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Le bilan de la majorité gouvernementale, par Lucile Schmid

Par Lucile Schmid, vice présidente de la Fondation pour l’écologie politique

Quel bilan de la participation à la majorité gouvernementale pour les écologistes à l’été 2013?

Plus d’un an s’est écoulé depuis la victoire de François Hollande, la constitution du gouvernement de JM Ayrault auquel participent deux ministres écologistes, et les élections législatives (un groupe de députés écologistes s’est ajouté au groupe du Sénat).  Cette séquence avait été préfigurée, il y a plus de deux ans, par des discussions entre socialistes et écologistes et un accord programmatique et électoral en novembre 2011.

Le bilan de la participation d’EELV à la majorité doit s’inscrire dans une perspective – depuis 2011 et en se situant par rapport à la mandature 2012-2017-, et reposer sur des critères d’évaluation précis (accès aux responsabilités, action gouvernementale, progression du projet porté par les écologistes). L’objectif est en effet d’en tirer des propositions d’action politique.

1) Un accès des écologistes aux responsabilités en demi teinte qui joue sur des ambiguïtés

La présence de deux ministres écologistes au gouvernement a eu des conséquences contradictoires.

Elle a renforcé l’image de sérieux et de compétence des écologistes, sur des questions complexes (logement et développement). Cécile Duflot et Pascal Canfin tiennent toute leur place. La position d’ancienne secrétaire nationale d’EELV de Cécile Duflot lui permet d’avoir une expression plus large que celle de son portefeuille ministériel. La ministre du logement est responsable d’un ministère important qui permet de faire le lien entre question sociale et écologie. Il reste que la discipline gouvernementale, risque d’être entendue de plus en plus strictement après les départs de Jérôme Cahuzac et Delphine Batho, et l’expression des ministres moins libre encore.

Avoir deux ministres sur un gouvernement qui en compte 37, place les écologistes dans une situation paradoxale. Leur partenariat avec les socialistes n’est pas paritaire; les discussions qui avaient eu lieu dans le cadre de l’accord EELV-PS n’ont eu aucune traduction dans la mécanique gouvernementale; il n’y a pas de collégialité entre écologistes et socialistes.

Et ce n’est pas un écologiste qui occupe le poste de ministre de l’écologie.  N’est-ce pas d’ailleurs le signe de la volonté commune des deux partenaires de ne pas avoir éclairci la place que prend l’écologie dans le projet gouvernemental? Le départ successif de deux ministres de l’écologie a mis en évidence que les sujets écologiques et les choix qui s’y attachent étaient source de difficultés et de conflit. Nicole Bricq et Delphine Batho n’appartenaient pas à EELV mais si elles en avaient été membres, qu’en aurait-il été de la participation des écologistes au gouvernement?

Dans les assemblées, la position charnière du groupe écologiste au Sénat a permis des initiatives emblématiques ( loi sur les lanceurs d’alerte) et des positions fortes. Il est plus difficile de se faire entendre à l’Assemblée nationale où les socialistes ont  la majorité absolue (avec une érosion dûe aux élections partielles). Les écologistes n’ont pas eu la présidence de la commission du développement durable occupée par un socialiste Jean-Paul Chanteguet. Ils ont su prendre leurs distances avec certaines positions gouvernementales (enseignement supérieur, ANI, TSCG..), faire passer certains amendements mais leur visibilité doit encore se construire.

2) Action gouvernementale: de nombreuses difficultés, des engagements à préciser, quelle vision de long terme?

La transition énergétique, grand sujet écologique du début de mandat de François Hollande, a du plomb dans l’aile. Le débat ne s’est jamais vraiment noué entre  les ONG d’un côté, les syndicats et le MEDEF de l’autre, et les recommandations ont dû devenir « synthèse » pour préserver un consensus de façade. L’association des citoyens, et la transcription de ce débat dans des termes compréhensibles par tous n’ont pas eu lieu.  Les questions de la représentativité des participants, le contenu même des propositions n’ont pas trouvé d’issue positive.

