Chers ami-es,
C’est le premier Conseil fédéral qui intervient après l’assassinat d’Hervé Gourdel, qui a secoué la France. Je tiens ici à lui rendre hommage comme aux journalistes britannique et américain qui ont été victimes ses dernières semaines du fondamentalisme.
Dans ses moments troublés, où l’émotion peut l’emporter sur la raison, il ne faut pas céder un pouce de terrain à la peur. C’est la meilleure manière de leur rendre hommage. Et c’est pour cette raison que raboter les libertés individuelles, notamment numériques ou opposer les communautés les unes contre les autres est la pire des manières de répondre à la terreur.
La France a décidé d’entrer en guerre contre Daesh.
A l’heure où je vous parle, la ville de Kobané, en Syrie, est encerclée par les membres de Daesh. Chacun y va de son commentaire sur le drame que pourrait être la chute de la ville, l’ONU évoquant même Srebrenica. C’est une honte ce qu’il est en train de se passer à Kobané. Et la Turquie joue un rôle majeur dans ce massacre.
Mais là encore, il ne faut pas en rester à l’esprit guerrier et revanchard.
En tant qu’écologistes, internationalistes non violents, nous devons rappeler encore et toujours que la guerre est un échec et que nous ne nous en satisferons jamais. Et s’il est nécessaire d’empêcher un massacre, il est absurde de le faire sans s’attaquer dans le même temps à ses causes.
Il est absurde de s’engager contre un groupe de combattants sans s’attaquer à ses financeurs. S’attaquer aux djihadistes, c’est nécessairement s’attaquer à l’hypocrisie de la géopolitique occidentale.
Cela fait trois ans qu’il y a la guerre en Syrie où ont déjà péri plus de 150 000 personnes. L’instabilité en Irak, en Syrie, dans le Kurdistan ne se résoudra pas uniquement par des frappes armées contre des groupes intégristes.
La première urgence est de protéger les minorités menacées par Daesh en faisant preuve de volontarisme mais pas d’aventurisme ni d’imprudence.
La deuxième est de préparer les solutions politiques au conflit qui ramèneront une paix durable au Maghreb et au Moyen Orient. C’est pourquoi nous soutenons la proposition de nos parlementaires d’organiser une conférence internationale pour la Paix, rassemblant tout le monde autour de la table. Et je dis bien tout le monde, l’Iran comme le Hamas par exemple, parce que nous ne résoudrons pas les problèmes si le dialogue avec tous les acteurs de la région n’est pas organisé.
La commission européenne
L’actualité internationale est bien sûr également Européenne. Et elle n’est pas plus réjouissante. C’est avec beaucoup de dépit que nous avons assisté cette semaine avec nos eurodéputés aux auditions des commissaires européens.
Quel triste spectacle ! Quel triste spectacle pour l’Europe, pour celles et ceux qui croient en l’idée européenne et en ses institutions !
Serait donc commissaire européen au climat et à l’énergie, Miguel Arias Canete, un triste sire doublé d’un sexiste, qui a des intérêts dans l’industrie pétrolière espagnol. Et je tiens à le rappeler, Canete a bénéficié des voix d’une grande partie du Parti socialiste européen, préférant la sauvegarde de son accord de co-gestion avec le PPE plutôt que défendre ses valeurs. Un pétrolier pour s’occuper du Climat, on voit très bien où cela peut amener l’Europe sur la défense des énergies fossiles.
Serait donc commissaire à l’éducation et à la citoyenneté, Tibor Navracsics, issu du gouvernement du Premier ministre Orban. Un commissaire européen en charge de l’éducation, qui est connu pour ses actions contre la presse, contre les ONG, qui a alimenté les discours les plus réactionnaires contre les communautés en Hongrie.
Et enfin, Pierre Moscovici sera commissaire européen en charge des Affaires économiques qui, après avoir enterré la loi bancaire et réduit la taxe sur les transactions financières à la portion congrue, va donner des leçons d’austérité à toute l’Europe.
Ce n’est pas avec cette commission et avec ces petits arrangements que nous rendrons l’Europe désirable, en renonçant sur les valeurs et en continuant dans les trocs de bas étages entre Etats. Car n’oublions pas que ces pratiques qui nuisent à l’Europe ne sont pas de son fait. Elles sont le fait des Etats, qui protègent égoïstement leurs intérêts. C’est en renforçant l’Europe que nous mettrons fin à ces pratiques qui la déshonorent, c’est en changeant les modes de désignation de la présidence du PE et de la commission européenne qu’on pourra changer.
