Être post croissant.e.s … pour ne pas être post humain.e.s.
Exposé des motifs :
En cette année de tous les possibles politiques, l’idée de l’effondrement du système actuellement à l’œuvre n’est plus exclue du débat public. Jusqu’à récemment auto-censuré-es, sous peine d’être mis au ban médiatique, les écologistes qui ne veulent plus parler de croissance ont désormais une « ouverture », au cœur du débat de cette présidentielle inédite.
Un système dépendant de la croissance, maintenu en réanimation artificielle
La dépendance à la croissance ne connaît pas de limites. Dès la fin des années 60, l’extractivisme montre des signes d’essoufflement. Qu’à cela ne tienne. La financiarisation des échanges va permettre de s’en affranchir, au prix d’une déconnexion dramatique avec la réalité. Au prix de l’accaparement ultime des bien communs et de la financiarisation de tous les secteurs possibles, dont la nature elle-même. La croissance vide de sens, telle qu’elle est comptabilisée aujourd’hui, n’est autre qu’une fuite en avant nécessaire uniquement au maintien du modèle de société dominant, effaçant, de fait, un lien réel et proportionnel entre les besoins de l’activité humaine et la nature.
Actuellement, nous sommes dans une société à la croissance très faible, diminuant inexorablement au niveau mondial, mais dont le paradigme théorique reste le même qu’au temps d’Adam Smith. Ainsi, les efforts individuels et collectifs, l’ensemble des règles et réglementations, sont conçus pour et dirigés vers le même objectif : aller « chercher » la croissance. Or nous savons que la croissance illimitée se réalise forcément au détriment de l’écosystème de la planète, à travers les « incrémentations cumulatives » caractéristiques du système actuel. Nous savons aussi, que cela se réalise au détriment de la cohérence sociale et que les inégalités se creusent inexorablement.
Le débat ayant abouti à l’adoption en 2015 de la Loi sur les nouveaux indicateurs de richesse, défendue par les écologistes et en particulier Eva Sas et André Gattolin, avait bien illustré que la notion de croissance du PIB n’est rien d’autre qu’une approximation comptable aveugle face à ce que nous avons de plus précieux.
Face à l’effondrement, un changement de paradigme
Quand l’écologie politique énonce que la croissance ne peut être illimitée dans un monde fini, elle remet en question la règle principale qui régit l’activité économique, mais aussi toute la forme de notre société actuelle.
Pour autant, l’écologie politique ne dessine que de manière parcellaire ce que serait une société post croissance. Ceci, malgré de nombreuses motions votées en CF qui ont été peu mises en œuvre ou défendues, faute principalement d’interlocuteurs clairement identifiés et de réflexion approfondie et partagée sur l’ensemble des conséquences systémiques.
Par société post-croissance nous entendons une société où la recherche constante de croissance du PIB, étroitement liée à la défense des intérêts quasi-exclusifs d’une infime minorité de la population, est abandonnée, au profit de la recherche de conformité et d’équité entre les besoins réels de la population et les rythmes de la nature.
La décroissance, comme la croissance, ne peuvent être illimitées. Une décroissance du PIB transitoire semble inévitable, tellement nous vivons à crédit sur la planète, mais elle ne doit pas être synonyme de chaos. C’est tout l’enjeu de la période transitoire qui doit être anticipée, notamment concernant les dettes et les services publics. La post-croissance, ou l’a-croissance, renvoie à une notion d’équilibre dynamique entre l’activité humaine et le rythme de régénérescence de la nature ainsi qu’à un partage démocratique répondant aux besoins de tous.
Ce changement de paradigme a des impacts si profonds qu’il est nécessaire de reconstruire une nouvelle vision de la société. Notre réflexion doit dépasser ce qui serait une liste de rustines que l’on tente d’apposer à un modèle en fin de course, pour devenir une proposition véritablement systémique.
En effet, les caractéristiques d’une société post-croissance sont aussi variées qu’inédites et doivent être étudiées et débattues au sein de notre parti qui porte ce projet de société, et au-delà. Les conséquences de l’a-croissance sont très nombreuses. On peut citer, en particulier, les interrogations que cela pose :
- Écologiques et démocratiques : les limites et les rythmes de la nature imposent une régulation démocratique de la consommation. Un partage équitable entre les personnes qui partagent un même bien commun demande une refondation de la décision politique. Le pacifisme prend tout son sens dans des sociétés qui ne jouent plus la concurrence entre les nations.
