> Tribune publiée dans Liberation le 21 novembre 2012
C’était il y dix ans à peine. Un samedi de printemps, dans la ville de Bègles. Noël Mamère venait de célébrer le premier mariage homosexuel en réponse à l’appel de nombreuses associations. Les écologistes ont alors partagé la fierté qu’un des leurs ait eu le courage de faire acte de désobéissance pour défendre une juste cause. Le Premier ministre de l’époque, Dominique de Villepin, prononça lui-même la sanction envers l’audacieux. Les élus et les maires, qui parlent aujourd’hui d’entrer en dissidence, étaient alors déchaînés au nom de l’ordre républicain outragé. Curieux retournement de l’histoire, ils évoquent aujourd’hui la liberté de conscience pour mieux s’opposer au progrès du droit des individus. Pour moi, les choses sont claires : la liberté de conscience des maires ne peut en rien venir entraver la liberté de vivre selon son cour, l’égalité devant la loi ou la fraternité dans la république. Les maires et les adjoints qui célèbrent les mariages agissent en tant qu’officiers d’état civil. A ce titre, ils ne représentent ni leurs électeurs ni eux-mêmes mais l’Etat, et ils doivent appliquer la loi.
En inscrivant le mariage pour tous à l’ordre du jour du Parlement et en souhaitant accorder le droit à l’adoption aux personnes gays et lesbiennes, le gouvernement engage une évolution majeure. Une telle loi vise ni plus ni moins à sortir du régime de l’arbitraire et de la discrimination pour étendre la sphère de l’égalité des droits. L’histoire offre peu d’occasions de faire avancer de manière décisive les droits des individus. Lorsqu’elle le fait, chacun doit se prononcer en conscience. La gauche, fidèle à sa tradition d’émancipation, vient proposer un nouveau droit. Je suis fière d’appartenir à la majorité qui porte cette réforme : le mariage pour tous et partout. Parce qu’aucune des raisons évoquées contre elle ne tient la route si on l’examine avec rigueur intellectuelle et honnêteté. Tous les arguments sont connus, battus et rebattus depuis moult années. Ceux qui prétendent condamner le mariage pour tous sans condamner l’homosexualité sont incohérents. Ils doivent reconnaître qu’ils défendent au fond le maintien d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, en réservant le mariage aux seuls hétérosexuels. Défendant cette position, ils doivent avoir conscience qu’ils frappent l’homosexualité d’illégitimité. Ils disent à nombre de personnes : «Votre vie est scandaleuse, immorale, choquante, contraire aux bonnes mours.» S’invitant dans la sphère privée de chacun, ils prétendent dessiner dans la sphère publique les frontières de l’égalité, en séparant le bon grain de l’ivraie.
Je milite depuis trop longtemps sur cette question pour ignorer qu’elle rencontre de fortes oppositions. A défaut de les partager, je les tiens pour prévisibles. Les opposants au mariage pour tous ont le droit de faire entendre ce qu’ils pensent être des arguments. Qu’ils se drapent dans les habits de la démocratie bafouée est plus étonnant. Je note, avec consternation devant tant de mauvaise foi, que ce sont parfois les mêmes qui refusent toute idée de référendum sur la sortie du nucléaire mais exigent un référendum sur le mariage pour tous. Comme si le débat n’avait pas eu lieu depuis des années. Comme si cette proposition n’avait pas été au cour de la campagne de partis de gauche qui ont tous défendu cette avancée des droits. Comme si un débat vieux de plus de vingt ans prenait la société par surprise. La vérité est simple : il n’y a ni passage en force ni brusquerie dans le fait d’inscrire un tel texte à l’ordre du jour du Parlement. Il n’y a pas davantage d’atteintes aux cultes, qui justifieraient que les grandes religions se mobilisent contre notre projet. Au contraire, je dis en tranquillité aux croyants : comment pourriez-vous être menacés par un texte qui vise à faire reculer l’injustice ?
