Cette explication de vote a été prononcée par Éric Alauzet, député du Doubs, membre de la commission des finances de l’Assemblée Nationale
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le collectif budgétaire s’inscrit dans un contexte très particulier, du point de vue économique et politique.
Ce contexte, c’est la situation de nos finances publiques. C’est aussi les verdicts des élections municipales et européennes.
Nos finances publiques continuent de stagner dans le rouge, faute de reprise de l’activité. Ce budget rectificatif prend acte du défaut de recettes fiscales pour un montant important, de 5 milliards. Il propose, pour y remédier, des annulations de crédits. Nous vous avons dit notre stupéfaction et notre colère de voir le budget de l’écologie amputé, ainsi que plusieurs millions du programme d’investissement d’avenir sur l’écologie reportés au profit du budget de la défense.
Monsieur le ministre, on se demande parfois s’il n’y a pas dans votre ministère des gens qui n’apprennent rien, qui ne comprennent rien, des gens qui ne réalisent pas l’enjeu de la transition écologique et énergétique pour relancer notre économie et préparer notre pays.
Car l’asphyxie budgétaire se nourrit de l’asphyxie économique, elle-même conséquence de la ligne d’austérité qui prévaut dans les choix européens.
C’est pourquoi nous avons apporté au débat des propositions pour cibler les interventions financières de l’État : les cibler en faveur de secteurs intensifs en emplois ; les cibler en accompagnant prioritairement la transition écologique de l’économie ; les cibler en conditionnant les mesures en faveur des entreprises. Elles ne porteront leurs fruits que si elles ont pour corollaires un engagement et des assurances quant à leur utilisation. C’est ça, un pacte, monsieur le ministre : c’est du donnant-donnant, du gagnant-gagnant.
Cela étant dit, il nous faut reconnaître que du message adressé par les Français en mars et en mai, quelques leçons ont été tirées.
Ces leçons tiennent en deux points. Votre texte prévoit, dès 2014, un crédit d’impôts pour les personnes dont les revenus sont inférieurs à 1,16 Smic. Il concerne ainsi des foyers qui sont entrés dans l’impôt ou ont vu leurs impôts augmenter alors que leurs revenus étaient restés stables. Cette mesure de justice montre bien que, dans cette période de réduction des déficits et de soutien aux entreprises, on peut protéger les plus modestes, et ceci, chers collègues de la droite, grâce aux recettes nouvelles de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale.
Par ailleurs, nous notons avec satisfaction l’annulation du gel des allocations logement, preuve que de la place doit être laissée au débat parlementaire, afin de garantir l’intérêt des citoyens dans chacune de nos décisions.
Cela va-t-il assez loin ? Nous ne le pensons pas. Et nous ne pouvons que regretter que le Gouvernement n’ait pas soutenu l’amendement commun à certains collègues du groupe SRC et au groupe écologiste, déposé par ma collègue Eva Sas, qui visait à amplifier et à diversifier les dispositifs d’emplois aidés, tels les emplois d’avenir, notamment en direction des jeunes diplômés qu’il est difficilement tolérable de voir rester sur le carreau.
C’est ce double message – l’urgence à accompagner et à protéger les victimes de la crise ainsi que la nécessité de cibler les interventions publiques – que nous avons voulu porter dans nos débats.
Ce message, nous continuerons de le porter dans le cycle budgétaire qui est le nôtre : je pense à la rectification de la loi de financement de la sécurité sociale. Il faudra, là, d’autres réponses du Gouvernement, car les enjeux pour la vie quotidienne des Français sont d’un autre ordre.
Nous vous l’avons dit, monsieur le ministre : nous doutons profondément de la pertinence et de l’efficacité des choix du Gouvernement qui fondent ce projet de loi de finances rectificative. Mais nous ne parions surtout pas sur son échec.
Que chacun fasse preuve d’humilité : osons dire que la gravité de la situation économique a été sous-estimée. Osons dire que les efforts et les délais nécessaires pour sortir des difficultés ont été minimisés. Osons dire que le temps des certitudes est révolu, pour tout le monde.
Pour le Gouvernement, qui doit comprendre que c’est par le débat, par les échanges internes à la majorité, que nous pourrons construire les solutions dont notre pays a besoin.
Pour l’opposition, qui ne peut se contenter d’incantations sur la baisse des dépenses, quand elle n’a jamais été capable, lorsqu’elle était au pouvoir, que de creuser la dette.
Pour les écologistes aussi : nos analyses convergent quant à la nécessité de réorienter profondément notre politique économique et fiscale et le Gouvernement ne nous rassure pas sur les moyens d’y parvenir.
Nous avons, tous, fait le pari de l’action dans la majorité.
La majorité des écologistes votera ce texte. Il est très insuffisant à nos yeux, mais il doit constituer une étape, tant par les pistes qu’il ouvre, notamment en faveur des ménages, que par les convergences qu’il a révélées dans la majorité.
Monsieur le ministre, c’est de votre responsabilité et de celle du Gouvernement de faire vivre cet esprit de responsabilité et de donner un sens au mot « majorité ».