Interview d’Eva Joly, députée sortante et candidate Europe Ecologie en Ile-de-France sur la liste menée par Pascal Durand.
Dans une semaine, les Français doivent choisir leurs députés européens alors que l’Europe a mauvaise presse. Comment faire pour les convaincre d’y croire ?
En défendant pied à pied nos convictions européennes. En démontant les mensonges des ennemis de l’Europe qui l’accusent de tous les maux. Mais aussi en comprenant que l’austérité tue l’Europe. Je compare souvent l’Europe à une tortue : elle avance, mais sa grande lenteur nous rend vulnérable face aux populistes. Et les peuples, qui souffrent de la violence de la crise, se détournent de l’Europe au moment même ou nous en avons plus que jamais besoin. Alors, ceux qui claironnent à Paris qu’ils sont contre l’austérité alors qu’ils la votent en catimini à Bruxelles doivent sortir du double jeu. Les pros européens sincères doivent réellement se battre pour réorienter la politique économique menée en Europe. Les beaux discours sur l’Europe qui protège ne valent rien sans les actes.
Que dites-vous aux Français tentés par le vote nationaliste ?
Qu’ils se trompent de colère. L’histoire nous apprend une chose: le nationalisme, c’est la guerre. Regardez ce qui se joue en Ukraine, à nos portes. Nous avons besoin d’Europe. Mais d’une Europe au service des citoyens, pas des multinationales. Il faut donc continuer à la construire, et pas la détruire au seul profit de ceux qui rêvent d’une Europe faible pour mieux la dominer économiquement. Le seul parti qui s’engage dans le vrai combat, c’est le nôtre, parce que nous défendons les fondamentaux, raison pour laquelle, par exemple, nous nous opposons au calamiteux traité transatlantique.
Quel est votre principal cheval de bataille ?
Ma priorité est d’aider l’Europe à retrouver les 1000 milliards d’euros qui chaque année lui sont volés via l’évasion fiscale. Il s’agit d’un programme politique en soi, anti-écologique et anti-social.
Depuis cinq ans au Parlement européen nous avons toute notre énergie à mettre cette question sur l’agenda politique. Et avec l’ensemble des écologistes européens, nous avons obtenu des victoires telles que le plafonnement des bonus des traders ou transparence sur les activités bancaire.
Mais je ne suis pas naïve. Si aujourd’hui la lutte contre les paradis fiscaux est devenu un refrain politique récurant, l’essentiel reste à faire tant les blocages sont nombreux. Concernant l’évasion fiscale, nous avons réussi à convaincre nos collègues parlementaires de l’urgence de la bataille. Le problème, ce sont les chefs d’états qui dans les couloirs du Conseil détricotent ce qu’ils ont promis chez eux.
Pourquoi pensez vous que les écologistes sont les meilleurs pour mener cette bataille ?
Je n’oublie pas que trop souvent, nous nous sommes battus seuls. La montée des extrêmes, cette histoire devant laquelle les médias se délectent au détriment du débat d’idée, ne doit pas faire oublier l’essentiel. Dans le marasme économique et social que nous traversons, la responsabilité des conservateurs et libéraux au pouvoir depuis 10 ans est lourde. Aujourd’hui, ce sont les même, UMP compris, qui ont pour candidat l’ancien premier ministre d’un paradis fiscal européen. La mise en garde est claire : la finance ne laissera pas faire sans mener bataille.
Mais face à l’adversaire, les défections ont été trop nombreuses dans la camp progressiste. Les socialistes, tétanisés à l’idée de déplaire aux marchés, ont facilement abandonné la bataille quand il était parfois possible de faire progresser l’Europe vers plus de solidarité et d’écologie.