Projet de motion d’orientation EELV-2011
« Qu’est-ce qui peut servir de boussole ? L’anticipation de la menace elle-même ! C’est seulement dans les premières lueurs de son orage qui nous vient du futur, dans l’aurore de son ampleur planétaire et dans la profondeur de ses enjeux humains, que peuvent être découverts les principes éthiques, desquels se laissent déduire les nouvelles obligations correspondant au pouvoir nouveau ».
Hans Jonas, Le principe responsabilité
Du monde : menaces et espoir
La menace que pressentaient Jonas et les écologistes il y a trente ans est devenue catastrophe écologique et sociale aujourd’hui : dérèglement climatique, crise énergétique, réduction de la biodiversité, pollutions multiformes, congestion urbaine, aggravation des inégalités, déchirement des liens sociaux et générationnels, mal être individuel, nouvelles formes de pathologies et hausse continue des maladies chroniques, auxquels s’ajoute la pire crise financière, économique et sociale depuis celle des années 30.
La planète se meurt, la vie humaine s’abîme.
L’histoire s’accélère dans l’ambiguïté : La catastrophe de Fukushima ne cesse de nous inquiéter, mais l’émancipation incertaine et douloureuse des peuples arabes ravive notre espérance ; le sarkozysme s’enfonce dans l’impasse droitière au profit du FN, mais l’opposition gagne les élections européennes, régionales et cantonales ; la récession mondiale s’annonce pour bientôt, mais le mouvement social invente mille autres façons de vivre.
L’aspiration du peuple à l’émancipation relance notre espoir.
Du projet écologiste : une société de sobriété et de solidarité
Face à cette situation, les mesurettes réformistes sont insuffisantes. C’est une nouvelle civilisation qu’il nous faut inventer. Telle est la responsabilité des écologistes.
Notre orientation politique en une phrase ? La fin de la croissance nous presse d’imaginer et de mettre en oeuvre la décroissance équitable de l’empreinte écologique. Celle-ci sera fondée sur la sobriété et la solidarité afin d’amortir le choc dans les meilleures conditions.
Six dimensions peuvent structurer le devenir d’une société de sobriété et de solidarité : l’autosuffisance locale et régionale, la décentralisation géographique des pouvoirs, la relocalisation économique par la vérité des coûts environnementaux et sociaux, la coordination démocratique et des garanties vitales pour tous.
1. L’autosuffisance concerne l’indépendance économique, au sens physique de « produire ce que l’on consomme ». Les premiers secteurs organisés pour l’autosuffisance régionale devront être l’agriculture et l’alimentation, l’énergie et les transports.
2. Une France fédérale dans une Europe fédérale : cela se traduira par une forte décentralisation des pouvoirs. C’est une première étape vers une sixième République qui nécessitera une réforme en profondeur de nos institutions : instaurer une proportionnelle « à l’allemande », renforcer la démocratie parlementaire et participative, …
3. La relocalisation économique sera débattue et organisée par l?introduction progressive de tarifs, de quotas et d’incitations. Ce système est destiné à garantir à l’échelon territorial le maximum de protection et de diversité, afin que les importations soient réduites. La crise énergétique impliquera une certaine relocalisation européenne des activités de fabrication, pour des raisons de coût du transport et de sécurité.
4. La coordination démocratique : seul un immense débat collectif, tendu vers l’objectif de sociétés sobres et solidaires, pourra décrire cet avenir désirable et construire de nouveaux contrats sociaux pour une société en transition.
5. Des garanties vitales pour tous : une contrainte immédiate est celle du cadre de solidarité permettant d’affronter les évolutions dramatiques possibles : un travail pour tous, un revenu pour tous. Ces deux objectifs se déclinent en « la semaine de quatre jours » pour réduire le chômage, et en « un revenu d’existence universel, individuel et inconditionnel » pour réduire l’exclusion.
6. Faire de la santé, de l’accompagnement social et du « care », le fil vert de toute action publique. Mettre en tête de l’agenda le principe du « prendre soin » contribuera à structurer la transformation écologique de l’économie et du social. Cela passe par un triptyque : protection sociale élargie, principe de prévention globale et une politique de l’emploi centrée sur les métiers du soin et de l’accompagnement (éducation nationale incluse !).
Des élections de 2012 : une candidature écologiste
Pourrions-nous convaincre nos concitoyens de l’urgence écologique si nous sommes incapables de présenter un candidat à l’élection présidentielle de 2012 ? Non. Jour après jour (merci aux militants !), élections après élections (bravo aux candidats et aux élus !), notre pensée et notre action pèsent davantage dans les politiques publiques. Alors que ce travail commence à porter ses fruits, nous devons continuer la dynamique du rassemblement en présentant un candidat à l’élection présidentielle.