TAFTA
Dans ces conditions, comment pense que cette commission européenne fera mieux que la dernière pour lutter contre TAFTA. Le Parlement européeen, et les députés verts sont en première ligne aujourd’hui pour poursuivre cette lutte
Laisser se faire Tafta, c’est réduire à terme notre souveraineté sur un grand nombre de projets. Au nom de la liberté, des lobbys veulent nous imposer leurs OGM, les gaz de schistes, les cultures intensives, leurs visions commerciales.
Tafta c’est toujours non, et c’est pour cette raison que nous participons aujourd’hui, aux mobilisations citoyennes contre ce traité. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail de nos eurodéputés contre ce traité.
Le budget 2015
L’actualité européenne rejoint également celle de la France avec la question budgétaire.
Nous écologistes, ne sommes pas pour léguer une dette gigantesque à nos enfants. Mais nous ne voulons pas non plus nous léguer la précarité à nos enfants.
Il y a une bonne et une mauvaise dette.
Il y a une différence entre sobriété et austérité. La sobriété suppose de faire des économies. Mais en faisant des choix politiques, pas en suivant une règle comptable et un tableur excel.
Nous le répétons et nous ne sommes pas les seuls : plutôt que de couper d’une manière comptable dans les budgets, nous pouvons étaler les plans d’économie sur plus d’années, réduire les mauvaises dépenses tout en soutenant l’investissement, soutenir les filières qui créent et maintiennent de l’emploi plutôt que d’aider les grands groupes à distribuer toujours plus de dividendes.
On peut faire autrement pour le budget de la France !
Contrairement à l’austérité, on peut appliquer la sobriété.
La sobriété, elle donne du sens à l’action publique : elle est qualitative et non quantitative, il s’agit de faire mieux en consommant moins et en prenant en compte un principe intangible de solidarité.
Appliquer à l’ensemble des politiques publiques, la sobriété permettrait de retrouver la confiance des Français. Au même titre que pour une école ou une bibliothèque, ces derniers comprennent qu’on investisse dans l’éolien ou le photovoltaïque. Ce qu’ils n’acceptent pas en revanche, c’est de payer des impôts pour rembourser les banques où pour financer les dividendes des actionnaires. De la même manière, on peut trouver des financements autrement qu’en ponctionnant le modèle social ou les crédits aux collectivités, en commençant par exemple par taxer les activités polluantes et en renonçant aux grands projets inutiles et coûteux.
Nous devons remplacer austérité et croissance par sobriété et prospérité.
Et c’est pour cette raison que l’annonce de l’abandon de la taxe transit poids lourds est une erreur magistrale. Et surement le signe de l’absence de conscience écologique globale du gouvernement.
Fort avec les faibles, faible avec les forts.
Et je dis bien les forts, car ne nous y trompons pas : tous les lobbies de France, agricoles ou routiers, font semblant de protéger les petits alors qu’ils ne protègent que les intérêts des puissants. C’est là une grande entourloupe. C’est comme Tartuffe chez Molière : ce sont de faux dévots, faisant semblant de défendre les petits producteurs alors qu’ils ne font que défendre le grand capital
Je pose à nouveau la question : si les poids-lourds ne contribuent pas aux dommages qu’ils causent aux routes et à ceux de la santé avec la pollution de l’air, qui le fera ? Qui paiera pour la construction des alternatives au routier comme le ferroviaire ou le fluvial ? Qui paiera pour les transports en commun ?
Pas une ville de France n’est aujourd’hui à l’abri de voir le développement durable de son territoire, à travers le développement des transports en commun, remis en cause.
Pour un gouvernement obsédé par la responsabilité, alors qu’il y a plus de 40000 morts prématurées par an à cause de la pollution de l’air et que cela coute des milliards à la collectivité, c’est un comble de mettre fin à cette contribution. Oui, ce système, et nous l’avions dénoncé, n’était pas bon, techniquement peu fiable. Mais plutôt que de l’abandon et de se refiler la patate chaude depuis 2012, il aurait été préférable que le gouvernement ait le courage de remettre à plat le système et s’engage fortement sur cette contribution.
L’abandon de l’écotaxe, c’est un mauvais signe envoyé aux écologistes, mais aussi aux routiers. C’est un mauvais signe à un an de la conférence Climat.