Il me faut ajouter une dernière chose, en réponse à ceux qui s’étonnent de voir les gays et les lesbiennes demander les mêmes droits que tout le monde et disent en substance «pourquoi vouloir être comme tout le monde alors que vous êtes différents ?». Je suis hétérosexuelle, je ne l’ai pas choisi, pas plus qu’un homme tombe amoureux d’un homme ou une femme d’une femme, et je suis aussi maman, et la douceur d’une main sur le front d’un petit ou la tendresse avec laquelle on raconte une histoire le soir est la même, que l’on soit homo ou hétéro. A mes yeux, accorder le droit au mariage et à l’adoption pour tous n’est pas une injonction à rentrer dans la norme. C’est en revanche une manière d’affirmer que les personnes homosexuelles n’ont pas à baisser la tête, que leurs unions ne sont pas des unions de seconde zone, que ni leur sexualité ni leurs amours ne sont honteuses, que l’époque où elles devaient vivre cachées est révolue, que le procès en dangerosité pour les enfants qu’elles pourraient élever est terminé. Nous réaffirmons une évidence : les personnes homosexuelles étant égales en dignité, elles doivent l’être en droits. Deux femmes, deux hommes peuvent s’aimer. Deux hommes, deux femmes peuvent élever des enfants. Ce que nos yeux voient, ce que l’esprit comprend, ce que nos cours nous disent, la loi doit le permettre.
7 réflexions au sujet de “(Libération) Cécile Duflot : « Mariage pour tous : égalité et dignité »”
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Le mariage homo ne peut concerner qu’une très infime partie de la population. Déjà qu’on se marie beaucoup moins en général, et de manière le plus souvent inconséquente …
Par contre il est possible que l’impact culturel de cette « avancée » concerne tout le monde.
Il ne peut y avoir d’enfant « b i o l o g i q u e » possible pour un couple d’homosexuel(le)s. La reconnaissance institutionnelle de leur droit à avoir des enfants ne va-t-elle pas banaliser l’existence d’un marché à la parentalité ?
Il y a déjà un marché international de l’adoption . Celui-ci ne va-t-il pas s’en trouver renforcé, étendu, légitimé même ? De même les marchés des mères porteuses, du sperme en banque, et de toute cette médecine nouvelle avide de nouveaux débouchés qui implante des fœtus, féconde en éprouvette, apparie les gènes à sa guise ?
Il n’est pas bon d’écrire que
« Ceux qui prétendent condamner le mariage pour tous sans condamner l’homosexualité sont incohérents. Ils doivent reconnaître qu’ils défendent au fond le maintien d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, en réservant le mariage aux seuls hétérosexuels. Défendant cette position, ils doivent avoir conscience qu’ils frappent l’homosexualité d’illégitimité. »
car c’est se mettre dans la logique partisane trop connue pour laquelle celui qui n’est pas tout pour est tout contre. C’est une logique qui paralyse la réflexion !
Or, il se trouve que la couple homosexuel est, depuis 15 ans, parfaitement légitime en droit français et que cette légitimité ne fait pas problème dans la société (grâce au PACS).
On peut reconnaître l’homosexualité, on peut reconnaître un statut civil aux couples homosexuels, et les droits qui vont avec, et s’interroger sur le sens profond du nouveau pas que constituerait le mariage.
On peut alors y voir une belle avancée de ceux qui planifient la mainmise de la logique de la marchandise sur des réalités pour lesquelles il y a encore de fortes résistances culturelles : celles de la vie, et en son point fondamental : la procréation.
