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Marie-Christine Blandin “les innovations ce n’est pas le principe de précaution qui les bloque, mais le manque de volonté“

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE VISANT À MODIFIER LA CHARTE DE L’ENVIRONNEMENT POUR PRÉCISER LA PORTÉE DU PRINCIPE DE PRÉCAUTION

Marie Blandin

Dossier législatif

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Chers collègues,

Voilà presque 10 ans que nous avons examiné le projet de loi constitutionnelle relatif à la charte de l’environnement. Cette charte était le fruit de 4 ans de travail de la commission Yves Coppens.

Ce projet, je l’avais soutenu au Sénat puis au Congrès, pour son message solennel : oui l’avenir de l’humanité dépend du bon état de la nature ; mais aussi pour la précaution qui s’imposerait à ceux qui mettent tout et n’importe quoi sur le marché.

Présenté par une droite réticente, initialement boudé par une gauche qui n’était pas dupe, critiqué par les députés écologistes parce qu’il n’y avait pas les atteintes à la santé, médiatisé et commenté n’importe comment, diabolisé par une minorité de scientistes autistes, le principe de précaution a finalement trouvé sa juste place. , la raison l’a emporté.

Même si certains sont restés dans la confusion sur son champ d’application, comme Roselyne Bachelot, évoquant le « principe de précaution » contre un virus, pour engager presque 1 milliard d’argent public lors de la pandémie grippale.

Aujourd’hui, Monsieur Bizet nous propose de brouiller à nouveau les cartes et de revenir sur le texte de cette Charte, au motif qu’il serait mal compris et tendrait à devenir un principe d’inaction. Bien au contraire, par une prise en compte précoce des risques, il questionne, il interroge et oblige à chercher des réponses.

Vouloir faire passer le principe de précaution comme un « frein aux activités de recherche et au développement économique » est un message très partial, éclairé par des finalités contestables. Ou bien s’agit -il de balayer les derniers obstacles au dumping environnemental du projet de traité transatlantique?

C’est l’absence de principe de précaution qui a forgé l’inaction face à l’hormone de croissance, aux rejets de PCB dans les fleuves, ou à l’amiante. Alors que la réalité de maladie mortelle était diagnostiquée, les bonnes décisions face au faisceau de signaux convergents et à la gravité du risque encouru n’ont pas été prises, différées par un Comité permanent amiante, au fil du temps transformé en club de lobbyistes.

Un seul point nous accorde: la nécessité d’un meilleur partage de la culture scientifique, car l’ignorance et l’obscurantisme aliènent.

Tout le monde est d’accord mais les budgets sont ridicules.

L’écologie est la première à avoir besoin d’innovations pour inventer des alternatives technologiques respectueuses de l’environnement : photovoltaïque performant, bioremédiation, stockage de l’énergie, meilleur rendement du transport de l’électricité.

Et ces innovations, ce n’est pas le principe de précaution qui les bloque, c’est le manque de volonté politique et des inféodations aux vieilles technologies comme le diesel. Vous parlez d’innovation, mais vos intentions sont ailleurs….

Pour vous, la perspective de progrès se fonde davantage sur une compétitivité dont les bénéfices ne doivent pas être entravés par la protection de l’environnement et des humains. Votre ambition est de réduire la portée de la jurisprudence pour permettre le développement des OGM, les extractions d’huiles et de gaz de schistes….Qu’importe le sabotage du sous-sol, l’hypothèque des nappes phréatiques, si X ou Y peut encore, avec votre soutien, s’enrichir en compromettant l’avenir de tous.

Depuis 10 ans, le juge applique le principe sans en faire un combat idéologique. Les juridictions françaises font du principe de précaution, et je cite le rapport du Doyen Gélard, « une application mesurée, circonscrite et raisonnable».

Je pense, très sincèrement, que votre proposition de loi constitutionnelle n’est pas opportune. Elle est assurément un message et donne des gages à vos amis de la chimie ou de l’agroalimentaire, mais elle est sans issue. Si elle venait à être adoptée par les deux assemblées, croyez-vous que votre loi serait soumise à référendum?

Les écologistes estiment que le principe de précaution ne doit être considéré que comme un élément moteur d’une innovation au service de l’Homme et des générations futures et de la protection de l’environnement. Les arguments d’atteinte à la compétitivité, la vraie, celle qui se base sur l’intelligence et la performance sans dégâts collatéraux ne sont pas recevables.

Pour ces raisons, les sénatrices et sénateurs écologistes s’opposeront à toute modification de la charte de l’environnement.

Voir l’article sur le site du groupe écologiste au Sénat

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