En France, près de 500 000 logements sont considérés comme indignes, ce qui représente environ un million de personnes vivant dans des conditions présentant un risque pour leur santé ou leur sécurité.
La plupart de ces victimes n’osent pas se plaindre : peur des conséquences, peur de ne plus avoir de logement du tout, peur d’un marchand de sommeil menaçant, incapacité à savoir à qui s’adresser… C’est la raison pour laquelle il est indispensable que la puissance publique intervienne pour les protéger.
La lutte contre l’habitat insalubre est une priorité d’action du Gouvernement en matière de politique du logement et comporte un certain nombre d’outils permettant d’inciter les propriétaires bailleurs de bonne foi à réhabiliter leurs logements dégradés. Cette démarche incitative s’accompagne d’un volet coercitif, qui comprend des sanctions pénales à l’encontre des propriétaires négligents, voire indélicats.
Interdire l’achat de biens immobiliers
Qu’ils soient présents dans des copropriétés (où ils achètent souvent plusieurs lots) ou dans le parc individuel (achat de maisons individuelles divisées en appartements, mise en location de locaux impropres à l’habitation comme une cave, des combles, une cabane de jardin), les marchands de sommeil se spécialisent dans l’achat à bas prix de biens locatifs de mauvaise qualité, en leur nom propre ou sous couvert de prête-noms ou de sociétés-écrans auxquelles ils peuvent être associés.
Ils louent ces logements dans des conditions indignes et dégradantes : sur-occupation organisée, division de pavillons, insalubrité compromettant la santé et même la sécurité des locataires, loyers élevés, voire exorbitants, en totale disproportion avec la qualité de l’habitat.
Le Gouvernement veut donner un coup d’arrêt à ces activités. Le projet de loi contient des dispositions qui visent à empêcher les personnes condamnées pour hébergement contraire à la dignité humaine de pouvoir acquérir des biens immobiliers et de les mettre en location.
Une peine sera créée, qui donnera la possibilité au juge de condamner un marchand de sommeil à une interdiction d’achat de biens immobiliers à des fins de location. Cette mesure empêchera une personne physique d’acheter en son nom propre et également via une société dont il serait gérant, associé ou dirigeant (les marchands de sommeil agissant souvent via des sociétés écrans).
Avant de procéder à la signature d’une vente, les notaires formuleront une demande de renseignement aux services du casier judiciaire. La vente sera annulée si l’acheteur est une personne physique condamnée à la peine ci-dessus ou bien une société (société civile immobilière, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, société à responsabilité limitée) dont une personne condamnée à la peine ci-dessus est gérante, associée, dirigeante.
Pour protéger le vendeur, le texte prévoit la nullité de la vente aux torts de l’acquéreur concerné par cette condamnation, ce qui permet au vendeur de conserver le bénéfice du dépôt de garantie versé au moment de la promesse de vente.
Contraindre les propriétaires indélicats à faire des travaux
Les bailleurs qui louent des logements dans des conditions qui compromettent la santé ou la sécurité de leurs occupants peuvent se voir imposer, par les pouvoirs publics, la réalisation de travaux dans un délai déterminé. S’ils ne procèdent pas aux travaux dans le délai imparti, le préfet ou le maire les réalise d’office, aux frais des propriétaires et à l’issue d’une ultime mise en demeure. Cette possibilité que les pouvoirs publics réalisent d’office les travaux prescrits n’incite guère les propriétaires à agir.
Pour permettre un traitement plus rapide des logements déclarés indignes ou insalubres, le projet de loi prévoit la création d’une astreinte journalière à l’encontre des propriétaires bailleurs indélicats, lorsque les travaux prescrits sur des logements insalubres ou indignes n’ont pas été exécutés dans les délais fixés par arrêté.
Cette astreinte sera d’un montant de 200 euros par jour de retard. Une partie du produit de cette astreinte pourra être affectée à l’Agence nationale de l’habitat (Anah), afin de subventionner les propriétaires de bonne foi n’ayant pas les moyens de réhabiliter leur logement. Une autre partie pourra servir à financer des possibilités de relogement des victimes de marchands de sommeil et des personnes vivant dans les logements dégradés et dangereux, cette question étant souvent un frein majeur à la réalisation des travaux.