Tribune parue dans La Croix et co-signée avec Kristalina Georgieva, Commissaire européenne à la coopération internationale, l’aide humanitaire et réaction aux crises
L’intervention en Centrafrique, autorisée par le conseil de sécurité des Nations-Unies et mise en œuvre par l’Union africaine avec l’appui de la France, a permis d’éviter le pire. Depuis l’été 2013, les violences interconfessionnelles, jusque-là inconnues en Centrafrique, n’avaient fait qu’empirer. La veille de l’intervention militaire près de 300 personnes avaient perdu la vie en quelques heures à Bangui. Même si la situation sécuritaire reste fragile et volatile, le début du désarmement des combattants contribuera au rétablissement de la sécurité. Mais la crise politique et sécuritaire provoque une crise humanitaire dramatique qui touche la Centrafrique depuis plusieurs mois.
Aujourd’hui, pour fuir la violence, un habitant de Bangui sur deux a abandonné son domicile et se trouve sans ressources. Les écoles sont fermées depuis de nombreux mois, les malades n’ont plus accès à leur traitement. LaCentrafrique pourrait être, pour la première fois de son histoire, victime d’une crise alimentaire majeure, la violence et la peur ayant fortement déstabilisé la production agricole. D’ores et déjà, près d’un million et demi de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire. Sur le plan administratif et financier, le pays est exsangue, les fonctionnaires ne sont plus payés et les services publics de base ne sont plus assurés depuis un an. Les Nations-Unies ont ainsi rehaussé cette crise humanitaire, la plus grave qu’ait jamais connue ce pays, au niveau le plus élevé des urgences, à l’image de la Syrie, ou des Philippines après le passage du typhon Haiyan. Cette catastrophe humanitaire appelle une réaction forte et coordonnée de la communauté internationale.
Une grande réunion de mobilisation de l’ensemble de la communauté humanitaire, ONG, Nations Unies et donateurs se tiendra à Bruxelles aujourd’hui le 20 janvier. La France et l’Union européenne sont pleinement mobilisées, aux côtés de l’ONU, comme elles le furent pour le Mali, afin que cette conférence donne à la communauté internationale les moyens d’agir dans les 12 à 24 prochains mois.
Cette mobilisation, qui se poursuivra le 1er février dans le cadre du sommet de l’Union africaine en Ethiopie, est indispensable pour répondre aux besoins vitaux des populations : assistance alimentaire, accès à l’eau et à l’assainissement, soins, protection des déplacés et des réfugiés, avec une attention particulière en direction des enfants-soldats qui ont été enrôlés dans les récents combats et qui doivent pouvoir dès que possible retrouver une vie normale auprès de leurs familles. Il s’agit également de remettre en route les services publics de santé et d’éducation, et plus généralement les services sociaux de base qui fonctionnaient avant la crise; et de fournir les semences qui permettront de réussir la prochaine saison agricole, qui démarrera en mars prochain.
La réunion du 20 janvier doit être à la hauteur de l’enjeu. C’est le signal que nous devons ensemble envoyer aux habitants de Centrafrique. Car la réponse humanitaire est l’expression de la solidarité internationale envers le peuple de Centrafrique, une solidarité qui doit également se manifester dans la poursuite des efforts de stabilisation du pays. Sans sécurité, il n’y a pas de développement possible. Mais sans développement, il n’y a pas de sécurité dans la durée. La communauté internationale se doit de ne pas manquer ce rendez-vous.
Pascal Canfin, Ministre délégué chargé du développement
Kristalina Georgieva, Commissaire européenne chargée de la coopération internationale, de l’aide humanitaire et de la réaction aux crises
photo : fbouf_2000 cc