Monsieur le président,
Madame la présidente de la commission des Affaires étrangères
Monsieur le rapporteur,
Mesdames, messieurs les députés,
Nous vivons en cet instant un moment inédit. Pour la première fois dans cet hémicycle vous allez débattre et voter sur notre politique de développement et de solidarité internationale.
La loi que j’ai l’honneur de présenter aujourd’hui au nom du Gouvernement est en effet une première dans l’histoire de notre République. C’était un engagement du Président de la République. Il est aujourd’hui tenu.
#LoiDev: discours de Pascal Canfin lors de l… par PascalCanfin
Avec cette loi nous ouvrons une nouvelle ère : celle du contrôle démocratique de notre politique de développement. Le temps d’une politique africaine qui regardait derrière nous. Le temps d’une politique qui était avant tout la gestion de l’héritage du passé, le temps – pas si lointain – d’une politique qui se décidait dans l’ombre, oui ce temps-là est révolu.
Aujourd’hui, nous mettons fin à une exception qui n’avait que trop duré. Cette politique de développement nous la tournons vers l’avenir. Sans renier les liens tissés par l’histoire, nous écrivons l’histoire à venir, celle du 21ème siècle.
Nous allons tout au long de ces débats parler finalités, stratégies, modalités, principes, évaluation, redevabilité. Alors laissez-moi d’abord parlez d’humanité.
Laissez-moi d’abord parler de celles et ceux sans qui cette politique n’aurait pas de sens. Ces héros du développement et de la solidarité qui, tous les jours, inventent, se battent, trouvent des solutions, soulèvent des montagnes, bref, qui tous les jours contribuent à changer le monde.
Je pense à Esther Madudu, sage-femme ougandaise qui a quitté sa famille pour parcourir le monde et faire connaître l’engagement formidable des sages-femmes africaines. Mais faire connaître aussi cette terrible réalité : Aujourd’hui encore pour près de 300 000 femmes chaque année, donner la vie, c’est donner sa vie et la perdre.
Je pense à Julienne Lussenge, qui en RDC accompagne la lente reconstruction de femmes violées dans l’Est de son pays. Et qui, lors d’une rencontre à Kinshasa avec le Président de la République, nous a dit que dans son pays « le corps des femmes était le champ de bataille des hommes ».
Je pense enfin à Arsène Adiffon qui dirige avec un engagement sans limite un centre de prise en charge des malades du SIDA à Cotonou. Grâce aux efforts de tous, sur les 50 enfants nés l’an passé de femmes séropositives suivies par ce centre, aucun n’a développé la maladie.
C’est la preuve que nous n’avons jamais été aussi près de retrouver un monde sans SIDA.
Ces hommes et ces femmes, ce sont les héros à la fois ordinaires et extraordinaires du développement. Et c’est la grandeur de notre pays de les soutenir. C’est la grandeur de notre pays d’aider les femmes et les hommes des pays en développement à conquérir et à faire respecter leurs droits. Leurs droits civils et politiques bien évidemment. Mais aussi leur droit à l’alimentation, à l’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation. Leurs droits sexuels et reproductifs et leurs droits sociaux.
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Mesdames, messieurs les députés,
La politique de développement est une composante essentielle de notre politique étrangère. Rétablir la paix, au Mali comme en Centrafrique, impose d’avancer sur les trois piliers que sont la sécurité, la démocratie et le développement. Nous le savons, il n’y a pas de développement possible sans sécurité. Mais il n’y a pas de sécurité durable sans développement.
Cette politique est donc essentielle pour la construction d’un monde en paix. Et c’est pourquoi, malgré le contexte budgétaire que vous connaissez, la France a stabilisé son niveau d’aide publique au développement grâce aux financements innovants.
Car nous ne faisons pas et nous ne ferons pas payer notre crise aux plus pauvres de la planète, à ceux qui vivent, ou survivent, avec moins de 1 dollar par jour.
Ces moyens financiers, nous avons l’obligation de les utiliser au mieux. Nous le devons tant aux contribuables français qu’aux bénéficiaires de notre aide.
C’est pourquoi cette loi va nous permettre de faire des progrès déterminants en matière de transparence alors que jusqu’à présent, pourquoi le cacher, la France était à la traîne.
Pour utiliser au mieux nos moyens financiers, nous allons également concentrer notre aide en Afrique sub-saharienne et dans les pays de la rive sud et est de la Méditerranée. La moitié des subventions de l’Etat et les 2/3 des subventions de l’AFD seront fléchées vers les 16 pays pauvres prioritaires de notre aide.
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Mesdames, messieurs les députés,
Nous vivons dans un monde plus complexe. Il n’y a plus un Sud, mais des Sud. Il n’y a plus un monde riche et un tiers-monde. Il y a des pays émergents, qu’il faudra bien un jour appeler pays émergés.
Cette évolution, malgré toutes ses limites et toutes les tensions qui en résultent, est positive car elle a permis à des centaines de millions d’hommes et de femmes de s’extraire de la pauvreté. Mais elle nous oblige à penser autrement nos interventions dans ces pays.
C’est pourquoi cette loi fixe notre nouvelle doctrine dans les pays émergents.
Dans ce monde plus complexe, l’Etat ne peut agir seul.
C’est pour cela que la loi consacre le rôle des collectivités locales dans notre politique de solidarité internationale. Un groupe politique, à l’extrême droite, attaque parfois en justice les collectivités qui mènent des actions de coopération décentralisée. Cela est insupportable. C’est pourquoi j’ai voulu renforcer la sécurité juridique de l’action des élus locaux.
