Chers membres du Comité National Olympique et Sportif Français,
J’ai répondu avec attention et précision aux douze points du questionnaire que vous m’avez adressé. Au nom de l’égalité entre les femmes et les hommes que nous défendons ardemment au sein de notre formation Europe Ecologie les Verts, je souhaiterais ajouter un 13ème point indispensable à prendre en compte car il est transversal à l’ensemble des points.
A EELV nous menons une politique d’égalité femmes-hommes volontariste et c’est ainsi que nous avons aujourd’hui une représentation paritaire dans nos instances internes, au Sénat et bientôt à l’Assemblée Nationale.
C’est cette même politique volontariste que nous souhaitons mener dans le sport.
Vous le savez peut-être, j’ai assisté le 25 mars dernier à la rencontre entre les équipes de football féminin du PSG et de Juvisy, respectivement 4è et 2è du classement de D1. Le football féminin est loin de jouir du même statut que son équivalent masculin, et est déprécié malgré le palmarès de l’équipe nationale. Les joueuses, quand elles ont la chance d’être professionnelles, y sont payées jusqu’à 233 fois moins que leurs homologues masculins – même si les salaires des joueurs ne sont pas des référents réalistes – et elles rencontrent de grandes difficultés à évoluer sur de grands stades ou à être médiatisées.
J’ai souhaité à travers cette démarche apporter mon soutien à l’ensemble du sport féminin, qu’il soit professionnel ou amateur.
Les Jeux Olympiques modernes (1896) conçus par Pierre de Coubertin avaient exclu la participation des femmes, en dehors de quelques disciplines considérées comme accessoires (golf, tennis, yachting …). Grâce notamment à l’obstination d’Alice Milliat, nageuse, rameuse et dirigeante sportive hors pair, les femmes furent enfin admises à concourir en athlétisme en 1928. Depuis, une longue bataille a été engagée pour voir augmenter à la fois le nombre des participantes (29 % du total en 1992 à Barcelone, 42 % en 2008 à Pékin) et le nombre de sports ouverts aux femmes aux JO. A Londres, prochainement, un nouveau verrou sautera avec l’admission de la boxe féminine.
Ces chiffres globaux, même s’ils représentent un progrès, masquent cependant la persistance des inégalités. Par exemple, aux JO de Pékin en 2008, le nombre d’athlètes masculins était supérieur de 1704 à celui des athlètes féminines et 165 médailles ont été remises aux hommes contre 127 aux femmes.
Pour ce qui est des pratiques sportives en France, en 2010, une enquête de l’INSEP démontrait la persistance des inégalités. Les hommes se déclarent un peu plus souvent pratiquants (91%) que les femmes (87 %). En moyenne, les hommes pratiquent de manière plus intensive : 46 % d’entre eux ont une pratique sportive pus d’une fois par semaine, tandis que cette proportion est de 40 % chez les femmes.
La différence la plus marquée concerne le niveau de participation à des compétitions ou manifestations sportives : un peu plus d’un homme sur quatre participe à de tels évènements, alors que l’on compte seulement une
femme sur dix.
Le droit à la pratique sportive est constitutif des grands combats féministes dans le passé, car il participe du droit fondamental des femmes à disposer de leur corps.
Le sport reste également un outil de reproduction et d’assignation sociale du masculin et du féminin et demeure un lieu de domination masculine. Nous devons à ce titre mettre fin aux stéréotypes de genre qui qualifient certains sports ou attitudes de masculinE ou de fémininE.
Je propose donc que des mesures soient prises à tous les niveaux, instances, clubs, médias, pour valoriser le sport féminin dans toutes les catégories sportives, et pour lutter contre les stéréotypes de genre, qu’il s’agisse de sport professionnel ou amateur.
Pour mener à bien cette évolution, je conditionnerai les partenariats avec les pouvoirs publics si les questions de mixité, de féminisation du sport, et de lutte contre les stéréotypes de genre ne sont pas posées et j’instaurerai des quotas vers la nomination de femmes à parité dans toutes les instances sportives dans des délais raisonnablement courts.
Je vous prie d’accepter, Mesdames, et Messieurs, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Eva Joly