Quand on s’en prend à la fois à l’écologie et à la solidarité nationale, il ne faut pas espérer le soutien béat de son partenaire. C’est parce que nous sommes loyaux à la majorité de 2012 que nous ne nous laisserons pas faire, notamment sur le budget. Comment, avec de telles décisions, espérer avoir le soutien des écologistes ?
Nucléaire : une victoire des écologistes.
Nous nous battrons sur le budget et nous verrons bien.
Mais aujourd’hui, je ne voudrais pas que nous boudions notre plaisir sans revenir sur le travail remarquable que nous avons mené collectivement pour la loi Transition énergétique.
Disons le d’emblée, cette loi n’est pas parfaite. Mais elle a un grand triple mérite. Bon pour la planète, pour le pouvoir d’achat et pour l’emploi.
Non seulement elle devrait changer la vie des gens, en les exposant moins au risque nucléaire et en développant des énergies renouvelables et plus saines. Elle va réduire les factures d’énergie. Elle permettra de créer des emplois tout en respectant mieux la nature.
Mais, grâce aux écologistes, la France est en train d’adopter une nouvelle page de sa politique énergétique. Au delà d’un débat très technique, nous devons reconnaître une grande victoire culturelle. Pour la première fois nous avons ouvert une brèche dans le dogme nucléaire. Nous avons sérieusement amoché l’exception française qui a placé excessivement sa confiance dans une seule énergie, la plus dangereuse et polluante de toutes. Pour la première fois, l’énergie nucléaire est encadrée, limitée. Avec cette loi, c’est le chemin de la sortie du nucléaire que nous prenons et nous devons, à cet instant, ne pas oublier ce moment crucial.
Signalons tout de même quelques grandes victoires :
- réduire de 75 à 50% du nucléaire dans la production d’électricité d’ici 2025.
- réduire par deux de la conso d’énergie d’ici 2050 (30% d’ici 2020 grâce à un amendement écologiste)
- passer à 30% de renouvelables
- Reconnaissance de l’obsolescence programmée, tiers-financement, chèque énergie, services régionaux de l’énergie.
Nous serons évidemment vigilants à la mise en œuvre de ses engagements et en premier lieu par la fermeture de Fessenheim. Nous allons veiller à ce que le contenu de cette loi ne soit pas amoché par les passages devant les assemblées.
Bref, cette loi n’est pas parfaite mais elle est historique. Et nous pouvons nous féliciter collectivement de cette victoire. Sans nous, cette loi n’existerait pas. Nous pouvons en ce lieu avoir une pensée pour tous les fondateurs du mouvement écologiste, pour la plupart issu de la mouvance anti nucléaire.
Et je voudrais ici que nous acclamions la commission énergie, toutes celles et ceux qui ont contribué au sein du Conseil national de la transition énergétique et bien sûr nos députés qui ont travaillé jusqu’à ce matin pour aller au bout de la loi sur la TE, Denis, Cécile, François, François-Michel, Barbara, Brigitte.
Une République écologiste !
C’est une belle victoire, qui ne doit pas faire oublier les difficultés de notre pays. Ni la nécessité de réformer notre pays.
La question démocratique en est une. C’est parce qu’il y a un déni de démocratie en France qu’on arrive aujourd’hui à faire l’inverse de ce qu’on a promis.
La Ve République a vécu. Elle est à bout de souffle et est la source du désenchantement démocratique de notre pays. Il est temps de mettre en œuvre ce que François Hollande vantait quand il était candidat : une grande réforme institutionnelle. Chacun y va de ses propositions, comme le Président de l’Assemblée nationale qui annonce une mission parlementaire sur le sujet. Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réforme d’ampleur, si nous voulons sauver notre démocratie et la moderniser.
Nous avons besoin de dialogue et de débat, de pluralisme et de parité !
Cela passe par la proportionnelle et par un régime réellement parlementaire.
Pour cela, la politique du pays doit être conduite par un homme -ou une femme- responsable devant le parlement. Un premier ministre qui pourra être destitué par la représentation nationale s’il ne fait pas ce que le peuple lui a demandé de faire.
Cela passe évidemment par la réduction conséquente des pouvoirs du Président de la République, qu’on a érigé en sauveur suprême alors que la résolution des crises nécessite une action collective.