Ne pas agir seul c’est aussi reconnaître le rôle irremplaçable des ONG, qu’il s’agisse d’action humanitaire ou de développement. C’est pour cela que nous inscrivons dans la loi le doublement sur le quinquennat des crédits destinés aux ONG et que nous mettons en place une instance pérenne de concertation, le Conseil national du développement et de la solidarité internationale.
Ne pas agir seul c’est aussi s’appuyer sur les entreprises. Car il n’y a pas de développement sans investissements privés. Nous voyons aujourd’hui l’émergence de nouveaux entrepreneurs au Sud. Et nous allons les soutenir plus que nous le faisions dans le passé. C’est tout le sens des initiatives que j’ai prises récemment en faveur du soutien à l’innovation.
Dans ce monde plus complexe, nous devons revoir la notion même de développement. Car ce dont il s’agit c’est bien d’inventer un nouveau modèle de développement. Notre politique doit contribuer à résoudre cette équation, inédite dans l’histoire de l’humanité : comment faire vivre 9 milliards d’êtres humains en 2050 sur une seule planète aux ressources limitées et déjà particulièrement dégradées, comme l’illustre le dérèglement climatique. Écoutons les scientifiques. Écoutons la Banque mondiale qui parle de « cataclysme » en évoquant les effets d’un dérèglement climatique non maîtrisé. C’est pour cela que l’article 1 du projet de loi fait du développement durable la finalité de notre politique de développement. C’est pour cela que nous donnons la priorité aux énergies renouvelables, la priorité à l’agriculture familiale et paysanne. Que nous ne finançons plus d’OGM. Que nous ne finançons plus de projets qui contribuent à détruire des forêts primaires. Que nous ne finançons plus de projets qui contribuent à l’accaparement des terres. Et dans cette loi le Gouvernement se donne comme objectif, pour la première fois, de réduire progressivement ses soutiens publics aux fossiles, au-delà de ce qui a déjà été réalisé pour l’AFD.
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Mesdames et messieurs les députés,
Le dernier point que je voudrais aborder, et il est essentiel, c’est la cohérence. La politique de développement c’est bien sûr l’aide au développement, mais c’est tout autant la cohérence des politiques qui doivent assurer les conditions du développement.
Je pense à la lutte contre les flux illicites de capitaux, à la lutte contre l’évasion fiscale, aux politiques commerciales, aux politiques de pêche, aux politiques agricoles et aussi à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Concernant la transparence en matière fiscale vous connaissez mon engagement, vous connaissez aussi l’engagement du gouvernement.
L’objectif de l’aide, c’est de permettre aux pays bénéficiaires de pouvoir un jour s’en passer.
Le renforcement des ressources propres des Etats passe par la lutte contre l’évasion fiscale dont les pays en développement sont les premières victimes. Les travaux que vous avez menés en Commission des Affaires étrangères, mais aussi dans les commissions saisies pour avis, ont permis de renforcer le texte initial et je m’en félicite. Et je voulais ici, très sincèrement, vous remercier pour le travail que vous avez accompli dans un temps très court.
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Mesdames, Messieurs les députés,
Vous avez aussi déposé de nombreux amendements pour renforcer, dans cette loi, les dispositifs de responsabilité sociale et environnementale de nos entreprises dans les pays du Sud.
Nous avons encore tous en tête les images terribles du Rana Plaza, cette usine au Bangladesh dont l’effondrement a causé la mort d’un millier d’ouvriers, majoritairement des femmes.
Je suis le petit-fils d’un mineur du Pas-de-Calais, en voyant ces images d’hommes et de femmes recherchant leurs proches dans les décombres, j’ai pensé à la catastrophe de Courrières, ce coup de grisou qui, lui aussi, fit plus de 1000 victimes en France il y a un siècle. C’est suite à cette catastrophe que fut rendu obligatoire le repos hebdomadaire.
Alors Oui, la catastrophe du Rana Plaza doit aussi être le point de départ de nouvelles avancées en matière sociale au niveau mondial. Car l’enjeu est bien là, dans un monde où les chaînes de valeur et de production ne connaissent plus de frontières. Avec cette loi, aujourd’hui, et dans les débats que nous aurons au fur et à mesure des lectures de ce texte devant le Parlement, nous allons, ensemble, étudier concrètement, la possibilité de renforcer le devoir de vigilance incombant aux entreprises dans le cadre de leurs activités, mais aussi de celles de leurs filiales et de leurs sous-traitants. Nous contribuerons ainsi à tirer la mondialisation vers le haut.
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Mesdames et messieurs les députés,
Le projet de loi que nous allons voter aujourd’hui est l’aboutissement d’un long combat. L’aboutissement d’un engagement que la gauche avait pris de longue date sans jusqu’à présent le réaliser. Alors bien sûr, aujourd’hui je pense particulièrement à Jean Pierre Cot qui, lorsque j’ai pris mes fonctions en mai 2012, m’a écrit un mot, m’incitant à accomplir la tâche, que, venant trop tôt peut être, il n’avait pu réaliser. Et je pense aussi bien sûr à Stéphane Hessel, qui fut toute sa vie un militant infatigable de la solidarité internationale, un militant d’un monde ouvert, un militant, comme il le disait lui-même, d’un « monde plus beau ».
Je forme le vœu que cette loi, une loi que nous forgeons ensemble, puisse, à sa mesure, contribuer à rendre le monde plus beau.