Le bon score du candidat écologiste à la présidentielle ne peut se concevoir sans des représentants du peuple pour porter le projet écologiste à l’Assemblée. Eh, Dany, crois-tu sérieusement que sans candidat à la présidentielle nous pourrions négocier un meilleur accord programmatique et un plus grand nombre de députés ? Aujourd?hui, Europe Écologie Les Verts pèse plus de 10% des suffrages exprimés dans les urnes depuis deux ans. Soit, proportionnellement, plus de cinquante-huit députés à l’Assemblée nationale. Y a-t-il un Conseil régional avec écologistes et dont le nombre de nos Conseillers soit inférieur à 10% du total des élus ? Aucun. Pourquoi en serait-il différemment à l’échelon national ?
De l’accord avec la gauche : l’autonomie contractuelle
Les spécificités de l’écologie politique nous conduisent à porter de façon autonome notre projet à l’occasion des différents scrutins électoraux. Cette « autonomie de premier tour », systématique pour les scrutins proportionnels, sélective pour les scrutins majoritaires, doit être assumée avec la volonté de construire des accords de second tour avec nos partenaires potentiels. Ces accords ne peuvent pas se conclure avec la Droite, mais ils ne sont pas automatiques avec la Gauche. Ils sont conditionnés à un contrat de majorité. Notre programme à venir déclinera les mesures que nous souhaitons mettre en oeuvre, mais, entre autres exemples, nous ne pourrons passer un accord avec la Gauche si ne figure pas la sortie du nucléaire.
Cet éventuel contrat de majorité s’étend jusqu’à la participation au gouvernement dans des conditions meilleures qu’en 1997 ! Oui, le numéro deux du gouvernement sera un écologiste chargé du ministère de l’écologie à large périmètre. Mais d’autres écologistes auront la responsabilité d’autres ministères. Chacun de nos élus municipaux, départementaux, régionaux, sait qu’en matière de conviction, de dévouement et de compétence, les écologistes supportent aisément la comparaison avec les socialistes. Il en est de même à l’échelon national, gouvernement compris !
De notre parti-mouvement : démocratie d’abord
En matière d’organisation interne, cessons de multiplier les structures, les comités et les conseils, stoppons l’inflation statutaire et réglementaire dont seuls les experts peuvent démêler l’écheveau, arrêtons enfin de passer plus de la moitié du temps de notre Conseil fédéral sur des questions de fonctionnement. Place à la politique !
Certes, jamais un mouvement politique n’a été capable de se transformer aussi rapidement et de permettre à des responsables et militants associatifs et syndicaux d’êtres élus en interne et/ou en externe. Si nous voulons que cette dynamique s’amplifie, notre priorité est « davantage de démocratie ». Le bilan des nouveaux statuts se fera à la fin 2012, à l’occasion d’un nouveau Congrès qui devra tirer le bilan de la période présidentielle/législative.
En attendant, gagnons en efficacité collective :
Soutenons l’émergence de nouvelles générations de militants pour assurer la pérennité et le renouvellement de notre expérience collective,
Asseyons le fonctionnement politique des instances nationales autour de trois pôles de compétences : Environnement, Social et économique, Droits et libertés,
Faisons du nouveau Comité d’Orientation Politique, récemment instauré par les statuts, l’élément d’une cohérence, d’une visibilité et d’une crédibilité retrouvées.
De l’avenir
Le début de l’année 2011 ressemble au début de l’année 2008 : émeutes de la faim dues à la hausse des produits agricoles due aux mauvaises récoltes de céréales en Australie, en Ukraine et en Russie, dues au dérèglement climatique, dus à l’excès d’émissions de gaz à effet de serre… Mais aussi hausse du cours des matières premières minérales et fossiles; notamment du pétrole dont le pic de production conventionnel est désormais avéré. Mais aussi aggravation des dettes publiques de certains états européens et continuation de la folie des marchés financiers. La dislocation du système financier mondial est probable bientôt. Bref, il est plus raisonnable d’anticiper une nouvelle récession pour le prochain quinquennat et de s’y préparer politiquement, plutôt que de réciter les versets du dogme de la croissance comme le font la majorité sarkozyste et le projet socialiste. Dans ses documents budgétaires, le gouvernement prévoit une croissance du PIB de 2% en 2011, et de 2,5% jusqu’en 2014. Du côté du PS, tout le « projet » publié mardi 5 avril repose sur une croissance de 2,5% chaque année jusqu’en 2017. L’effondrement de ces politiques n’en sera que plus cruel pour les ouvriers et les ménages défavorisés. Le manque de lucidité des analyses de la droite et de la gauche traditionnelle est étonnant. Il est même dramatique.
La récente prise de conscience écologique des partis conformistes changera peu les arbitrages politiques, tant ils restent prisonniers des lobbies économiques, nourris des mythes de la croissance comme solution à tous les problèmes. Nous sommes le parti qui porte la remise en cause du modèle productiviste, mais aussi celui qui rend la conversion écologique vivable pour tous. A cette fin, nous lions indissociablement la mutation écologique, le partage des richesses et la conquête de nouvelles libertés. C’est pourquoi l’écologie politique s’adresse à toutes et à tous, elle est une écologie populaire.