Des élections législatives auront lieu le 22 février prochain à Djibouti, qui s’en soucie ? Ce petit pays de 23 000 km2 (environ la taille d’Israël) pour 800 000 habitant/es, situé à la frontière du Moyen-Orient arabe et de l’Afrique, occupe pourtant une place stratégique sur l’échiquier géopolitique mondial, qui lui vaut l’étrange privilège d’accueillir sur son sol plusieurs bases militaires étrangères : une française (qui vient de servir pour la logistique de l’opération Serval au Mali), une étasunienne (la plus importante du continent africain), mais aussi une japonaise, une allemande et une italienne. Qui ne voit l’importance de ces bases pour la surveillance du trafic notamment pétrolier de la Mer Rouge mais aussi du Sahel actuellement sous tension ?
Avec la bénédiction de ces puissances militaires et notamment de la France, ancienne puissance coloniale, Djibouti vit depuis son indépendance en 1977 sous le régime autoritaire d’une même famille – l’actuel président Ismaïl Omar Guelleh a succédé en 1999 à son oncle Hassan Gouled Aptidon. A une semaine du scrutin législatif, le groupe Afrique EELV s’inquiète du peu d’avancée de l’organisation du vote – listes électorales incomplètes, CENI désignée seulement dix jours avant le scrutin… – ainsi que de l’intimidation dont font l’objet plusieurs leaders de l’opposition rassemblée sous le nom d’Union pour le salut national (USN) : le président et le porte-parole de l’USN, Ahmed Youssouf et Daher Ahmed Farah, ont été interdits de candidature sous prétexte de double nationalité et, le 5 février, Daher Ahmed Farah a été arrêté puis rapidement libéré.
Cette situation, hélas, n’est pas de bon augure : alors que ce scrutin partiellement proportionnel donne à l’opposition unie la quasi-assurance d’obtenir pour la première fois des élu/es, le pouvoir semble manoeuvrer pour semer la peur et la confusion autour des élections. Il a prépositionné des forces de sécurité afin de se maintenir si nécessaire par la force, et de continuer à détourner à son profit les dizaines de millions d’euros que rapportent annuellement les concessions des bases militaires étrangères tandis que le peuple djiboutien reste chroniquement menacé par l’urgence sanitaire voire par la famine.
Dans cette situation, le groupe Afrique EELV :
– assure le peuple djiboutien de son total soutien pour exiger et obtenir un scrutin libre et transparent ;
– estime que le gouvernement français devrait revoir sa coopération militaire avec le gouvernement djiboutien dans le sens d’une « prime à la démocratie » : plus les droits de l’homme et la transparence des élections sont respectées, plus le loyer de la base militaire française à Djibouti pourrait par exemple être élevé ;
– estime que le gouvernement français devrait se coordonner avec les gouvernements allemand et italien, voire étasunien et japonais, pour parler d’une même voix et établir les mêmes exigences démocratiques en matière de coopération militaire avec Djibouti ;
– suggère aux parlementaires français et européens, issu/es d’EELV comme d’autres partis, d’exiger de leurs gouvernements la transparence sur la politique de coopération militaire et autres que les Etats européens et l’Union européenne mènent avec Djibouti – à ce titre, une commission d’enquête parlementaire en France sur les circonstances précises de l’assassinat du juge Bernard Borrel en 1995 pourrait être envisagée ;
– attire l’attention des médias sur l’isolement du peuple djiboutien, victime de la situation géostratégique et militaire du pays.
Groupe Afrique / Commission Transnationale EELV, le 15 février 2013