Sur plusieurs autres dossiers les preuves restent à faire:

– la rénovation énergétique des logements est clairement identifiée comme un sujet important de l’action gouvernementale. Reste à en évaluer l’impact réel et à mieux en contrôler l’application.

– la question de la fiscalité écologique pourrait être relancée avec la réduction de l’avantage fiscal du diesel sur l’essence et l’introduction d’une taxe carbone sur l’énergie. Les arbitrages n’ont pas été faits et seront difficiles.

-la présentation d’une loi cadre sur la biodiversité (la première depuis 1976) et la création d’une Agence  peuvent être également l’occasion d’engagements sur ces sujets. Reste à en définir le budget et la gouvernance;

– l’affichage « vert » des investissements d’avenir (2,3 mds d’euros)  n’a pas convaincu à ce stade.

Il y a incontestablement des gestes mais la volonté politique et le projet qui les sous-tendent demandent à être précisés. Si la France veut accueillir la grande conférence sur le climat en 2015, elle devra mieux préciser son engagement.

De manière plus générale, l’articulation entre les dossiers sociaux, les priorités économiques et les questions écologiques est très loin de fonctionner. Les préoccupations de réduction du déficit budgétaire à court terme, les difficultés à imaginer des mécanismes de conversion et de formation professionnelle sur le moyen terme alors que le gouvernement est d’abord  évalué sur la lutte contre le chômage au quotidien, l’absence de vision globale sur la feuille de route opérationnelle que nécessiterait la transition écologique sont autant de difficultés.

3) Où est passée la culture commune des écologistes et des socialistes?

L’une des déceptions principales de cette première année d’exercice du pouvoir par la nouvelle majorité est le renoncement à certaines des valeurs et des mesures qui avaient été au coeur de la démarche des groupes de travail communs à EELV et au parti socialiste en 2011? ou de manière plus lointaine, lors de l’épisode de la gauche plurielle en 1997-2002.

La réduction du temps de travail et le partage de l’emploi, la place donnée aux droits de étrangers, une politique de santé pour tous, une politique de l’éducation ambitieuse restaurant les conditions d’une meilleure égalité de l’enseignement élémentaire à l’université, une refondation du projet européen, sans parler des dossiers évoqués précédemment, l’énumération des sujets sur lesquels le renoncement l’emporte aujourd’hui sur l’action au sein du gouvernement est longue.

La question posée est bien celle de la possibilité de définir et de mettre en oeuvre une culture commune aux socialistes et aux écologistes. Dans sa pratique du pouvoir et sa hiérachie de priorités, le gouvernement actuel semble exclure la possibilité même de cette culture commune faute d’ambition et de projet, mais aussi en donnant en permanence la priorité à une culture de gestion qui rend parfois difficile la différenciation avec la majorité de droite.

4) Quelques propositions

a) la recherche d’un meilleur équilibre entre écologistes et socialistes au sein du gouvernement et le respect de règles de collégialité, l’augmentation du nombre de ministres écologistes lorsqu’un remaniement le permettra;

b)  une réflexion sur l’articulation entre le ministère de l’écologie, le ministère du redressement productif, le ministère de l’économie de manière à développer une approche commune de certains dossiers;

c) un budget du ministère de l’écologie maintenu à son niveau actuel;

d) au sein du parti EELV: mise en place d’un tableau de bord des engagements du gouvernement, des mesures mises en oeuvre et comparaison avec les propositions du projet écologiste. Cette procédure devrait permettre au Conseil fédéral d’EELV de faire un point semestriel sur la participation à la majorité.

e) Suivi particulier des dossiers des investissements d’avenir, du débat sur la transition énergétique, de la politique européenne (et tout dossier dont l’actualité le justifie) et position commune du parti et de ses principaux élus exprimée collectivement à l’occasion d’une conférence de presse mensuelle. La communication de positions de fond présentées collectivement, à des dates régulières, en faisant le point de l’avancement des dossiers permet de gérer l’agenda de la participation à la majorité sans le subir. C’est une procédure utilisée dans les pays ayant une tradition parlementaire et de gouvernement de coalition.

 

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