Nous avons besoin de pouvoir d’agir citoyen pour retrouver une confiance dans l’action publique, que les élus ont perdu pour longtemps. C’est pourquoi nous proposons un droit d’initiative populaire, pour que les citoyens puissent réellement faire la loi.
Nous avons besoin de prendre en compte le long terme. Tous les projets de loi devraient être soumis à une loi supérieure écologique. Sans durabilité, pas de constitutionnalité.
Nous avons besoin de réconcilier éthique et politique, en mettant fin à des pratiques indignes. L’affaire Thomas Thevenoud est une farce qui a révélé le décrochage moral et le sentiment d’impunité des élites. Mais pourquoi permettons-nous au Lavrilleux, Balkany et autres escrocs de siéger encore dans un hémicycle ?
Quel est ce mal qui ronge la France qui fait qu’on ne parle plus que du retour de Nicolas Sarkozy, quand ce dernier s’est disqualifié en trichant aux élections. Quand on triche à des élections, on n’est pas démocrate !
La démocratie a besoin d’un bol d’air. Il faut passer à la VIeme République. Et cette VIème République doit être écologiste. C’est un des chantiers de 2015
La mobilisation citoyenne
Le bol d’air passe aussi par le renouveau des mobilisations citoyennes. Ces dernières sont comme anesthésiées depuis un bon moment. Le flottement qui règne au sommet de l’Etat a agi comme un somnifère pour les mouvements sociaux.
Pourtant, une des solutions passe par le renouveau de l’engagement citoyen. En ce sens, le climat et la lutte contre le réchauffement climatique sont un espoir.
Comme pour Copenhague en 2009, une mobilisation heureuse et positive s’est mise en marche. Ca a commencé le 21 septembre dernier avec une marche au succès mondial. Jeunesse et déguisement étaient de sortis.
Nous devons prendre part à cette mobilisation, et ne pas laisser de fossé trop important se créer avec la partie institutionnelle de la COP21, pour ne pas créer l’immense frustration post Copenhague.
Nous avons pour cela des outils : nombre d’élus sont aux manettes, à Paris, en Ile-de-France, en régions et à Bruxelles, et nombre de militants organisent la mobilisation. Nous devons créer une culture partagée et définir des objectifs communs. C’est ce à quoi nous nous attelons déjà. Le climat et la COP21, dans leurs deux aspects, institutionnel et citoyen, seront la priorité numéro 1 du mouvement pour l’année qui vient.
Les mobilisations locales
Et c’est sans oublier les luttes locales où nous sommes présents actuellement, luttes locales NDDL, Sivens, Lubéron, le Loiret
Elles sont la partie haute de l’iceberg, le signe de la fin d’un modèle économique.
Conclusion : mobilisation générale
Nécessité de poursuivre nos combats pour des politiques plus écologiques, qui respectent la finitude du monde ; renouveau démocratique ; construction d’une nouvelle espérance : voici les chantiers qui sont devant nous.
Face aux discours qui font de la réduction des déficits publics l’alpha et omega d’une politique, les écologistes ont la responsabilité de défendre leur modèle de société, leurs solutions aux maux de ce monde. Nous devons refuser la fatalité qu’on nous impose, qui fait qu’il serait inexorable d’avoir 8 millions de pauvres comme de subir la mal bouffe, la pollution ou les discriminations ou un capitalisme débridé.
Nous entrons dans une nouvelle phase où l’écologie doit se libérer, se décomplexer. Nos débats sur la responsabilité ou la radicalité sont derrières nous, il est temps de passer à la suite.
La suite est dans l’action. Elle n’est plus dans les discours auxquels les citoyens ne croient plus.
C’est pourquoi j’en appelle à la mobilisation générale et au rassemblement de tous les écologistes. Nous avons toutes et tous travaillé sur le lancement d’assises, de fabriques, de chantiers de l’écologie. C’est le moment de se tourner vers l’extérieur, pour organiser des rencontres et des débats, sans exclusive et dans le respect des différences. Etre accueillants, avoir le souci de débattre mais aussi de construire avec d’autres, ne pas s’enfermer dans la surenchère de la radicalité ni dans celui de la gestion.
Voilà où est notre place.
Trouver des convergences en partant des territoires. Discuter sans exclusive, mais construire des solutions concrètes, montrer le chemin où nous voulons aller.
Je compte sur vous !
Emmanuelle Cosse, le 11 octobre 2014