par Pascal Durand, député européen EELV
Ce mercredi 22 octobre, le Parlement européen a choisi à une très large majorité formée des conservateurs du PPE, des libéraux de l’ALDE et des « progressistes » du S&D, de valider la nouvelle commission Juncker.
Ce vote est d’abord une occasion perdue de faire progresser la démocratie en Europe en renforçant la légitimité du Parlement. Mais au-delà de ce recul, il institutionnalise la dénaturation de l’intérêt général européen au profit d’une logique de défense d’intérêts privés, de partage du pouvoir et de pré carrés.
La triste réalité qui se cache derrière la prétendue « grande coalition » est celle de petits arrangements politiques entre amis qui se traduit, non par des accords transparents, mais par des négociations opaques de couloir, des « je te donne Juncker, mais tu soutiens Schulz » ou « je te laisse Moscovici, tu me laisses Canete… ».
Intervention de Pascal Durand suite au vote de… par EurodeputesEE
A un moment où seul un aveugle ne verrait pas s’effondrer par pans entiers la confiance que les citoyennes et citoyens ont mis dans l’Europe et dans sa classe dirigeante, certains, notamment à gauche, jouent de la duplicité entre les promesses électorales et les votes à Strasbourg. N’ayons pas peur de le dire, en agissant ainsi, ils participent directement au recul de la démocratie, à l’affaiblissement de la parole politique, à la montée de l’abstention, et pire, encore, à celle de l’extrême droite.
Entendons-nous bien, dans un parlement issu de la proportionnelle intégrale, sans majorité effective, il est normal que des majorités d’idées et des recherches de consensus s’établissent. Loin de les condamner, elles constituent même une avancée démocratique en obligeant souvent la prise en compte de positions minoritaires. L’Allemagne illustre régulièrement cette capacité à négocier contractuellement des accords de gouvernements qu’ils soient nationaux ou locaux. Mais ces accords sont transparents, publics et les partis sont conduits à les faire valider par leurs adhérents.
Ici rien de cela, tout est dans le silence et le cynisme. Considérer comme normale, comme le font socialistes et libéraux, la désignation au poste de Commissaire à l’énergie d’un homme qui a de très importants intérêts familiaux dans le pétrole, de surcroît grâce à des montages fiscaux à travers des sociétés écrans, revient à estimer que la question de l’éthique et des conflits d’intérêts est un sujet mineur.
Or ces questions d’éthique, de transparence, d’absence de conflits d’intérêts, d’indépendance à l’égard des lobbies financiers et industriels ne sont pas optionnelles dans une démocratie, elles en sont la condition première. C’est par la prise en compte de l’intérêt général contre les intérêts particuliers, que se forge la noblesse de la politique. Elle permet de redonner du sens, des valeurs, du souffle à la démocratie.
Ayons le courage de le dire, l’Europe se porte bien mal, engluée par l’absence de soutien populaire, les égoïsmes nationaux, le recul de la notion d’intérêt général et les pratiques politiciennes, Mais il est hors de question de laisser le champ libre aux eurosceptiques et aux nationalistes pour dénoncer les fossoyeurs du projet européen Portons haut et fort notre voix de pro-européens lucides et exigeants pour défendre cette Europe démocratique, sociale et écologique que nous portons.