- Sociales : une société post-croissance ne sera viable que dans un cadre d’entraide et non de compétition, et si elle permet à chacun d’avoir sa juste part. Le bénévolat et la gratuité jouent un rôle nouveau.
- Économiques : il s’agit d’imaginer une économie écologiste, par nature non productiviste, basée sur les ressources renouvelables et la relocalisation.
- Énergétiques : l’utilisation incontrôlée de sources d’énergies fossiles ou fissiles est remplacée par la sobriété dans la consommation d’énergies renouvelables. L’impossible découplage énergie-croissance joue pleinement.
- Financières : plus d’intérêt financier, plus de spéculation. L’argent devient un moyen, un bien commun, et non une fin, comme l’illustrent les monnaies locales.
- Territoriales et agricoles : l’organisation territoriale, calquée sur la concentration vers des métropoles de plus en plus grandes et des territoires « oubliés » n’est plus adaptée. Les « Territoires en transition » dessinent un autre aménagement du territoire, grâce, notamment, aux outils qu’offre la permaculture.
Comment dessiner une société post-croissance désirable ?
La sensibilisation du public depuis quelques années aux enjeux environnementaux oblige encore plus les écologistes à dessiner le projet d’une société post-croissance et à oser aller enfin jusqu’au bout du raisonnement. Il est de la responsabilité des écologistes de dessiner un autre possible car les signes de l’effondrement prochain sont nombreux (accélération des dérèglements climatiques, fragilité des marchés financiers, épuisement des ressources et conflits en conséquence…). Un autre monde est possible où le bien vivre, la convivialité et l’hospitalité dessinent un avenir désirable.
Établir ce que peut être cette société, de façon systémique et cohérente, réfléchir au chemin à prendre, sont des étapes nécessaires si nous voulons véritablement atteindre une majorité culturelle écologiste.
La commission thématique est l’instance que le mouvement écologiste s’est donné pour fournir du contenu, continuer de faire avancer le programme et la position des écologistes, débattre à l’intérieur et avec l’extérieur du parti, de manière durable et autonome. Ce sont bien les conditions nécessaires pour que le projet de société post-croissance puisse se décrire plus en détail. Des associations comme Attac ou le Réseau des Territorialistes travaillent sur ce sujet et sont d’ores et déjà volontaires pour collaborer avec une telle commission.
Par ailleurs, même si une commission portant sur l’étude de la post-croissance apparaît comme connexe à plusieurs commissions thématiques actuelles, sa thématique est à la fois spécifique et plus large que celle de chaque Commission concernée, elle ne peut se résumer à une synthèse des commissions existantes.
Motion
Nous proposons qu’une commission intitulée « Société post-croissance » soit créée au sein du parti EELV.
Cette commission aura pour objet d’étudier et de décrire les conséquences concrètes d’une société qui ne recherche plus la croissance du PIB, mais l’équilibre dynamique de l’activité humaine avec les rythmes de la nature.
Elle aura pour mission de faire connaître, d’expliquer et de rendre désirables les grands changements induits par l’arrêt de la recherche de croissance à la fois au sein du parti et en dehors, de soutenir les élu-es et les associations qui les mettront en œuvre et de contribuer à la réflexion politique du mouvement, notamment, sur les conditions de la transition vers une société post-croissance.
Dans l’immédiat, la commission contribuera aux programmes de l’élection présidentielle et des élections législatives qui seront soutenus par EELV.
La commission travaillera avec les autres commissions thématiques et groupes de travail nationaux EELV, notamment Environnement, Agriculture et ruralité, Déchets non nucléaires, Energie, Education, Economie, social, services publics et Culture. Comme toutes les Commissions thématiques, elle sera ouverte aux non-adhérent-es et permettra ainsi de nourrir notre débat interne par les apports d’autres associations, organismes et individus partageant notre vision sur le sujet, tout en renforçant notre rôle dans ce débat.
Unanimité moins 15 blancs.
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Télécharger la motion :
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au Conseil fédéral des 11 et 12 mars 2017