Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je tiens à dire à Mme Procaccia qu’elle n’a pas le monopole de l’empathie avec les usagers coincés à l’aéroport.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Nous avons tous été sensibles aux images diffusées à la télévision. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mais, à la différence de vous, mes chers collègues, on garde la tête froide pour voir ce qu’on peut faire. (Protestations sur les travées de l’UMP.
Tentons d’analyser votre démarche.
Cette proposition de loi procède non seulement d’une volonté d’affichage politique, mais elle est aussi marquée par le non-dit. Certes, elle a été déposée en novembre, mais c’est après la grève des agents de sécurité, et non des pilotes, de plusieurs aéroports, qui avait perturbé le trafic aérien pendant les vacances de Noël qu’elle a été mise à jour.
Soyons clairs : nous sommes tous pour le droit à l’information et pour que les usagers ne soient pas bloqués dans les aéroports ! (Exclamations sur les travées de l’UMP)
Cette proposition de loi est arrivée à point nommé, c’est-à-dire au moment où tout le monde était ému par cette situation. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ce gouvernement fait des lois médiatiques.
Dès qu’un événement se produit dans la société, il fait une loi ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Voilà pour l’affichage politique ! Venons-en au non-dit.
Monsieur le ministre, vous avez parlé du droit des usagers à circuler librement… … et aussi du respect du droit de grève. Il faudrait donc pouvoir faire grève, mais sans que cela ne gêne personne… (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Comme vous n’osez pas dire que vous voulez porter atteinte au droit de grève, vous trouvez des formules et des moyens pour le limiter.
Madame Procaccia, votre discours était quand même sensationnel à cet égard ! (Marques d’ironie et applaudissements sur les travées de l’UMP)
Vous accusez, comme toujours, les grévistes d’être responsables de tout. Or le dialogue social doit se faire à deux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Une grève résulte d’un conflit entre le patronat et les salariés. À quel moment avez-vous fait porter une responsabilité, même minime, sur les patrons, dans cette affaire ? Dans votre logique antisociale, vous souhaitez obliger les salariés à se déclarer individuellement grévistes quarante-huit heures avant le début de la grève,…puis à ne reprendre le travail que vingt-quatre heures après l’avoir décidé. Vous semblez ignorer que, lorsqu’on est en grève, on souhaite que le dialogue social aboutisse : on discute, on fait des concessions.
Pour vous, tout cela ne sert à rien : même en cas d’accord, les salariés doivent rester grévistes et ne pas être payés. Belle conception du dialogue social !
En interdisant à chaque salarié de se rétracter moins de vingt-quatre heures avant le début de la grève, sous peine de sanction, vous faites peu de cas du dialogue social. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vous parlez d’un dispositif de dialogue social préventif, mais vous durcissez les possibilités de se mettre en grève ou de la terminer rapidement lorsqu’elle est engagée.
Cette proposition de loi tend à mettre en œuvre une réforme aux dépens des seuls salariés, puisque aucune sanction n’est envisagée pour le patron qui n’aurait pas négocié. Cette réforme se fera aussi aux dépens des usagers puisqu’elle rend difficile la reprise du travail.
Vous parlez de dialogue social, mais vous n’avez même pas pris la peine de consulter les partenaires sociaux avant de proposer cette réforme.Il aurait pourtant été intéressant que les premiers concernés donnent leur avis.Pis, en appelant à la « sauvegarde de l’ordre public » au nom de la protection de la santé et de la sécurité des personnes, la droite fait un amalgame dangereux en considérant les mouvements sociaux de personnels comme des troubles à l’ordre public.
Je trouve cette assertion incompatible avec nos principes républicains.
La grève est un droit civique, un droit salarial. Les grévistes qui contestent une réforme ou un plan de licenciement ne sont pas des terroristes. La droite, qui a tendance à les désigner comme des preneurs d’otages, l’oublie souvent.Dans cette affaire, le manque de dialogue social vient non pas des salariés, mais bien de la direction.
Monsieur le ministre, un préavis de grève avait été déposé le 8 décembre, mais le patronat n’ayant pas engagé de négociations, la grève a bien sûr débuté quelques jours plus tard, en pleine période de vacances scolaires. Mais le patron n’a donné aucun signe !
Éric Diard, auteur de la proposition de loi, reconnaît même ne pas être sûr que les employeurs aient mis tous les moyens sur la table pour négocier. Pourtant, le Gouvernement s’est mobilisé, notamment sur le terrain médiatique, pour opposer les usagers des transports aériens aux grévistes.
Afin de garantir la continuité du service, les salariés ont été remplacés par les forces de l’ordre. Mais qu’a fait alors le Gouvernement pour améliorer le dialogue social ?
Qu’apporte aujourd’hui cette proposition de loi en termes de dialogue social ? Rien, ou plutôt si : elle contribue à déséquilibrer le rapport entre salariés et patrons, toujours au profit de ces derniers !
Vous avez dit, monsieur le ministre, que ces grèves à répétition mettaient à mal l’entreprise.Mais à qui la faute ? Croyez-vous qu’une entreprise se réduise à ses seuls patrons ? Les salariés ne la représentent-ils pas tout autant ? Eux aussi ont envie qu’elle fonctionne, car elle appartient à tout le monde !
Vous vous trompez de priorité. La vraie urgence, c’est de s’attaquer aux raisons des grèves, à ce qui les fait naître : la précarité et les mauvaises conditions de travail. Croyez-vous vraiment que les salariés font grève par plaisir ? Personne n’est heureux de se priver d’une partie de son salaire !
Les grèves permettent aux salariés de défendre leurs droits et leurs conditions de travail. Ceux qui ont lutté en décembre dernier, auxquels la droite veut aujourd’hui restreindre le droit de grève, subissent de plein fouet la libéralisation du secteur aéroportuaire, désormais à la pointe de la flexibilisation, avec un recours important à la sous-traitance et à l’intérim.
À l’aéroport de Roissy, 37 % des agents de sûreté sont à temps partiel, avec des conditions de travail difficiles, de faibles salaires. Le turn-over y est de 17 %. Il est donc normal que les gens se battent.
Mme Procaccia devrait pleurer un peu plus sur la situation de ceux qui gagnent 1 300 euros par mois !
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, puisque nous disons oui au droit à l’information des usagers, oui au dialogue social, oui au combat des salariés pour l’amélioration de leurs conditions de travail, nous disons non à cette proposition de loi, qui vise à leur interdire le combat pour la dignité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)