Passées l’émotion de la victoire de la gauche et des écologistes au Sénat, l’installation des diverses commissions, l’assurance que les écologistes pourront se constituer en groupe politique autonome; le travail parlementaire a repris son cours à la Chambre Haute.
Pour ma part, les premiers textes ont été un véritable baptême du feu. La droite ne nous a pas octroyé un seul instant pour que la nouvelle majorité se rôde.
Pour commencer, nous héritons, à la commission de la Culture, d’un texte centriste sur le patrimoine monumental de l’Etat. La droite au Sénat avait adopté son texte. L’Assemblée l’avait rendu encore plus injuste pour les collectivités et plus imprudent pour le patrimoine. Nous souhaitions donc utiliser la navette pour le réécrire. Coup de tonnerre! L’ancienne majorité n’accepte pas nos amendements en commission… La rapporteure centriste démissionne, on fouille dans le règlement, qui nous apprend que je deviens de droit rapporteure… et ce 24 heures avant le début de l’examen du texte! Au final, les choses se passent convenablement en séance publique, j’enchaîne le soir même sur un texte socialiste qui visait à inscrire dans la loi l’obligation de scolarité dès 3 ans. En tant que Présidente de la commission, je peux intervenir quand bon me semble, mais le gros du travail est effectué par la rapporteure du texte. C’était sans compter sur le ministre Chatel qui à peine arrivé dans l’hémicycle, brandit l’article 40 de la Constitution : irrecevabilité financière! C’est un fait inédit. Le gouvernement considère que cette proposition de loi aurait pour conséquence d’augmenter les dépenses de l’Etat, ce qui n’est pas autorisé dans le cadre d’une loi d’initiative parlementaire… de rappel au règlement en rappel au règlement, je convoque en urgence la Commission de la Culture. Nous prenons acte de l’obligation de retrait. J’exige néanmoins que les interventions des différents groupes politiques soient entendues. Je me dis que ces nouvelles fonctions ne vont pas être de tout repos.
Au delà de ce baptême du feu en tant que présidente en séance publique, il me faut trouver mon rythme dans ce nouveau rôle : entre rencontres protocolaires, auditions à n’en plus finir, sollicitations nombreuses des acteurs qui couvrent le vaste champs de la commission que je préside, travaux entamés sous la précédente mandature et qui ne m’emballent pas… Il faut vraiment que j’arrive à trouver mes marques pour ne pas subir cette présidence mais en faire quelque chose qui ait plus de sens pour moi. Evoquer l’éducation populaire plutôt que visiter la FIAC ; penser les auditions de manière à entendre d’autre sons de cloches que ceux de l’HADOPI etc… Il me faut aussi faire le deuil de tout un pan de mon activité passée de sénatrice : je n’irai plus à l’OPECST (mais Corinne Bouchoux va prendre le relais), je ne donnerai pas suite au travail entamé sur le Mediator (c’est Aline Archimbaud qui a suivi avec brio le projet de loi sur la sécurité du médicament)… Au jour le jour, le carnet de bord que je tiens sur Médiapart m’aide à coucher les impressions de ce nouveau mandat. C’est pour moi une respiration. Pour les lecteurs, c’est une fenêtre sur un monde peu connu.
Mais le Sénat à gauche (et verdi) c’est aussi de belles victoires. Lors de l’examen du projet de loi de finance pour 2012 nous réussissions à faire voter nos amendements. Cela fait un bien fou et change des années précédentes où chaque proposition écologiste se soldait par un « NON ». Taxe sur les transactions financières, application de la TVA à taux réduit pour les travaux d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments, suppression de l’exonération de la taxe intérieure de consommation bénéficiant aux agrocarburants (c’est notre ancien collègue Jacques Muller qui aurait été heureux!). Certes l’Assemblée risque de revenir dessus, mais il appartiendra aux députés UMP et au gouvernement de justifier la réintroduction de ces dispositions, et il y en a beaucoup d’autres…
Entre mes prises de fonction à la Commission de la Culture, de l’Education et de la Communication et les longues nuits en séances du projet de loi de finance, j’arrive à ménager un peu de temps dans ma région. C’est un temps pour souffler, me plonger dans les dossiers, mais aussi un temps où un autre aspect du travail parlementaire prend corps : la visite des lieux de privation de liberté. J’ai été alarmée de la surpopulation au centre pénitentiaire de Longuenesse, dans le Pas de Calais : 363 détenus (pour le quartier maison d’arrêt) avec un taux de surpopulation de 185.2 %. C’est insupportable en théorie, et invivable en pratique : des cellules de 9 m2 dans lesquelles on retrouve trois détenus; deux d’entre eux disposent de lits superposés, tandis que le troisième sort sa mousse le soir et l’installe dans l’espace résiduel de la cellule. Dans ces conditions, point de repos. Le manque d’espace, de calme, l’impossibilité pour les détenus de se retrouver avec eux-mêmes, engendrent des tensions incroyables. Les professionnels de santé expliquent que cette surpopulation est la cause de beaucoup de troubles qui engendrent de la souffrance et des situations de violence difficilement gérables.
Au centre de rétention administrative de Lesquin, ce ne sont pas tant les conditions de détention qui font frémir, mais la politique qui mène à enfermer des enfants (deux ans et demi pour un petit Mongol le jour de ma visite), des adultes insérés, la politique qui mène à stocker en désespoir des étrangers…
Le prochain événement à venir c’est la naissance du groupe Europe Ecologie Les Verts (la proposition de résolution visant à modifier le règlement sera examinée le 19 décembre prochain), mais aussi la discussion de la proposition de loi constitutionnelle sur le droit de vote des étrangers aux élections locales (nous avons remis à l’ordre du jour un texte voté par les députés en 2000 et c’est Esther Benbassa qui est rapporteure sur ce texte).
C’est une année particulière, nos travaux en séance prenant fin le 25 février (avant les élections), mais plein d’enthousiasme nous mettrons toutes nos forces dans la bataille qui s’annonce au printemps, pour que dès le mois de juin, Sénat et Assemblée Nationale parlent d’une même voix pour les années à venir.
Pendant que se prépare 2012, pendant que l’ombre de la crise financière assombrit le quotidien et l’horizon, nous n’oublions pas l’enjeu majeur du climat. Ronan Dantec y représente d’ailleurs des collectivités locales parfois plus engagées que les Etats.
3 réflexions au sujet de “Nouveau mandat, nouveau contexte, nouvelles responsabilités : le Sénat vu de l’intérieur par Marie Blandin”
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Merci bravo bon courage et bonne continuation
Bonjour Marie,
J’apprécie beaucoup ton premier retour d’expérience au Sénat. Ton excellente initiative m’incite à demander aux autres membres du groupe parlementaire EELV de faire la même démarche et de la prolonger au cours de la mandature.
Très cordialement,
Gérard Contrepois
Tiens ! D’après les drapeaux, ce seraient des élus Verts ???
La fusion avec Europe-Ecologie, ce n’est pas pour eux ???