L’horizon s’ouvre pour l’habitat participatif. Le temps des pionniers et de la marginalité est désormais révolu. Grâce à son inscription dans la future loi cadre logement – urbanisme élaborée sous l’égide de Cécile Duflot, l’habitat participatif va enfin pouvoir être à la hauteur de ses ambitions et représenter une troisième voie pour le logement.
Depuis plus de dix ans, de nombreuses initiatives locales émergent partout en France. Une nouvelle manière de vivre ensemble et de fabriquer la ville se développe. Solidarité et partage sont les maitres mots de ces démarches où les habitants se regroupent dans leur diversité, mutualisent leurs ressources et leur projets, imaginent, coproduisent et gèrent leur cadre de vie.
Innovant et expérimental, ce nouveau type d’habitat vise à redonner des marges de manœuvre aux habitants trop souvent déposséder de leur lieu de vie. Ordinairement simples usagers et spectateurs passifs, ils deviennent, grâce à l’habitat participatif, acteurs de leur logement. Ils passent d’un modèle subi à un modèle choisi où leur implication est favorisée à toutes les étapes, de la conception de leur habitat à la vie en commun au sein du quartier.
Qu’il s’agisse des coopératives d’habitants, de l’habitat groupé ou de l’autopromotion, les différentes formes de l’habitat participatif ont toujours eu pour principal objectif la réappropriation citoyenne. Le secteur du logement ne doit pas être réduit au face à face entre promoteurs et élus, il ne peut pas se limiter à une vision comptable et gestionnaire.
La dynamique habitante est essentielle, source de créativité et d’inventivité, elle apporte l’élan nécessaire au renouvellement de politiques sombrant trop souvent dans la facilité de l’immobilisme.
L’habitat participatif s’inscrit également dans une perspective de transformation écologique et sociale de la société.
Dans une période marquée par une hausse excessive des prix de l’immobilier, il réinterroge notre rapport à la production et à la consommation en faisant primer valeur d’usage et propriété collective. Le logement n’est plus considéré comme une simple marchandise, il sort de la logique spéculative pour favoriser d’autres finalités à visée proprement sociale : mixité, relations intergénérationnelles, redynamisation des espaces ruraux ou des quartiers etc.
Projet social, il est aussi économique : la réduction des coûts par la suppression des intermédiaires, la diminution des charges quotidiennes par l’échange de service ou la mutualisation de l’espace font baisser le coût global de la démarche et la rendent abordable aux ménages modestes.
Face aux défis environnementaux, l’habitat participatif prend sa part : choix de matériaux sains, réduction des déchets, rationalisation de l’espace, éco responsabilité des habitants, qualité du bâti, tout est pensé pour faire de la performance écologique une priorité.
Si l’habitat participatif n’a pas la prétention ni les moyens de résoudre la crise du logement, il répond à des attentes citoyennes fortes et traite l’ensemble de ces enjeux de manière transversale. Loin d’être utopique, l’habitat participatif est une réalité que nos voisins étrangers connaissent bien. Près de 15% du parc norvégien est géré par des coopératives, voire même 40% à Olso, la France ne peut plus se caractériser par son retrait et sa frilosité !
Heureusement les temps changent pour l’habitat participatif. Sous l’impulsion d’élus locaux écologistes et sous la pression d’associations d’habitants, les collectivités se sont progressivement penchées vers le secteur. Le réseau national des collectivités s’est crée en 2010. Les différentes initiatives ont également eu une forte médiatisation ces dernières années.
L’habitat participatif a acquis ses lettres de noblesses et gagné en légitimité face aux acteurs publics. Le récent succès des rencontres nationales de Grenoble où plus de 600 personnes se sont réunies, tout comme l’intégration progressive dans les politiques publiques locales en sont la preuve. La généralisation de l’habitat participatif est bien en cours.
Un frein demeure et existe encore, ce secteur souffre de sa non reconnaissance législative.
Si l’institutionnalisation de l’habitat participatif est bien en marche, elle reste ralentie par l’absence de cadre juridique stable et de statut adéquat. Les groupes d’habitants se lançant dans l’aventure doivent mettre en place des procédures complexes et difficiles, utiliser des dispositifs financiers bancales.
