitement puis l’évacuation des déchets radioactifs ou dangereux (pour des raisons de toxicité chimique).
Or même si la France a développé depuis de très longues années une réelle compétence dans le développement de l’énergie nucléaire (nous avons la plus grande part au monde de production d’électricité issue du nucléaire), les entreprises capables de démanteler un réacteur nucléaire sont peu nombreuses et ne possèdent pas tous les savoirs faire nécessaires à un démantèlement sécurisé. La seule entreprise européenne qui se positionne actuellement sur le démantèlement est allemande.
Nous avons donc pris l’initiative en Nord-Pas-de-Calais d’anticiper les fermetures de réacteurs en permettant l’émergence d’une filière économique créatrice d’emplois. (La centrale de Gravelines, la plus grosse d’Europe et une des plus anciennes, nous donnant une certaine légitimité à nous engager).
Pour ce faire, nous nous appuyons sur la démarche très novatrice de transformation écologique et sociale que nous avons initiée en région. Une démarche qui place en objectif central l’enrichissement en biens communs des politiques publiques. Et en méthode d’action pour y parvenir, le mode projet en interne de la collectivité (transversalité, chef de projet dédié..) et la recoordination des acteurs intéressés aux enjeux identifiés et définis collectivement.
D’où une entrée dans le débat précise…
Nous n’avons pas parlé de sortie du nucléaire pour ne pas crisper. Nous abordons la question par les centrales qui arrivent en fin de vie, avec donc des fermetures inéluctables de réacteurs anciens. De ce fait, cela met fortement en visibilité les enjeux technologiques, économiques (un marché énorme), sociaux (reconversion professionnelle à anticiper), et de protection des populations pour ces installations particulières.
… pour faciliter la mobilisation
De nombreuses parties prenantes ont répondu à notre appel. Nous avons réalisé une cartographie des acteurs pour sérier les appuis, les atouts, les résistances. Cela permet de mobiliser chacun avec les bons arguments.
Du coup, excepté les réticences traditionnelles des grands opérateurs nationaux, une multitude d’entreprises, d’élus de tous bords, de laboratoires de recherche se sont montrés non seulement intéressés mais aussi profondément moteurs dans cette démarche. Des représentants de grands groupes comme WESTINGHOUSE, AREVA, et 180 PME-PMI, des grands organismes comme le CEA, l’Université de Lille 1.
Les objectifs opérationnels sont transversaux et désormais identifiés : le développement des compétences (soutenir la formation aux métiers du démantèlement), l’excellence économique (favoriser la création de la Filière), la recherche et l’innovation (création d’une plate-forme régionale de transfert technologique) et l’information et la participation des populations.
… Et faire émerger de nouveaux modes de faire (ensemble)
Cette nouvelle approche des politiques publiques est prometteuse. Elle situe l’action de la collectivité plutôt en ensemblier, en mobilisation des acteurs et en accompagnement des territoires, et non en mode « guichet à subvention ». Elles réimpliquent les acteurs, les habitants sur des enjeux qui les concernent à nouveau (re faire société).
Au-delà de la réforme territoriale qui semble réduit à un ajustement géographique, la transformation écologique et sociale offre pour les régions une vision et un chemin vers le bien-être et la création d’emplois.
Les milieux économiques mobilisés ont notamment été très satisfaits. Pour nous, un tabou est tombé et le démantèlement est devenu une opportunité partagée.