Pourquoi remettre en question et salir le principe même d’adoption ou de procréation assistée lorsqu’il s’agit des homosexuels uniquement. Les couples hétérosexuels ont toujours adopté sans que cela ne choque personne. Au contraire, c’est une chance pour un enfant orphelin. Les femmes hétéro dont le mari est stérile se font inséminer par le sperme d’un donneur et leurs gènes sont donc appariés à ceux d’un homme qui n’est pas leur mari. Personne ne s’en outre, ni ne trouve cela malsain. Il y a pourtant là aussi une histoire de « sperme en banque » que je sache. Jusqu’à présent ça ne pose pas de problème non? Non, là c’est beau…
Par contre, lorsqu’il s’agit d’en faire profiter les couples homosexuels, tout à coup un problème éthique se pose? L’adoption devient un marché sacandaleux et la PMA une dangereuse expérience biomédicale.
Au début de votre raisonnement vous dites « Le mariage homo ne peut concerner qu’une très infime partie de la population ». Certes.
Alors la question de l’adoption ou de la PMA chez les homosexuels devrait tout autant concerner une part infime de la population n’est ce pas? Car tous les homosexuels ne veulent pas d’enfants, tout comme une partie des couples hétérosexuels n’aspirent pas à la parentalité.
En quoi cela risque t-il donc de mettre en danger les fondements de notre société ou d’accoucher d’un effroyable commerce d’enfants?
Le commerce de l’adoption existe déjà, les hétéro ne nous ont pas attendu pour le créer. Les enfants malheureusx, matraités et battus sont déjà légions, les enfants mal élevés aussi, les enfants dont on ne s’occupe pas parce que c’est le 4ème et qu’il n’était pas souhaité… Les hétéro se débrouillent déjà très bien sans nous à ce niveau là. Arrêtez de jouer aux parents hétérosexuels modèles face à la menace des parents homosexuels tordus qui imposeront une enfance malheureuse et névrosée à leur progéniture.
Regardez-vous bon sang!!! Les enfants que nous aurons ne seront jamais le fruit d’un oubli de pilule ou d’une coucherie malheureuse dans les toilettes d’un bar. La venue de l’enfant que nous aurons désiré aura été mûrement réfléchie, pendant des années parfois. Et parce que la France est encore loin d’accepter l’idée d’autoriser la PMA aux couples lesbiens, nous irons encore et toujours en Espagne, Belgique, Danemark, Angleterre…, où nous paieront des sommes astronomiques pour avoir la chance, nous aussi, d’élever un enfants, que nous aimerons et élèverons parfois mieux que vous. Cessez de juger que nous sommes inférieurs à vous, cessez de faire de la psychologie de comptoir, cessez de vous faire tout à coup philosophes et sages sur cette seule question.
Que nous soyons parents ne vous enlèvera rien, que nous soyons mariés ne vous feront pas moins divorcer. Et cessez de nous faire croire que le mariage est une institution sacrée, regardez ce que vous en avez fait. Vous n’avez pas eu besoin de nous, vous vous débrouillez très bien tout seuls pour tout salir.
Ceux qui écrivent » Ceux qui prétendent condamner le mariage pour tous sans condamner l’homosexualité sont incohérents. » font un amalgame entre union et parentalité, comme si être en couple et avoir des enfants étaient deux choses indissociables. Il me semble que depuis les années 70 et les avancées féministes on avait un peu progressé… Refaire le lien entre couple et parentalité est un retour à l’âge de pierre.
Encore une fois Cécile Duflot parle avec beaucoup d’intelligence .
Elle est souvent critiquée ,mais honnêtement je ne comprends absolument pas cet acharnement.
Courage , Mme Duflot, continuez le combat!!!
Merci Cécile !
Merci à Cecile Duflot pour son courage d’avoir participé à la manifestation en faveur du mariage gay du 16 décembre.Quelquefois braver les consignes démontre un vrai courage.Bravo et merci, le gouvernement a besoin de personnes telles que vous.
je vous embrasse car je vous aime.
Braver une interdiction peut valoir la reconnaissance de l’humanité humaine.Vous faites honneur à la classe politique.
Merci et permettez-moi de vous embrasser.