Crise sociale, crise écologique, Face à l’urgence, tous ensemble, inventons une alternative
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Jamais, la crise sociale n’avait atteint une telle gravité.
En deux ans, le nombre total de chômeurs a augmenté de plus de 950.000. Le total des hommes et des femmes inscrits à Pôle Emploi (ANPE + UNEDIC) dépasse les 4.450.000 sans compter les 321.000 Dispensés de recherche d’emplois et plus de 250.000 chômeurs dans les DOM.
Qui plus est, les chiffres publiés le 27 avril sur le site du Ministère du Travail contredisent totalement ceux qui commencent à parler d’une « accalmie » sur le front du chômage. Les entrées au Pôle emploi (le nombre de celles et ceux qui tombent au chômage) atteignent un sommet : 501.000 nouveaux chômeurs en mars 2010 contre 499.000 entrées « seulement » il y a un an, en mars 2009, quand tout le monde soulignait la « gravité historique » de la flambée du chômage.
501.000 nouveaux chômeurs en un mois. C’est monstrueux ! Alors d’où vient « l’accalmie » que met en avant Sarkozy ? C’est seulement le nombre des sorties administratives qui flambe : en mars, 490.000 personnes sont sorties des statistiques du chômage (contre 450.000 sorties en mars 2009).
Et sur ces 490.000 hommes ou femmes qui sortent des statistiques, 19 % seulement reprennent un emploi.
En ne regardant que le solde (les entrées moins les sorties), on peut croire que le chômage se stabilise. Mais, en réalité, le nombre d’hommes et de femmes qui perdent leur travail n’a jamais été aussi important et moins de 20 % de ceux qui « sortent du chômage » retrouvent un emploi (bon emploi ou emploi précaire) ! La majorité des sortants sont en fin de droits : ils ne vont plus toucher que le RMI-RSA ou l’ASS ou rien du tout…
A un tel niveau, le chômage et la précarité ne concernent pas seulement les chômeurs, les précaires et leurs familles mais concerne bien l’ensemble des salariés. Dans beaucoup d’entreprises, la peur du chômage déséquilibre complètement la négociation sur les salaires. Quand il y a des millions de chômeurs et de précaires, quel(le) salarié(e) est en situation d’exiger et d’obtenir une augmentation ? Dans beaucoup d’entreprises, la négociation sur les salaires se résume à « Si tu n’es pas content, va voir ailleurs. ».
« Si tu n’es pas content, va voir ailleurs ! »
Voilà pourquoi, dans tous nos pays, la part des salaires dans le PIB n’a pas cessé de diminuer depuis 30 ans. Dans les 15 pays les plus riches de l’OCDE, ce qui allait aux salaires (et aux cotisations) représentait 67 % de la richesse nationale en 1980 mais ne représente plus que 57 % aujourd’hui !
Nul ne peut contester la nécessité d’une réforme des retraites : si l’on ne fait rien, il y aura un déficit de l’ordre de 1 % du wPIB en 2020. C’est indiscutable. Mais depuis 30 ans, à cause du chômage, la part des salaires et des cotisations a baissé de 10 %. Dix fois plus que le déficit annoncé. Si on luttait radicalement contre le chômage et la précarité, on pourrait rééquilibrer la négociation sur les salaires et le financement des retraites serait nettement plus facile. Pour toutes ces raisons, on ne pourra pas sauver les retraites si on ne s’attaque pas radicalement au chômage.
D’après l’Insee, 12 % des salarié(e)s sont en dessous du SMIC. Le nombre des chômeurs et des précaires explose, des millions de salariés ont peur pour leur avenir, tous les élus de banlieues disent que la situation devient explosive… Mais le gouvernement ne fait rien ou si peu !
Hélas, 69 % des Français pensent que « contre le chômage, la gauche ne ferait pas mieux ». Voilà qui explique sans doute une bonne part de l’abstention du premier tour des régionales. Plus de 50 % d’abstention, c’est colossal. Et parmi celles et ceux qui vont voter, combien vont au bureau de vote « comme un athée va à la messe, pour faire plaisir à sa belle-mère » ? Combien vont voter par habitude, mais ont de vrais doutes sur la capacité des élus à nous sortir de la crise ?
Nous ne pouvons pas nous résigner à un tel niveau de précarité. Nous ne pouvons pas accepter que des millions d’hommes, de femmes et d’enfants vivent en permanence avec, au ventre, la peur du lendemain. Il est urgent, il est vital de nous mettre au travail pour apporter des réponses concrètes à la crise sociale.
De même, il est urgent, il est vital d’apporter des réponses concrètes à la crise climatique et à la crise énergétique. La production de gaz à effet de serre atteint un niveau intolérable et toutes les études scientifiques montrent que le dérèglement climatique est plus rapide et qu’il va avoir des conséquences plus graves qu’on ne le pensait il y a cinq ou dix ans.
La décennie 2000-2009 fut la décennie la plus chaude depuis qu’existent des relevés de température. Comme l’avait été auparavant la décennie 1990-1999, et comme l’avait été avant la décennie 1980-1989…
Il n’y a hélas aucun doute sur la gravité du dérèglement climatique et sur la gravité des conséquences qu’il a (et aura de plus en plus) sur la vie quotidienne de centaines de millions d’hommes et de femmes.
Le dérèglement climatique n’est pas la seule raison qui nous oblige à diminuer de façon drastique notre consommation d’énergie : la direction des études d’EDF confirme aujourd’hui ce que disent les écologistes depuis plus de trente ans : « On va arriver bientôt sur un plateau de production de pétrole et on connaîtra un déclin de la production mondiale de pétrole autour de 2020.» (Le Monde 22 octobre 2007)
Pour toutes ces raisons, il est urgent de construire, de façon très concrète, un nouveau modèle de développement qui permette de répondre, en même temps, à la crise écologique et à la crise sociale.
Vu la gravité de la situation, vu la complexité du monde qui nous entoure, aucune organisation ne peut, à elle seule, prétendre trouver les solutions. C’est par le débat, le dialogue serein et approfondi, que nous pouvons construire ensemble un nouveau modèle de développement.
Au Danemark comme au Pays-Bas, au début des années 80, les partenaires sociaux et les politiques ont été capables de travailler ensemble pendant plusieurs mois jusqu’à construire un nouveau contrat social. Les Accords de Wassenaar ont permis de diviser par 2 le chômage et de diviser par 3 la précarité, tout en améliorant la compétitivité (et la balance commerciale) du pays.
En France, ce genre de dialogue de longue durée et de grande qualité, n’a encore jamais eu lieu. Mais vu la gravité de la situation, nous pensons que toutes nos organisations doivent accepter de sortir des sentiers battus. Ensemble, nous devons tout faire pour être à la hauteur des enjeux.
Voilà pourquoi, nous vous proposons de prendre 5 ou 6 mois pour débattre entre nous, de façon sereine et approfondie, en mettant tout sur la table : nos points d’accord, nos points de désaccord, nos doutes et nos propositions. Nous vous invitons à engager ce travail collectif avec comme seul objectif de construire un nouveau modèle de développement qui permettra, en quelques années, de diviser par deux le chômage et diviser par deux la production de gaz à effet de serre.
Eva JOLY, députée européenne
Pierre LARROUTUROU, tête de liste Europe Ecologie 92
Marie BLANDIN, Sénatrice du Nord