Face à cette situation qui limite le plein épanouissement de la démarche et empêche sa démocratisation, en rallongeant notamment les délais et le coût de l’opération, le ministère de l’égalité des territoires a souhaité inscrire l’habitat participatif dans un chapitre de sa future loi cadre logement qui sera déposée au Parlement en automne 2013.
Il s’agit pour le gouvernement d’accompagner la dynamique et de lever les obstacles en simplifiant d’une part les montages juridiques et en sécurisant d’autre part les dispositifs financiers. Le ministère a lancé une vaste démarche de concertation pour recueillir les avis des acteurs du secteur. Plusieurs priorités ont été affichées lors de ces ateliers nationaux qui se sont déroulés tout le long des quatre derniers mois :
– La mise en place d’un statut juridique pour l’autopromotion et la coopérative d’habitants
– La garantie de la pluralité et la diversité de l’habitat participatif, témoins de la richesse des initiatives citoyennes
– Le développement d’une neutralité fiscale des modes d’habitat avec des règles fiscales identiques et la possibilité d’accéder à certains dispositifs d’aides publiques
– La reconfiguration du jeu d’acteur et des modalités du partenariat avec les bailleurs sociaux, le monde bancaire et assurantiel.
Le travail en cours est une étape essentielle pour le plein épanouissement de l’habitat participatif. Son intégration dans la loi cadre logement prouve qu’au-delà des objectifs quantitatifs fixés pour le quinquennat, la question de la pluralité de l’offre nouvelle est également posée. La diversité de la société doit en effet se refléter dans la diversité des modes d’habitat possibles.
3 réflexions au sujet de “L’habitat participatif : une utopie réaliste au service de la transition écologique des territoires”
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour publier un commentaire.
A la lecture de cet article et étant dans un projet d’alter Habitat dans le Gers je me réjouis de savoir que les pouvoirs politiques soutiennent nos démarches juridiques, sociales et financières qui effectivement ne sont pas simples.
Si vous voulez mieux nous connaitre voici notre site http://alter-habitat-lislois.blogspot.fr/
Isabelle
A relayer avec l »ensemble des mouvements de consommateurs
Rappeler l’historicité de ce mouvements (cf habitat Autogéré 1984-86)
Comme beaucoup, je suis naturellement heureuse quela légitimité de l’habitat issu des initiatives individuelles progresse.
J’ai remarqué avec surprise dans cet article que le mot « participatif » voulait recouvrir une large pannel de projets :
… Qu’il s’agisse des coopératives d’habitants, de l’habitat groupé ou de l’autopromotion, les différentes formes de l’habitat participatif ont toujours eu pour principal objectif la réappropriation citoyenne…
C’est la première fois que je vois cela écrit noir sur blanc. En tout cas, il faut bien se mettre d’accord sur ce qui sera admis comme « participatif » et ce qui ne le sera pas car il semble que certaines aides commencent à en dépendre.
Est-ce que pour être « participatif » un projet doit venir d’un groupe conséquent de personnes en recherche de logement qui se regroupent un jour pour tester leur compatibilité ? Si oui, à partir de combien de personnes un groupe est-il légitime ?
Un projet est-il participatif si le groupe de départ s’est fait et défait cinq fois pour qu’enfin une dizaine de personnes plutôt fortunées arrivent à la dernière minute et réussissent à convaincre un banquier grâce à leurs portefeuilles bien garnis ?
Si le projet naît de l’initiative d’une seule personne, il peut aussi être conçu dans un esprit solidaire, d’ailleurs, dans le cas des groupes, je suppose que l’idée est née dans l’esprit d’une personne qui l’a ensuite communiquée à son entourage.
Tout cela pour dire que le mot « participatif » ne me paraît pas le mieux choisi car il est cause d’exclusion. Si ce mot doit être conservé, alors il doit être précisé de façon transparente et systématique sur le papier.
Merci à l’auteur de cet article qui a compris la nécessité de traiter ce problème.
Theryca