En décernant le prix Nobel de la Paix 2018 au gynécologue congolais Denis Mukwege et à la militante irakienne yézidie Nadia Murad, le Comité Nobel fait le choix de dénoncer le viol comme arme de guerre. Un choix très politique et nécessaire, qui fait écho aux combats féministes de long cours et soutenu par les écologistes.
Si le viol est une arme pour asservir les terrains visés ou occupés, l’omerta sur ces pratiques est un outil pour nier le contrôle du corps des femmes. Depuis plusieurs années, historien·ne·s et militant·e·s féministes appellent à prendre conscience du caractère stratégique des viols en temps de guerre et alertent la communauté internationale sur ce fléau.
L’an dernier, Denis Mukwege appelait à travers une tribune l’Europe à réagir et à prendre des sanctions drastiques, rappelant que dans la lutte contre les mines antipersonnel et les armes chimiques, la communauté internationale avait su renforcer les normes au travers de moyens légaux et institutionnels. Après le prix Sakharov en 2014, ce Nobel vient renforcer son discours et rappeler que, en temps de guerre comme en d’autres, les femmes sont souvent les premières victimes des bourreaux et des tactiques des prédateurs militaires.
Nadia Murad, survivante de l’esclavage sexuel perpétré contre les femmes yézidies par le groupe Etat islamique, a obtenu le prix Sakharov « pour la liberté de l’esprit » en 2016. Incarnant la lutte yézidie, c’est au nom de tous les sévices subis par sa communauté que cette femme au courage incroyable a accueilli ce prix. En lui décernant ce Nobel, c’est aussi sur les luttes des peuples opprimés que le Comité met l’accent et apporte éclairage international et soutien.
Ce prix vient rappeler à l’Europe son devoir envers l’humanité et ses engagements pour les droits des femmes à travers le monde. De la seconde guerre mondiale aux milices de Daesh, le corps des femmes est toujours un outil stratégique à profaner, violenter, coloniser. Il est temps de reconnaître ces exactions pour ce qu’elles sont, à savoir des armes de destruction durables, et d’en interdire tout recours, au nom des droits humains.
Julien Bayou et Sandra Regol, porte-parole